Depuis le 4 septembre, les libéraux provinciaux ne ratent pas une occasion de claironner que leur parti a fait mentir sondages et commentateurs et qu'il est là pour rester, solidement établi sur la scène politique. Certains libéraux rêvent même ouvertement à un retour prochain au pouvoir.

On ne peut nier, en effet, que le PLQ ait démontré une résilience et une force d'organisation hors du commun au dernier scrutin. Mais ce résultat pourrait être trompeur. Chose certaine, les libéraux sont dans l'erreur s'ils pensent que leur récolte inattendue de 50 sièges démontre qu'ils se redirigent nécessairement vers le pouvoir à court terme.

Pourtant, bien des libéraux n'ont que ça en tête: élire un nouveau chef, repartir en campagne et défaire le gouvernement minoritaire de Pauline Marois au printemps prochain.

Cela rappelle les libéraux fédéraux, qui, après leur défaite aux mains de Stephen Harper en 2006, préparaient déjà leur retour triomphal au pouvoir, minimisant, niant même parfois les effets dévastateurs du scandale des commandites. Les partis politiques habitués au pouvoir ont du mal à se sevrer...

En 2006, les plus lucides parmi les libéraux fédéraux admettaient toutefois que leur parti en aurait pour 10 ans avant de se remettre. Au Québec, il est trop tôt pour savoir jusqu'à quel point les travaux de la commission Charbonneau égratigneront le PLQ. Mais selon les échos du milieu, les libéraux seraient présomptueux de croire à un retour au pouvoir dès le début de 2013. Comme pour leurs cousins fédéraux, la marque de commerce libérale risque de souffrir encore davantage dans les prochains mois, et on constate déjà, comme ce fut le cas pour le PLC, une raréfaction des dons au PLQ. Pour le moment, une traversée du désert est plus probable pour les libéraux qu'un retour triomphal au pouvoir.

Pourtant, plusieurs libéraux débordaient de confiance, dimanche dernier à Laval, lors du conseil général de leur parti. «Le gouvernement Marois est tellement mal parti et nous avons tellement bien fait le 4 septembre que rien n'est impossible pour nous, m'a glissé à l'oreille un ancien ministre du gouvernement Charest. En plus, on aura un élan grâce à notre course à la direction.»

Réunis pour la première fois en conseil général depuis les élections, les libéraux se sont beaucoup congratulés, mais le bilan postélectoral et les leçons de la défaite attendront. Pas le temps, il faut préparer la prochaine victoire.

Les libéraux, sans même en débattre, ont donc confirmé en une heure qu'ils éliront leur prochain chef avec le bon vieux système des délégués (les slates, comme on dit dans le milieu).

Bien calés dans leurs certitudes, les libéraux refusent par ailleurs l'idée d'abaisser le plafond des dons aux partis politiques (le gouvernement Marois veut le faire passer de 1000 à 100$ par année, ce à quoi la CAQ est favorable), et leur parti reste encore aujourd'hui le seul au Québec à rejeter le principe des élections à date fixe.

S'il y a des similitudes entre le sort du PLQ et celui du PLC, les libéraux provinciaux peuvent toutefois éviter de répéter une grave erreur de leurs cousins fédéraux en choisissant, en mars, le bon chef. Du moins, ils peuvent éviter de choisir le mauvais chef, comme le PLC l'a fait en 2006.

Quoi qu'il en soit, le nouveau chef devra être blanc comme neige. L'ombre de la corruption pèse lourdement sur le PLQ. Le favori dans la présente course, Philippe Couillard, l'a constaté la semaine dernière, lui qui a dû évincer un de ses principaux organisateurs, Alexandre Bibeau, fils de Pierre Bibeau, tous deux éclaboussés par des révélations de Lino Zambito devant la commission Charbonneau.

À peine entré dans la course, M. Couillard a aussi dû se défendre de compter sur l'appui de Marc-Yvan Côté, libéral notoire de Québec et acteur vedette du scandale des commandites. Philippe Couillard affirme qu'il ne peut empêcher quelqu'un de l'appuyer et ajoute que M. Côté n'a aucun rôle dans sa campagne.

L'ombre de Marc-Yvan Côté ramène celle de la firme Roche, généreux donateur du PLQ, où a longtemps travaillé l'ex-ministre Sam Hamad, principal supporter de Philippe Couillard dans le caucus libéral.

M. Couillard ne peut interdire à quiconque de l'appuyer, mais il ne peut pas, non plus, empêcher ses adversaires de poser des questions ni de faire des liens. Cela ne prouve rien, sinon que le PLQ d'aujourd'hui, comme le PLC à l'époque de la commission Gomery, marche sur un fil de fer. Sans filet pour amortir les chutes.