Pour sa première course à la direction en près de 30 ans, le Parti libéral du Québec (PLQ) a décidé d'élire son nouveau chef comme en... 1983, soit par la bonne vieille méthode des délégués de circonscription, plutôt que d'adopter la formule «un membre, un vote».

Les militants du PLQ réunis hier à Laval en conseil général n'ont même pas débattu de cette formule de plus en plus répandue, considérée comme plus démocratique que les fameuses slates, c'est-à-dire les groupes de délégués choisis dans chacune des 125 circonscriptions pour le congrès à la direction, qui sont généralement engagés envers un candidat pour le premier tour.

Avec une telle formule, c'est d'abord la force de l'organisation sur le terrain qui compte, chaque candidat cherchant à obtenir l'appui des délégations avant le congrès.

Parlant d'organisation, la majorité des libéraux croisés hier s'entendent pour dire que Philippe Couillard est en avance, mais il est loin d'être certain qu'il remportera la mise au premier tour, ce qui ouvrirait le jeu pour ses adversaires Pierre Moreau et Raymond Bachand (en fait, vraisemblablement à une alliance entre les deux). Quant à Jean David, l'ex-président du PLQ, il a admis hier que les exigences pour l'entrée dans la course compromettent sa candidature.

On aura donc droit, en mars, à un bon vieux congrès classique, comme dans les années 80 et 90, plutôt qu'au modèle plus imprévisible d'un membre, un vote. Contrairement à ce qu'on voit de plus en plus, il n'y aura pas de vote de membres du parti à l'extérieur du congrès, soit par internet, soit par téléphone.

Les cousins fédéraux du PLQ, qui sont eux aussi à la recherche d'un nouveau chef, ont adopté la formule «un membre, un vote», poussant même l'expérience démocratique un cran plus loin en permettant à des sympathisants (des électeurs inscrits auprès du PLC, mais non membres) de voter pour choisir le successeur de Michael Ignatieff. Les socialistes français ont expérimenté cette formule l'an dernier avec succès, profitant de l'intérêt d'électeurs qu'ils n'auraient pas eu autrement. L'expérience semble également positive pour le PLC, qui compte déjà plus de 30 000 «sympathisants» à six mois du vote.

Au PLQ, on dit ne pas avoir le temps d'adopter une nouvelle formule, ce qui nécessiterait un congrès pour changer la constitution du parti. Pas le temps et, surtout, pas l'argent pour réunir le parti en congrès, un exercice trop coûteux pour un parti dans la dèche.

Les libéraux n'ont pas parlé de réforme du mode de sélection de leur chef, mais ils ont beaucoup parlé d'argent. Combien et comment dépenser, plafond des dons aux candidats et exigences financières pour entrer dans cette course.

Toute la journée, on a senti l'ombre de la commission Charbonneau peser très lourd sur ce conseil général. Le fait que les militants libéraux étaient réunis à Laval n'a fait qu'alourdir cette impression.

Ce parti, qui était jusqu'à tout récemment une machine à ramasser (et à dépenser) de l'argent, marche aujourd'hui sur des oeufs lorsqu'il est temps de parler de fric. Pourtant, le plafond de dépenses adopté hier (600 000$ plus 50 000$ en dépôt au Parti) n'est pas exorbitant. Certains libéraux rappelaient d'ailleurs que le Parti québécois avait fixé à 500 000$ le plafond de dépenses permises lors de la course à la direction de 2005 et que personne n'avait trouvé à redire.

Les temps ont bien changé, toutefois, et pour bien des militants libéraux, la limite de 600 000$ est trop élevée. On assiste d'ailleurs à un jeu entre les candidats à la direction depuis quelques jours: Philippe Couillard a annoncé qu'il n'accepterait aucun don de plus de 500$, et Pierre Moreau s'est imposé un plafond de dépenses de 450 000$.

Au conseil général, des militants libéraux ont dit craindre que les candidats s'«achètent» des votes au congrès, puisqu'ils peuvent, selon les règles adoptées hier, dépenser jusqu'à 100 000$ pour le transport et l'hébergement des délégués en mars prochain, à Montréal.

Quelques-uns ont aussi exprimé clairement leur «malaise» devant le plafond de 600 000$, trop élevé dans les circonstances.

Ce débat risque toutefois d'être purement théorique puisqu'il serait étonnant, dans les circonstances, justement, que les candidats récoltent autant d'argent. Et chaque révélation devant la commission Charbonneau effraye encore un peu plus les éventuels donateurs.