Ajustement de position en catastrophe, recul sur une promesse majeure, annonces spectaculaires, congédiements intempestifs, nouvelles politiques sorties comme un lapin du chapeau d'un magicien, il faut admettre que les débuts du gouvernement Marois sont plutôt échevelés.

Certains y ont vu, non sans raison, de l'improvisation, de l'amateurisme même, et certainement le signe d'un manque de préparation étonnant, même pour un parti qui était dans l'opposition depuis près de 10 ans. Après tout, Pauline Marois a fait campagne en vantant sa grande expérience et plusieurs de ses ministres ont aussi un bon bagage politique.

Le contexte rappelle un peu l'arrivée de Paul Martin à la tête du Canada, en 2003. M. Martin aussi avait accumulé des années d'expérience, mais les premiers mois de son gouvernement avaient été totalement chaotiques. À un moment, un ancien conseiller de Jean Chrétien avait même critiqué la nouvelle administration en disant: «It lacks adult supervision!» (Ça manque de supervision adulte).

Les ministres de Mme Marois improvisent effectivement, apparemment en fonction de leurs positions personnelles, sur certains enjeux, et on constate ces jours-ci qu'ils réécrivent le programme électoral de leur parti avec une grande liberté.

Difficile de croire, toutefois, qu'il ne s'agit que d'improvisation. Ça sent le ballon politique, cette bonne vieille méthode qui consiste à envoyer une idée en l'air et à attendre les réactions.

Prenez cette idée, controversée, de supprimer le financement public aux écoles privées qui sélectionnent leurs élèves à l'aide d'un examen d'admission, lancée la semaine dernière par la ministre de l'Éducation, Marie Malavoy.

Le débat revient périodiquement au Québec, et bien des gens seront d'accord pour que l'État coupe les vivres aux écoles privées, surtout celles qui favorisent l'élitisme. Soit, mais le Parti québécois (PQ) n'a pas parlé de ce sujet en campagne électorale et son programme électoral va beaucoup moins loin que la ministre Malavoy.

Ce programme proposait de «modifier le financement des écoles privées afin qu'elles soient tenues, comme les écoles publiques, d'intégrer et de soutenir les élèves qui ont des difficultés d'apprentissage».

Nuance importante. Supprimer le financement public aux institutions qui recourent aux examens de sélection est plus radicale que forcer celles-ci à accepter un pourcentage d'élèves moins forts.

Qu'importe, Mme Malavoy a lancé son ballon avec un succès certain, à en juger par la couverture et l'ampleur du débat. Le gouvernement Marois pourra maintenant jauger l'humeur ambiante.

(Au fait, le programme du PQ disait aussi: «Cesser de subventionner les écoles privées axées essentiellement sur l'enseignement de la religion qui ne respectent pas le régime pédagogique ainsi que les écoles dont les admissions sont fondées sur l'appartenance confessionnelle»; mais de cela, Mme Malavoy n'a pas parlé).

Idem pour le renforcement de l'histoire du Québec à l'école, un autre sujet délicat, susceptible de polariser l'opinion publique.

Voyons ce que promettait le PQ dans son programme: «Renforcer l'enseignement et la recherche de l'histoire à tous les niveaux, de l'école primaire à l'université, en privilégiant la connaissance de l'histoire nationale du Québec et de ses institutions.»

De là, nous sommes passés à cette déclaration de Marie Malavoy: «On a un peu noyé le poisson de la souveraineté. Dieu sait que le débat national au Québec a beaucoup marqué notre histoire récente et il faut que ce soit vu avec du relief et non pas à travers une succession de thèmes qui ne sont pas forcément aussi importants et moins en lien avec notre propre identité.»

Encore là, nuances.

Quant à l'enseignement de l'anglais au primaire, cette «langue étrangère», selon Mme Malavoy, et en particulier le programme intensif en sixième année, rien dans le programme électoral. Cela n'a pas empêché cette sortie de la ministre: «Mon parti est très critique par rapport à l'idée d'introduire une langue étrangère alors que l'on commence à maîtriser les concepts, la grammaire, la syntaxe et le vocabulaire de sa langue maternelle.»

En campagne électorale, Pauline Marois a été très discrète sur cette question. En rencontre éditoriale à La Presse, elle nous a dit qu'elle comptait mettre fin au programme lancé par le gouvernement Charest en sixième (la moitié de l'année en anglais), mais dans le brouhaha de l'actualité électorale, cette nouvelle est passée inaperçue.

Dommage, parce que le PQ s'apprête à mettre la hache dans un programme qui fonctionne, qui est apprécié autant des professeurs, des parents que des élèves, promettant du coup un autre chambardement dans les écoles, ces institutions devenues depuis des décennies de malheureux laboratoires d'innombrables réformes.

Donnons au PQ ce qui lui revient, toutefois: la fermeture de Gentilly-2 était écrite en toutes lettres dans son programme. Bon, Mme Marois n'a pas trop insisté, mais l'engagement était bel et bien là.

On ne peut pas en dire autant, évidemment, de la taxe santé, qui devait disparaître dans le plan A du PQ. On connaît la suite: quelques rebondissements plus tard, la taxe santé reste, et la grande majorité des contribuables (en particulier ceux de la classe moyenne courtisés par le PQ) continueront de la payer.

Tournez ça comme vous voudrez, on appelle cela une promesse brisée, au même titre que les garderies à 5$ par jour avec Jean Charest en 2003 ou la TPS de Jean Chrétien.

Le plus ironique, c'est que dans ces trois cas, le gouvernement nouvellement élu a fini par prendre... la bonne décision! N'empêche, cela ne fait qu'accentuer l'impression de publicité trompeuse.

Hier matin, je n'ai pu m'empêcher de sourire en entendant le ministre de la Culture, Maka Kotto, parler à Franco Nuovo de «contribution santé», une expression inventée par le gouvernement Charest pour mieux faire passer la pilule de ce que le PQ a toujours appelé une «taxe santé».