Dans les jours qui ont suivi la formation du gouvernement Marois, la détermination de la nouvelle première ministre à concrétiser ses engagements électoraux a fortement impressionné. Mais depuis quelques jours, celle-ci a plutôt démontré qu'il est toujours dangereux de confondre vitesse et précipitation.

À peine assermentée, Pauline Marois a promis de gouverner au «rythme des Québécois». Apparemment, elle semble croire que ceux-ci sont hyperactifs et un brin brouillons!

Pendant la campagne électorale, elle avait pourtant promis de faire des gestes significatifs dans les 100 premiers jours de son mandat. On dirait plutôt que Mme Marois veut tout régler en... 10 jours, comme si le fait d'avoir été élue à la tête d'un gouvernement minoritaire avait comprimé le temps.

Le dossier de l'élimination de la taxe santé, et de la récupération fiscale du manque à gagner sous-jacent, en est une illustration troublante.

Les fidèles de Machiavel penseront sans doute que tout cela est savamment calculé par le nouveau gouvernement pour piéger l'opposition, mais en réalité cet épisode sent l'improvisation et le cafouillage à plein nez.

Jusqu'à la fin de la campagne, les stratèges péquistes croyaient voguer vers un gouvernement majoritaire, ce qui aurait permis à Mme Marois et à son ministre des Finances, Nicolas Marceau, d'imposer leurs décisions, y compris les mesures rétroactives dont le Parti québécois (PQ) s'est bien gardé de parler en campagne électorale.

Or, l'électorat en a décidé autrement. Voilà donc ce nouveau gouvernement minoritaire obligé de manoeuvrer, affirmant même, contre toute vraisemblance, qu'il avait clairement exprimé ses intentions durant la campagne. (Permettez une parenthèse: je trouve désagréable, presque douloureux même, de voir un homme intègre et intelligent comme Nicolas Marceau piétiner la réalité pour affirmer, la main sur le coeur, dans toutes les entrevues, que son parti a été totalement transparent sur son intention de taxer rétroactivement une partie de la population. À go, on se fait tous pousser une poignée dans le dos!)

Bien sûr, gouvernement minoritaire oblige, les péquistes essaient maintenant de coincer les partis de l'opposition en affirmant qu'ils défendent les «riches». Cette tactique n'efface toutefois pas les faits: le PQ a manqué de transparence en campagne électorale et il agit maintenant en cowboy, divisant la population en deux: la classe moyenne contre les riches. Les stratèges du gouvernement peuvent penser que c'est une bonne stratégie politique, mais dans les faits c'est surtout une mauvaise politique fiscale.

Je ne crois pas que ce genre de mesure provoquera un exode massif de hauts salariés ou, comme l'a suggéré Raymond Bachand, le départ de contribuables québécois de l'Outaouais vers l'Ontario voisin. (Les prix sur le marché immobilier à Ottawa sont beaucoup plus élevés que de ce côté-ci de la rivière des Outaouais, et les services publics, bien moins généreux. Dans les dernières années, j'ai plutôt vu de jeunes familles de la région d'Ottawa déménager en Outaouais pour acheter une maison et profiter des garderies à 7$ par jour.)

Le message d'une mesure comme celle-ci est toutefois néfaste, et pas seulement pour les «riches», parce qu'il donne l'impression que le gouvernement peut changer les règles du jeu sans prévenir, quand bon lui semble, selon ses besoins de nouveaux revenus. Cela ne fait qu'accentuer le «décrochage fiscal» des contribuables: «Le gouvernement peut me f..., eh bien, moi aussi, je peux f... le gouvernement...» Alors qu'on tente de convaincre tout le monde de payer ses impôts et de contribuer, c'est totalement contre-productif.

La récupération des revenus de la taxe santé n'est pas le seul dérapage de ce départ canon du gouvernement Marois. Pour un parti qui se targue d'être le champion des régions, c'est mal parti.

Il y a eu, évidemment, l'annonce de la fermeture de la centrale nucléaire Gentilly, qui a surpris et frustré les gens du coin. De plus, la Mauricie était déjà insultée de ne pas avoir de ministre et de se faire imposer un député de la Montérégie comme tuteur (Bernard Drainville, remplacé depuis par Yves-François Blanchet, du Centre-du-Québec).

Les gens des Laurentides aussi sont «frus» de ne pas avoir de député au cabinet.

L'hebdomadaire L'Information du Nord (Mont-Tremblant) a relayé dans les derniers jours la colère des élus locaux, dont le préfet de la MRC des Laurentides, Ronald Provost.

«Je n'ai rien contre Nicole Léger, a dit M. Provost, mais gérer le ministère de la Famille, plus les Laurentides et Laval... ça va en faire, des dossiers! Nous sommes plus de 500 000 habitants dans les Laurentides... ne pas avoir de député qui nous représente au Conseil des ministres, ça n'a pas de maudit bon sens!»

Le maire de Saint-Faustin-Lac-Carré, Pierre Poirier, lui aussi cité dans L'Information du Nord, ajoute ceci: «Depuis le temps que notre région est péquiste, c'est un coup bas que Mme Marois vient de nous faire!»

Curieuse stratégie, pour un gouvernement minoritaire, que de se mettre ainsi à dos des régions sympathiques.

Dans un autre dossier, linguistique cette fois, la nomination de Diane De Courcy soulève aussi des questions.

Mme De Courcy a la responsabilité, notamment, d'écrire une nouvelle mouture de la Charte de la langue française, qui s'étendra aux cégeps et aux PME comptant de 11 à 50 employés. Or, l'ex-présidente de la Commission scolaire de Montréal a signé en 2008, avec le gouvernement Charest et une kyrielle d'acteurs syndicaux, communautaires et du milieu des affaires, un plan d'action (Stratégie commune d'intervention pour Montréal 2008-2013) qui favorisait une approche volontaire et la sensibilisation auprès des entreprises.

Apparemment, Diane De Courcy ne croit plus à l'approche volontaire en matière linguistique qu'elle appuyait encore récemment.