Peut-on passer, pratiquement du jour au lendemain, de militant extrême dans un domaine particulier à... ministre dans ce même domaine?

Imaginons, par exemple, Gabriel Nadeau-Dubois nommé ministre de l'Éducation ou Richard Desjardins ministre responsable des Forêts.

Bon, Daniel Breton, nouveau ministre de l'Environnement dans le gouvernement Marois, n'est peut-être pas aussi radical que ces deux-là, mais on peut légitimement se demander s'il n'est pas trop intransigeant pour diriger ce ministère et y faire les inévitables arbitrages. Après tout, la politique est, le plus souvent, une affaire de compromis et d'équilibre.

Les environnementalistes sont heureux de l'arrivée de M. Breton à l'Environnement et ils ont bien raison de dire qu'être compétent dans ce domaine devrait être perçu comme un facteur positif, comme c'est le cas pour le titulaire des Finances ou de la Santé, par exemple.

Être compétent et être militant, par contre, c'est deux choses. C'est pourquoi les premiers ministres évitent généralement de nommer des porteurs de cause à des postes de ministres. À plus forte raison de ministre de leur propre cause.

Comme pour tous les nouveaux ministres, Daniel Breton bénéficie de la proverbiale chance au coureur, mais son parcours et ses déclarations passées laissent planer une certaine intransigeance peu compatible avec son nouveau rôle.

Prenez cette vidéo sur YouTube, dans laquelle M. Breton se payait la traite, il y a moins d'un an, contre le porte-parole de l'industrie du gaz de schiste, Lucien Bouchard. «Ridicule, dinosaure, paresseux intellectuel, surréaliste»... M. Breton résumait en ces termes peu flatteurs la position pro-exploitation de M. Bouchard, ajoutant que celui-ci «ne sait pas de quoi il parle» ou, alors, qu'«il ment».

Dans les minutes suivant sa prestation de serment, au Salon rouge de l'Assemblée nationale, Daniel Breton a affirmé que les «verts sont au pouvoir». Les prochains mois nous diront s'il est capable de mettre de l'eau dans son vin et d'assouplir ses positions pour être en harmonie avec celles adoptées par son parti.

Sur l'exploitation du pétrole, notamment. L'ancien président du groupe Maîtres chez nous 21e siècle (MCN21), devenu ministre cette semaine, exigeait il y a quelques mois que «tous les droits d'exploration et d'exploitation d'hydrocarbures soient retournés au peuple du Québec, tel que décidé par lui lors de l'élection de 1962 consacrant la nationalisation de notre énergie via Hydro-Québec et la SOQUIP en 1969», à défaut de quoi il menaçait de traîner en cour le gouvernement Charest et Hydro-Québec.

Le programme du PQ mentionne seulement qu'il faut une étude avant d'aller plus loin, position reprise par Pauline Marois lors de la dernière campagne. Les fonctions de ministre et la nécessaire solidarité ministérielle assagiront-elles le bouillant environnementaliste? Ça vaudrait mieux pour Pauline Marois, qui autrement risque de se retrouver avec un cas problème au Conseil des ministres.

Même au sein du PQ, l'arrivée et l'ascension extrêmement rapide de Daniel Breton déplaisent à certains. Il faut dire que M. Breton s'est présenté pour le NPD en 2008, un parti fédéraliste et centralisateur, selon bien des péquistes, et il a même comparé Jack Layton à René Lévesque.

Se disant environnementaliste avant d'être souverainiste, M. Breton a déjà critiqué ouvertement la «condescendance du PQ» pour les gens qui ne partagent pas les opinions de ce parti. «Je n'en peux plus de les entendre se réclamer des tenants de la vertu, du bon droit, et s'identifier comme les détenteurs choisis, comme par un appel divin, pour mettre en oeuvre le projet, le Saint-Graal des bons Québécois, j'ai nommé: la souveraineté», écrivait M. Breton dans une lettre ouverte au Devoir, en 2006.

Sur le front vert, Daniel Breton ne sera pas seul. Il y a aussi Scott McKay, adjoint parlementaire au Développement durable et, surtout, Martine Ouellet, nouvelle ministre des Ressources naturelles. À l'entendre jeudi matin en se rendant à la première réunion du cabinet Marois, on avait plutôt l'impression qu'elle était, elle aussi, ministre de l'Environnement.

Ses déclarations sur l'exploitation du gaz de schiste, qui ne sera, à ses yeux, jamais sécuritaire, ont forcé la première ministre Marois à rappeler que la position de son gouvernement est un moratoire, jusqu'à nouvel ordre, et non pas permanent.

Inexpérience ou excès militant de la part de Mme Ouellet? Elle devra se rappeler à l'avenir qu'elle est ministre des Ressources naturelles, pas de l'Environnement.

En observant le duo Breton-Ouellet, je n'ai pu m'empêcher de penser aux prochaines rencontres fédérales-provinciales des ministres de l'Environnement et des Ressources naturelles.

Le gouvernement Harper, qui fait de l'exploitation des ressources naturelles, dont les énergies fossiles, la pierre angulaire du développement économique du Canada et qui veut accélérer le processus d'évaluation environnementale, doit être absolument horrifié par ce qu'il voit à Québec!

Et dire que le programme du PQ prévoit «réclamer du gouvernement fédéral l'ensemble des pouvoirs en matière d'évaluation environnementale afin d'éliminer les dédoublements et les pertes d'efficacité». Bonne chance!