Ceux qui s'inquiétaient, dans le reste du Canada, de voir Ottawa accorder un traitement de faveur au nouveau gouvernement souverainiste du Parti québécois peuvent se rassurer: Stephen Harper n'a apparemment aucune intention de changer son attitude vis-à-vis du Québec.

Dans les heures qui ont suivi l'élection du Parti québécois, le 4 septembre, le premier ministre de la Saskatchewan, Brad Wall, a téléphoné à son homologue fédéral pour s'assurer que celui-ci ne traite pas le Québec mieux que les autres provinces, malgré la menace souverainiste. Ce n'est qu'après ce premier appel, quelques jours plus tard en fait, que M. Wall a daigné appeler la nouvelle première ministre du Québec pour la féliciter et lui souhaiter la bienvenue dans le club des PM. Voilà qui illustre autant l'angoisse de M. Wall que son manque de courtoisie. Mais qu'il se rassure: le Québec n'est pas sur le point de profiter de quelque largesse d'Ottawa.

Au contraire. Il n'a même pas fallu une journée de cette nouvelle session parlementaire pour que le gouvernement Harper confirme, lundi, qu'il interjettera appel de la décision de la Cour supérieure du Québec qui lui ordonne de remettre au Québec les données du registre des armes à feu.

C'est le ministre Maxime Bernier qui en a fait l'annonce, et c'est un autre conservateur du Québec, Steven Blaney, qui a expliqué cette décision dans les médias québécois. En résumé: pas question de plier, malgré le jugement étayé de la Cour supérieure et la requête unanime de l'Assemblée nationale.

Il serait bien étonnant que la Cour d'appel du Québec annule le jugement, comme le souhaite le gouvernement Harper. N'empêche, cet entêtement idéologique vise à flatter sa base électorale dans le sens du poil, évidemment, mais aussi à envoyer le message qu'il ne pliera pas devant Québec. Après la Cour d'appel du Québec, le gouvernement fédéral portera la cause devant la Cour suprême, ce qui promet encore des années de débats et de délais.

Pour un chef politique qui a tenté de charmer le Québec en 2006 en promettant, notamment, une nouvelle charte du fédéralisme, disons que Stephen Harper ne montre pas beaucoup de flexibilité.

En adoptant la ligne dure contre le Québec, M. Harper cherche aussi à coincer le NPD, qui doit à la fois ménager ses appuis ici et les susceptibilités du reste du Canada.

Il sera intéressant, d'ailleurs, de voir quelle sera l'attitude du NPD envers le Québec, où le parti de M. Mulcair compte le plus de députés. L'élection d'un gouvernement péquiste minoritaire est un moindre mal pour le NPD, mais Thomas Mulcair risque de s'aliéner des électeurs s'il s'oppose à toutes les demandes de Pauline Marois en matière de culture, de communications ou d'assurance emploi. Depuis des années, c'est le Bloc québécois qui relayait les demandes du Québec à Ottawa, mais le NPD, en raisond e son envergure nationale, est dans une situation plus délicate.

Le gouvernement Harper, lui, ne s'embarrasse pas de tant de nuances envers le Québec. La semaine dernière, par exemple, le lieutenant de M. Harper au Québec, Christian Paradis, a annoncé qu'Ottawa n'avait pas le choix d'accepter que l'amiante soit placé sur la liste des produits dangereux de l'OMS à cause de la position du nouveau gouvernement Marois.

Cela fait des années qu'Ottawa refuse l'évidence (les dangers de l'amiante pour la santé), et voilà que le gouvernement Harper fait porter l'odieux de cette décision incontournable à Pauline Marois!

En plus, le fédéral annonce qu'il injecte 50 millions dans la région de l'amiante pour la diversification de l'économie, ce que voulait aussi faire le PQ. Si Ottawa et Québec s'étaient consultés, ils auraient pu investir cette somme 50-50, en toute logique, mais le gouvernement Harper préfère se donner le beau rôle et forcer Québec à casquer aussi.

D'autres questions épineuses risquent, dans les prochains mois, de pourrir les relations entre les gouvernements Harper et Marois.

Pensez seulement à l'environnement, à l'unilinguisme institutionnalisé à Ottawa, à la position extrêmement hostile du gouvernement Harper envers l'Iran (et à un soutien éventuel à Israël en cas de guerre) et même à cette résurgence anachronique du débat sur les droits du foetus.

Non, vraiment, l'arrivée d'un gouvernement souverainiste ne se traduira pas par un régime de faveur pour le Québec.

Certains se demandent toutefois si trop d'intransigeance ne finira pas par... faire une faveur au mouvement souverainiste.

Et pourtant, après six ans de gouvernement conservateur résolument à droite, un gouvernement pratiquement absent et souvent indifférent au Québec, l'appui à la souveraineté stagne largement sous les 40%.

Pourquoi Stephen Harper changerait-il son approche envers le Québec?