La lutte à trois que plusieurs avaient prévue n'aura pas lieu.

En fait, elle n'a jamais eu lieu puisque le Parti libéral (PLQ) est hors course dans 75% des circonscriptions depuis le jour du déclenchement des élections, et malgré une campagne énergique et disciplinée, Jean Charest ne peut vaincre l'impitoyable usure du pouvoir.

Vous savez qu'un parti politique est vraiment dans le pétrin lorsque ses derniers partisans évoquent des théories intangibles, comme la «prime à l'urne», pour tenter de démontrer qu'il y a encore de l'espoir et qu'ils pourraient surprendre.

La réalité, c'est que le PLQ ne fait que reculer depuis le début de cette campagne. Il est troisième dans les intentions de vote générales, lointain troisième auprès des électeurs francophones et premier dans une seule région, l'île de Montréal, grâce à son inébranlable base dans l'ouest et le nord de la métropole. Ailleurs, c'est la débâcle, même à Québec, où les libéraux ont perdu 7% en 10 jours aux mains de la Coalition avenir Québec (CAQ).

Il n'y aura pas de lutte à trois, sauf dans quelques circonscriptions «microcosmes», comme Laval-des-Rapides ou Taschereau. La dernière ligne droite de cette campagne se jouera à deux, et tout un duel se profile devant nous.

Ce tout récent sondage CROP-La Presse confirme ce que les précédents avaient décelé: la CAQ est bel et bien le seul parti à bénéficier d'un élan. Et pour la première fois, on observe un effet tangible pour la CAQ chez les électeurs francophones dans la région de Québec, où ce parti fait un bond de 9%, et même dans le 450, où François Legault chauffe dorénavant Pauline Marois.

Une analyse conservatrice de ce sondage donne un gouvernement du Parti québécois (PQ) minoritaire sur papier, mais sur le terrain, il reste une grosse semaine, et l'effet d'entraînement favorise clairement la CAQ. En plus, Pauline Marois a passé beaucoup de temps à corriger le tir depuis quelques jours, ce qui n'est pas très rassurant pour les indécis et les nationalistes mous qui penchent du côté de la CAQ.

Le seul chef qui a gagné des points après une semaine intense de débats télévisés, c'est François Legault. Il semble que son message - le changement, le ménage contre le statu quo - a fait mouche auprès de l'électorat.

Pour continuer de croître, la CAQ devra toutefois présenter une image plus positive que celle d'un parti prêt à provoquer des affrontements avec les syndicats et quiconque ne pense pas comme lui.

Pour le moment, François Legault a réussi à s'imposer dans cette campagne et à se démarquer comme le champion du changement, quitte à allumer quelques feux et à présenter des solutions simplistes.

Aux États-Unis, on dirait que François Legault a visé (avec succès) les «angry white men», les «hommes blancs en colère», ou, plus généralement, les électeurs (le masculin ici s'impose puisque la CAQ est toujours déficitaire chez les femmes) qui veulent du changement, qui s'opposent aux syndicats et autres groupes d'intérêts et qui trouvent que le gouvernement prend trop de place.

À une semaine du vote, il lui faut maintenant convaincre une portion plus large de l'électorat, notamment les femmes, mais aussi la classe moyenne du 450. Ce n'est pas un hasard si M. Legault s'est pointé hier matin devant les caméras avec une brochette de candidates. Le chef de la CAQ est toutefois incapable de dire lesquelles accéderaient au cabinet alors que les Jacques Duchesneau, Gaétan Barrette et Christian Dubé attendent déjà leur limousine...

Maintenant qu'il est deuxième, M. Legault devra aussi se montrer plus ouvert devant les scénarios de gouvernement minoritaire. À quelques jours du vote, il se doit d'adoucir le ton et de se montrer plus conciliant.

La fin de la joute s'annonce risquée pour Pauline Marois.

Les appels répétés du PQ aux électeurs pour un gouvernement majoritaire trahissent une certaine anxiété. Par ailleurs, les péquistes, Jean-François Lisée en tête, ne se cachent plus pour dire que la division du vote souverainiste fait mal.

On vise surtout Québec solidaire (QS), à Montréal, qui pourrait brouiller les cartes.

En guise de riposte à QS, le PQ organiserait un gros spectacle jeudi soir, au Métropolis, avec des artistes fidèles au PQ.

Mais la division fait mal, en particulier l'appui de Jacques Parizeau à Jean-Martin Aussant, chef d'Option nationale.

«Parizeau est un homme de conviction. Plusieurs de ses successeurs ont goûté à son artillerie, a dit Bernard Landry dans une vidéo mise en ligne ce matin à LaPresse.ca. Il a démissionné du cabinet Lévesque. Inutile de dire qu'il n'a pas aimé Johnson, qu'il n'a pas aimé Bouchard, qu'il ne m'a pas adoré. Mme Marois goûte à la même médecine. Elle a toute ma compréhension et ma sympathie.»

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Méthodologie

Un sondage téléphonique probabiliste

La collecte de données téléphonique s'est déroulée du 24 au 26 août 2012. Un total de 1002 entrevues ont été réalisées.

Les résultats ont été pondérés afin de refléter la distribution de la population adulte du Québec selon le sexe, l'âge, la région de résidence ainsi que la langue maternelle.

La marge d'erreur maximale de ce sondage est de 3,1 points, 19 fois sur 20.

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> En vidéo: Vincent Marissal rencontre Bernard Landry