Comme tous les étés ou presque, j'ai profité de mes vacances aux États-Unis pour prendre un bain de politique américaine. J'ai d'ailleurs écrit cette chronique de Cape Cod d'où je ne suis revenu que samedi soir.

Je sais, c'est étrange pour un chroniqueur politique de manquer le début d'une campagne, mais je ne croyais pas, contrairement à Jean Charest, que la rentrée commençait le 1er août...

Parmi mes lectures de plage, Mudslingers, The Top 25 Negative Campaigns of All Time, un palmarès des pires (ou des meilleures, c'est selon...) campagnes négatives aux États-Unis, écrit par Kerwin C. Swint, prof d'université en Georgie.

Chaque fois que je lis sur le sujet, je ne peux m'empêcher de penser que nous sommes tellement frileux, tellement polis dans nos moeurs électorales. Trop polis, je trouve. En tout cas, pas assez audacieux, trop politically correct.

À la télé américaine, le bombardement des publicités négatives en vue des présidentielles est déjà bien commencé. Les républicains accusent Barack Obama d'avoir abandonné les chômeurs; les démocrates accusent Mitt Romney de mentir aux Américains sur sa réelle situation financière et d'avoir fait fortune en supprimant des emplois aux États-Unis lorsqu'il était chez Bain Capital.

Et encore, le ton est, pour le moment, «soft». Mais nous sommes à plus de trois mois du scrutin, les gants tomberont pour de bon d'ici là.

Au Québec, on a débattu pendant une semaine pour savoir si la pub «Pauline aux casseroles» était bel et bien négative, ce dont s'est bien défendu son commanditaire, le Parti libéral.

Autre exemple de sensibilité épidermique aux pubs négatives, on m'a reproché sur Twitter cette semaine d'avoir noté que la «CSN attaquait durement» les libéraux de Jean Charest dans une publicité sur l'internet. Ce n'était pourtant qu'une constatation et quiconque connaît la langue française et le bon usage des mots conclura avec moi que cette pub était, effectivement, dure. Ce qui ne signifie en rien qu'elle était outrancière, exagérée ou fausse.

Contrairement à nos voisins américains, qui ont exploité les campagnes négatives depuis les premières élections présidentielles, nous sommes généralement réfractaires à ces méthodes.

Les choses sont peut-être en train de changer, toutefois. Le fond de l'air est mauvais au Québec, la grogne, palpable, et les esprits surchauffés. La situation est propice aux débordements, d'autant que les partis politiques, en particulier la CAQ, devront forcer le jeu et prendre des risques pour espérer percer. Déjà, la pré-campagne a donné le ton sur les réseaux sociaux et les libéraux en prennent plein la tronche. Depuis les libéraux fédéraux de Paul Martin en 2004 et 2006, aucun parti n'a été confronté à un tel déversement d'accusations que le PLQ en ce moment. Au Québec, les mots corruption, scandale, collusion n'ont jamais été autant utilisés pour dépeindre un gouvernement depuis Duplessis. Évidemment, les libéraux se défendent, parfois de façon très agressive, notamment sur Twitter. Ça promet pour les débats!

Il n'y a pas qu'à Londres qu'on bat des records: ici, on a déjà atteint de nouveaux sommets dans le lancer de boue et comme le ton a tendance à monter en cours de campagne, nous connaîtrons vraisemblablement la campagne la plus salissante de l'histoire moderne du Québec.

La pub de la CSN, que je viens d'évoquer, très dure (si, si, j'insiste) résume le climat ambiant en tapissant les mots corruption, scandales et autres et en concluant que «le Québec mérite mieux».

Le chef de la CAQ, François Legault, ne fait pas non plus dans la dentelle, associant ouvertement corruption et PLQ et dénonçant les scandales libéraux qui «font honte au Québec».

Au PQ, Pauline Marois n'est pas en reste, elle qui a lancé sa campagne en demandant aux Québécois de défaire le «gouvernement usé et corrompu» de Jean Charest.

Il serait bien étonnant que le PQ et la CAQ n'exploitent pas ce filon dans leurs prochaines campagnes publicitaires. Sur Twitter, en tout cas, c'est la déferlante, au point où certains mots et adjectifs extrêmement négatifs, comme corrompus, mafieux, voleurs et d'autres encore qu'on ne peut pas écrire dans une chronique, sont totalement banalisés.

Des mots-clics (#) comme #libéralcorrompu apparaissent régulièrement et sont retweetés avec entrain, comme si cela allait de soi.

En fait, pour bien des Québécois, cela va de soi. À la fin du mois de juin, j'avais demandé à mes abonnés Twitter de résumer en trois mots la dernière session parlementaire. Le mot corruption est revenu le plus souvent, et de loin, alors que je demandais de décrire la session, pas le bilan du gouvernement.

Jean Charest voudrait bien croire que seule la «rue» s'oppose à son gouvernement, mais s'il demandait à la majorité silencieuse ce qu'elle pense, il entendrait, j'en suis sûr, des choses désagréables.

Pour reprendre une expression lue dans Mudslingers, j'ai l'impression que cette campagne pourrait se transformer en une «douche de boue».

Pour joindre notre chroniqueur: vincent.marissal@lapresse.ca