Si vous n'êtes pas encore tout à fait convaincu que des élections au Québec sont aussi incontournables que nécessaires pour se sortir du marasme causé par la crise étudiante, je vous suggère de visionner (ou revisionner, si vous avez vraiment beaucoup de temps libre) les points de presse-bilans de session de Jean Charest et des chefs des partis de l'opposition. Eux, en tout cas, semblent prêts à partir en campagne.

Bilan de session parlementaire, en fait, c'est beaucoup dire puisque cette session ne s'est pas passée à l'Assemblée nationale, mais plutôt dans la rue. Le très maigre bilan législatif du gouvernement Charest ne permet pas d'épiloguer très longuement sur ses réalisations.

Pauline Marois n'a fait ni une ni deux, affirmant d'emblée que l'Assemblée nationale venait de vivre une de ses pires sessions, que Jean Charest avait volontairement nourri la crise étudiante à des fins électoralistes et provoqué la division parmi la population.

La chef du PQ a même testé son prochain slogan électoral - «S'affirmer, s'enrichir, s'entraider» -, en plus d'énumérer quelques éléments de son programme, dont une loi 101 renouvelée, une nouvelle loi sur les mines et l'abolition de la taxe santé. Sur ce dernier sujet, elle a même pris la peine d'ajouter que la disparition de cette taxe redonnerait 400 $ par ménage par année, le genre de «ligne» préparée à des fins purement électorales.

Jean Charest aussi avait davantage la tête aux prochaines élections qu'aux six derniers mois passés à l'Assemblée nationale. Sans surprise, il a répété que Pauline Marois veut organiser un nouveau référendum et qu'elle a refusé de condamner la «violence et l'intimidation», deux mots omniprésents depuis quelques semaines dans son discours.

M. Charest a longuement vanté son bilan économique (des quatre dernières années, pas de la session, il va sans dire), un terrain qu'il entend se réapproprier en vue des prochaines élections. C'est un air connu de la part de Jean Charest: PLQ = stabilité économique et développement; PQ = instabilité et division.

Après avoir traversé quatre mois de crise, la pire que le Québec ait connue depuis des décennies et pour laquelle il n'a pas trouvé de solution, il est tout de même ironique d'entendre M. Charest se présenter comme le champion de la stabilité. Il reproche par ailleurs à Mme Marois de vouloir replonger le Québec dans les chicanes et la division alors que jamais, depuis 1995, l'opinion publique québécoise n'aura été autant polarisée à cause de la crise étudiante. En insistant aussi lourdement pour associer carrés rouges avec violence et intimidation, M. Charest contribue à accentuer cette polarisation, quitte à cibler des gens sympathiques à la cause étudiante et qui n'ont rien de terroristes en puissance.

Bien sûr, je l'ai déjà écrit, les leaders étudiants ont contribué, par leurs positions, à l'impasse, mais le premier ministre, lui, n'accepte aucune part du blâme.

Les collègues de l'Assemblée nationale lui ont posé la question de bien des façons (feriez-vous les choses différemment? Avez-vous «échappé» cette crise? Quelle note vous donnez-vous? Auriez-vous dû faire ceci ou cela?) et chaque fois, Jean Charest a répondu, frondeur, que c'est la faute soit des leaders étudiants seuls, soit de Pauline Marois qui a adopté le carré rouge.

Par ailleurs, pour un homme qui dénonce les dérapages verbaux de ses opposants, Jean Charest ne fait pas, lui non plus, dans la dentelle lorsqu'il dit que «Pauline Marois a cédé devant l'extrême gauche et les souverainistes extrémistes de son parti». Une extrême gauche au PQ? Comment qualifiera-t-il les militants de Québec solidaire?

Dans son bilan de session, Jean Charest n'a évidemment pas rappelé le départ précipité de son ex-ministre de l'Éducation et vice-première-ministre, Line Beauchamp. Pas un mot non plus, bien sûr, sur la retraite anticipée de Tony Tomassi, parti dans le déshonneur politique et sous le coup d'une poursuite judiciaire. Le genre de chose qu'un premier ministre préfère garder sous silence.

Le chef libéral a de nouveau vanté son Plan Nord, même si son gouvernement n'a pas été en mesure d'adopter la nouvelle loi tant attendue sur les mines et une autre devant créer le Bureau du Plan Nord.

Cette session, ce printemps, devait être, pour le premier ministre, celui du Plan Nord, pierre angulaire d'une campagne électorale qui devrait être déjà terminée. Rappelez-vous le plan électoral au début de 2012: On parle du Plan Nord et de ses formidables retombées, on fait mousser l'affaire avec le Salon du Plan Nord, en avril, puis Conseil général et déclenchement. La mobilisation étudiante a fait dérailler les projets de Jean Charest, qui se retrouve aujourd'hui avec une crise toujours pas réglée et un Plan Nord en panne. Je comprends le premier ministre de se rabattre sur les chiffres de création d'emplois, qui sont effectivement assez bons, et d'attaquer Pauline Marois.

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