Si l'entente de principe conclue samedi entre le gouvernement Charest et les leaders étudiants est acceptée cette semaine, il ne se trouvera pas grand monde pour se plaindre du retour au calme et de la reprise in extremis des cours. On peut tout de même se demander pourquoi il a fallu 12 semaines de blocage et de grabuge pour en arriver à cette solution bancale bricolée en catastrophe sur fond de crise politique et sociale.

Le premier réflexe de plusieurs sera, ça se comprend, de blâmer le gouvernement, qui s'est montré intraitable sur le fond de l'affaire, soit la hausse des droits de scolarité. On accuse aussi le gouvernement d'avoir laissé pourrir le conflit à des fins partisanes.

Chose certaine, le gouvernement a fauté en ne prenant pas les associations étudiantes au sérieux, en entretenant mépris et condescendance envers leurs porte-parole, en tentant de personnaliser les débats et en sous-estimant l'ampleur de la mobilisation. En tardant à réagir, aussi.

Du bout des lèvres, Jean Charest a admis hier en point de presse que son gouvernement n'avait peut-être pas eu raison sur toute la ligne. Il a aussi ajouté, ce qui est vrai, avoir bonifié le régime des prêts et bourses en cours de route et, ce qui est encore plus vrai, qu'il faut être deux pour se parler.

Il s'est passé des choses étonnantes au cours des 48 dernières heures, mais le revirement le plus spectaculaire est, selon moi, l'abandon soudain, par les leaders étudiants, de leur demande de gel des droits de scolarité. Cette question était non négociable pour eux, comme pour le gouvernement, ce qui rendait évidemment toute négociation impossible.

Tournez l'entente de samedi soir dans tous les sens, regardez-la sous tous les angles, une réalité demeure: la hausse décrétée par le gouvernement Charest reste intacte. Il faut avoir une imagination très fertile pour y voir un gel ou un moratoire.

Les leaders étudiants ont lâché la proie pour l'ombre. Ils n'avaient pas le choix, le temps jouait contre eux et leurs alliés (et bâilleurs de fonds), les grandes centrales syndicales, étaient sur le point de les lâcher. Par ailleurs, ils ont perdu la bataille de l'opinion publique, excédée par des semaines de perturbations.

La bataille de principe des associations étudiantes (lire: l'accessibilité aux études supérieures) a disparu au profit d'une entourloupette comptable créative, certes, mais aux résultats pour le moins incertains. Quiconque lira cette entente de principe comprendra que jamais la réduction des frais afférents obtenue grâce à une meilleure «efficience» des universités ne compensera les 1700$ de hausse des droits de scolarité.

«Dans des institutions de cette taille, il y a toujours de l'espace [pour trouver des économies], mais on est curieux de voir comment les étudiants veulent y arriver», a dit hier Jean Charest. Un peu plus et il ajoutait: bonne chance!

Les partis de l'opposition à Québec ont reproché au gouvernement d'avoir échoué. Vrai, ce conflit s'est étiré inutilement et il laissera des traces, mais la réalité, c'est que le gouvernement maintient sa hausse intégralement, laissant aux étudiants la tâche de prouver qu'ils peuvent effectivement récupérer l'équivalent de quelques centaines de dollars par étudiant dans la gestion des universités.

Du coup, le gouvernement refile la «patate chaude» aux universités, qui devront ouvrir leur livre au «comité provisoire» et partager leurs décisions budgétaires avec les associations étudiantes. Les recteurs n'apprécieront certainement pas...

Autre chose étonnante de cette négo de la dernière chance: l'ouverture, par le gouvernement, à toutes les associations, y compris la CLASSE, mise à l'index jusque-là. Le premier ministre a tenté de jouer sur les mots, disant que Gabriel Nadeau-Dubois n'était pas autour de la table, mais tout le monde a bien vu qu'il était très présent toute la fin de semaine.

Enfin, on notera que ce sont les leaders des grandes centrales syndicales qui sont venus à la rescousse du gouvernement, dénouant l'impasse. Jean Charest a-t-il ressorti le livre de Robert Bourassa, Gouverner le Québec, dans lequel il expliquait qu'on ne peut ignorer les grands syndicats au Québec, qu'il faut faire avec, et non contre.

Cette sortie de crise qui se dessine à l'horizon annonce-t-elle un recul de la grogne envers le gouvernement? Rien n'est moins sûr. Autant Jean Charest que Line Beauchamp ont noté qu'une kyrielle de causes se sont juxtaposées à celle des étudiants en grève, créant un mouvement anti-gouvernement.

Dans les corridors du Conseil général, les militants et le personnel politique étaient bien conscients, et un brin inquiets, de cette colère latente. Le conflit étudiant est peut-être (l'entourage du premier ministre insistait hier sur le «peut-être») réglé, mais les histoires de corruption restent. Par ailleurs, le Plan Nord, sur lequel Jean Charest avait tout misé ce printemps, n'a pas donné les fruits pré-électoraux attendus.

Dans ce climat, Jean Charest a fermement écarté des élections ce printemps. Parmi ses députés, ministres, stratèges et militants, aucun n'a manifesté ce week-end l'ombre du début d'une envie de partir en campagne électorale.

«Les élections au printemps, c'est jamais bon, dit Ronald Poupart, un vieux renard, qui était conseiller de Robert Bourassa au début des années 70. Les gens sont de mauvaise humeur au printemps, c'est la fin de l'hiver, ils viennent de payer leurs impôts... C'est pas un bon moment.»

La question, pour les libéraux, est de savoir si les électeurs auront retrouvé le sourire en septembre...

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