On a probablement plus reculé qu'avancé, hier, dans le conflit opposant les étudiants au gouvernement, mais une chose est très claire: c'est ce dernier qui a gagné la bataille de l'opinion publique.

Il reste à trouver une solution pour sauver un trimestre en péril, malgré la grogne qui continue de s'exprimer dans les rues et le refus des leaders étudiants de parler de hausse des droits de scolarité. Gros défi pour un gouvernement qui n'a pu, en trois mois, mettre fin à cette crise.

Dans ce conflit qui s'envenime, le gouvernement Charest a toutefois deux atouts: le temps et un appui massif de la population. Chaque jour qui passe nous rapproche de la date limite d'un trimestre foutu et comme toute négociation semble impossible, on voit difficilement comment on pourrait arriver à une sortie de crise négociée.

Cela dit, ce gouvernement a misé sur l'usure du mouvement étudiant il y a déjà quelques semaines, sans succès, puisque des dizaines de milliers d'étudiants et élèves sont toujours en grève. Même les injonctions des tribunaux n'ont pas réussi à rouvrir les salles de classe.

Les libéraux, réunis à partir d'aujourd'hui en conseil général à Victoriaville, auront en fin de semaine une bonne idée de l'état du mouvement étudiant puisque des manifs sont prévues dans cette ville des Bois-Francs.

Au point où on en est, et vu l'impossibilité de s'entendre en négo, le gouvernement pourrait décider, fort de l'appui d'une majorité de Québécois, de laisser mourir le conflit de sa belle mort, en imputant aux leaders étudiants la responsabilité de ce fiasco. Les manifestations ne perdureront pas jusqu'en juillet...

Malgré le brasse-camarade quotidien dans les rues de Montréal, le grabuge annoncé à Victoriaville et la confusion dans tout le réseau postsecondaire, le gouvernement gagne des points dans l'opinion publique: un gain de 8 % pour le taux de satisfaction (qui reste tout de même bas à 32 %) et un appui en hausse (68 % contre 59 % en mars) pour la position dans ce conflit.

Il reste à aménager un plan de sauvetage pour ce qui peut être sauvé et prévoir les inévitables perturbations à venir dans les cégeps et sur les campus, ce que le gouvernement a commencé à faire avec les recteurs et les dirigeants des collèges.

Le bureau de la ministre Line Beauchamp a rappelé hier la FEUQ et la FECQ, mais il n'y avait pas, jusqu'à nouvel ordre, de rencontre prévue. Par ailleurs, la CLASSE semble plus isolée que jamais des deux autres grandes associations.

Il y a toutefois un point faible dans la stratégie du gouvernement. Sa décision de maintenir la hausse de plus de 1600 $ (sur sept ans au lieu de cinq ans) ne recueille que 40 % d'appui. La nomination d'un médiateur et celle d'un moratoire suivi d'états généraux obtiennent respectivement 29 % et 21 % (10 % croient que Québec doit annuler la hausse).

Ce sondage confirme une tendance observée auparavant: les Québécois sont d'accord pour hausser les droits de scolarité, mais ils préféreraient une solution négociée plutôt qu'imposée de force.

L'idée d'une médiation peut paraître séduisante, mais il y a un hic. Un médiateur entre habituellement en piste entre deux parties qui ont déjà fait un bout de chemin de négociation ou, à tout le moins, qui peuvent négocier. Hier encore, on a vu clairement que le gouvernement et les leaders étudiants sont très loin du début d'un rapprochement.

Un moratoire pourrait aussi calmer le jeu, mais pourquoi Jean Charest donnerait-il raison au Parti québécois alors que les sondages lui confirment l'appui de la majorité?

Ce matin, après 12 semaines de grève, il reste, apparemment, peu d'options aux étudiants. Leurs leaders doivent maintenant se demander à qui et à quoi cela servirait de continuer la lutte. Vaudrait peut-être mieux prendre ce que le gouvernement a mis sur la table et reporter la prochaine ronde de combat en septembre ou, comme le suggèrent certains ministres de Jean Charest, à la prochaine campagne électorale.

Cela dit, je comprends parfaitement leur frustration. La condescendance et le paternalisme du gouvernement et de certains commentateurs à leur endroit sont en soi des sources de motivation suffisantes pour poursuivre le combat.

On les accuse de se rebeller, de se défendre. Bien sûr qu'ils défendent leurs intérêts. Comme n'importe quel syndicat ou lobby. Mais voilà des jeunes engagés, préoccupés par la qualité de l'éducation et outrés à juste titre par le gaspillage, et on les accuse d'être des enfants-rois, de se regarder le nombril et de vouloir diriger les universités.

Chaque fois que je passe en face de l'îlot «naufrageur», rue Berri, je me dis que le gouvernement et les recteurs sont vraiment mal placés pour donner des leçons de responsabilité aux étudiants.

Pour joindre notre chroniqueur : vincent.marissal@lapresse.ca