À écouter les réponses parfois farfelues de certains représentants québécois du gouvernement Harper, c'est à se demander s'ils comprennent seulement de quoi ils parlent, mais chose certaine, ils n'éprouvent aucun scrupule à dire n'importe quoi. Au contraire, ils semblent même y prendre un plaisir juvénile.

Non seulement cela ne les dérange pas de servir de traducteurs aux ministres qui ne parlent pas français, mais ils recrachent dans les médias des lignes de presse prémâchées qui ne résistent pas à la moindre analyse et qu'ils sont incapables de défendre au-delà de la première sous-question. Cela donne des réponses absurdes teintées de mauvaise foi, de faussetés, de clichés, le tout dans un mélange d'incompétence et de je-m'en-foutisme.

Un bel exemple, jeudi soir dernier, à l'émission 24 heures en 60 minutes d'Anne-Marie Dussault, à RDI, où le sénateur (tiens, un autre non-élu qui parle au nom du gouvernement) Jean-Guy Dagenais a tenté de nous convaincre que la demande du gouvernement du Québec de préserver les données du registre des armes d'épaule constituait de... l'«ingérence» !

«Les données appartiennent au gouvernement fédéral», a d'abord lancé le sénateur, qui, rappelons-le, défendait ledit registre lorsqu'il était président de l'Association des policiers provinciaux. Ottawa partage tous les jours des données fiscales avec les provinces, mais dans le cas du registre des armes, les données seraient propriété exclusive du fédéral. Pourtant, tous les Canadiens ont payé pour ce registre et, en définitive, les données leur appartiennent.

Mais bon, ne nous égarons pas dans des considérations trop profondes, le sénateur n'était là que pour réciter les lignes de son maître, ce qu'il a eu du mal à faire sans s'empêtrer dans une explication absconse.

«Vous savez, y'a des questions de fédéralisme et de provincionalisme (sic), mais le registre appartient au fédéral (...)», a-t-il dit, visiblement dépassé par la question, très simple, de ma consoeur qui lui demandait comment l'attitude de son gouvernement cadrait dans ses promesses de fédéralisme d'ouverture.

Une fois l'entrevue terminée, on a entendu le sénateur, hors d'ondes, ricaner en disant: «Provincionalisme, eh bien, je viens d'inventer un mot, moi!»

Au moins, le sénateur Dagenais se trouve drôle, et on ne pourra lui reprocher de se prendre trop au sérieux. Le malheur, c'est qu'il a la même approche avec les dossiers qu'il défend.

Cela me rappelle un autre phare intellectuel de ce gouvernement, le ministre des Anciens combattants, Steven Blaney, qui a déjà dit que l'âge d'Omar Khadr n'a rien à voir avec son sort à Guantánamo... Tout le débat tourne autour des traités protégeant les enfants soldats, mais l'âge de l'accusé n'a rien à voir là-dedans! C'est comme si on disait que le taux d'alcoolémie n'a rien à voir dans une cause de conduite avec les facultés affaiblies. Ce serait risible si M. Blaney ne parlait pas au nom du gouvernement du Canada...

En plus d'être mû par une idéologie inflexible dans ses priorités, ce gouvernement affiche trop souvent un mélange d'arrogance, de nonchalance, voire carrément d'incompétence dans la conduite des affaires de l'État. Le principe de responsabilité, par contre, est en train de foutre le camp, même si Stephen Harper s'est fait élire en promettant la transparence et la saine gestion à Ottawa.

Plus le temps passe, plus on se rend compte que ce gouvernement est dirigé par un idéologue froid, tacticien redoutable et déterminé, régnant sur une bande de sous-fifres tout juste bons à répéter la bonne parole de leur chef.

Comme ils ne dirigent rien, ils ne peuvent être tenus responsables de quoi que ce soit. On l'a vu au cours des derniers jours avec le scandale financier des F-35, ces coûteux et inadéquats chasseurs devant remplacer les vieux CF-18.

Le rapport du vérificateur est aussi clair que dévastateur: le gouvernement savait que l'achat et l'entretien des nouveaux avions coûteraient près de trois fois plus cher qu'il ne l'a dit et répété pendant des années. Ce ne sont pas 9 milliards, mais 25 milliards, on ne parle donc pas ici d'une modeste erreur à la marge.

Par ailleurs, on apprend que la Défense nationale a fait des pressions auprès des autres ministères et que le Canada n'est pas lié par contrat, contrairement à ce que le gouvernement Harper n'a cessé de répéter sur toutes les tribunes.

Le plus gros contrat militaire de l'histoire du Canada vire en un fiasco monstre, confirmé par le plus dur rapport du vérificateur depuis les commandites, mais au gouvernement, c'est la routine, comme si rien n'était arrivé. Personne ne prend la responsabilité, personne ne casque. M. Harper «accepte» les conclusions du VG, mais pas question de démettre son ministre de la Défense, Peter MacKay. Le même M. MacKay qui est revenu d'un voyage de pêche dans un hélico de l'armée.

Le gouvernement Harper ne prend pas ses responsabilités, il nie la réalité.

Trois fois plus cher pour des avions? Bof. Des millions de la sécurité du G20 dans la circonscription de Tony Clement? Vous dites? Une pénurie d'isotopes médicaux causée par l'incurie d'une ministre? Pas grave. Passe-droits du ministre Paradis à un ancien député conservateur? Broutille.

En six ans, le seul ministre qui a été puni pour mauvaise conduite, c'est Maxime Bernier, qui a oublié des documents chez sa copine.

Stephen Harper s'est fait élire en promettant le retour de la responsabilité. On assiste plutôt à la généralisation de l'impunité.