Un cliché tenace veut que, au Québec, on ne s'intéresse pas à la politique. Pourtant, si vous allez faire un tour sur le site du Directeur général des élections, vous constaterez qu'il y a 18 partis dûment enregistrés au Québec et 32 noms de partis « réservés », soit 50 entités politiques plus ou moins vivantes et pas toujours viables. Mais la multiplication des véhicules politiques est sur le point de créer un embouteillage électoral.

Et qui pourrait en profiter pour se faufiler ? Eh oui, cet increvable Jean Charest qui, bien installé dans la voie du centre, ne peut que se réjouir de la congestion chez les souverainistes et des tamponnages à droite.

Le Devoir nous a appris hier que le dernier nom « réservé » auprès du DGE est « Équipe autonomiste », un parti en devenir formé par des adéquistes frustrés de voir leur parti avalé par la Coalition avenir Québec de François Legault.

Pas sûr que le nom choisi passerait le test des groupes de discussion et des spécialistes du marketing, mais les motivations des instigateurs d'Équipe autonomiste sont claires, nettes et précises. Intègres aussi.

Voici des gens de droite qui se définissent ainsi, qui y tiennent et qui n'acceptent pas de se dissoudre dans un parti - la CAQ - qui, selon eux, campe au centre et n'apporte rien de neuf pour la gouvernance du Québec.

Si le parti Équipe autonomiste est viable ou non, on le verra dans les prochains mois. Mais pour le moment, le projet regroupe des militants qui se demandent comment préserver et promouvoir leurs valeurs ainsi que leur vision de la politique et des politiques plutôt que de se vendre au rabais à un nouveau parti qui a plus de chances de prendre le pouvoir. Dans les circonstances, sachant qu'il ne restera pratiquement rien de l'ADQ et sachant qu'un parti résolument de droite peut difficilement percer au Québec, il faut des convictions pour se lancer dans une telle aventure.

Il est certainement plus rentable politiquement au Québec de jouer sur l'ambiguïté, de ménager la chèvre et le chou et de refuser, comme François Legault, les étiquettes que de se positionner fermement à droite. Selon les instigateurs du projet Équipe autonomiste, les anciens adéquistes résolument à droite ne peuvent se joindre à la CAQ, un parti qui prône, notamment, l'intervention de l'État dans l'économie.

Quel poids électoral un tel parti peut-il avoir ? Marginal, sans doute. D'abord parce qu'il sera perçu comme extrémiste par une majorité d'électeurs qui préfèrent se tenir au centre et qui craignent les grandes réformes, la remise en question du rôle de l'État et la privatisation des services publics. Ensuite, ce sera difficile parce que ce parti né des cendres de l'ADQ n'aura ni moyens ni organisation. De plus, ce nouveau parti manquera vraisemblablement de temps pour se préparer aux prochaines élections.

N'empêche, voici un autre véhicule sur une autoroute politique déjà passablement encombrée. La portion la plus à droite de l'électorat québécois, notamment dans la région de Québec, risque d'être divisée, ce qui pourrait coûter de précieux votes à François Legault.

Du côté des souverainistes, c'est carrément l'éclatement des forces en présence : le PQ en difficulté, Québec solidaire qui gruge du terrain, Option nationale qui vise les purs et durs.

Dans une entrevue récente au Journal de Québec, Amir Khadir, de Québec solidaire, a répété qu'il souhaite un pacte entre son parti et le PQ afin d'éviter une coûteuse division du vote dans certaines circonscriptions, comme Gouin, Hochelaga-Maisonneuve, Rosemont, Sainte-Marie-Saint-Jacques ou Taschereau. Cet appel n'a pas trouvé écho à ce jour.

Dans le paysage politique actuel, le Parti libéral du Québec apparaîtra à bien des électeurs comme un havre de stabilité. Sans compter que le PLQ est, de loin, le parti le plus riche et le mieux organisé sur le terrain. Il a aussi l'avantage de choisir la date du prochain scrutin.