Il a beaucoup été question de changement, lundi matin, lors du lancement officiel de la Coalition avenir Québec, le nouveau parti de François Legault.

Parlant de changement, notez qu'il faut maintenant dire Coalition avenir Québec et non plus «pour l'avenir du Québec». Un nouveau logo a aussi été présenté, ce qui aura été d'ailleurs l'élément le plus neuf de la journée. Non pas que le lancement d'un nouveau parti, un événement rare au Québec, ne soit pas intéressant, mais il y a tellement longtemps que l'on sait que ça s'en vient qu'il n'y avait pas vraiment de surprise.

Il faut dire aussi que le logo en question est sujet à débat. Très coloré, comme le veut le symbole d'une coalition, partant un peu dans toutes les directions et provoquant de multiples interprétations quant à son sens et à sa signification, ce logo représente finalement assez bien la CAQ de M. Legault.

Dans les 20 «actions pour agir» (joli pléonasme!) présentées lundi par François Legault, il y a un peu de tout pour tout le monde. Quelques minutes après la longue conférence de presse de M. Legault, j'ai écrit sur mon blogue que François Legault et sa CAQ sont, pour le moment, insaisissables. Ni à gauche ni à droite, plus vraiment souverainistes mais pas tout à fait fédéralistes.

Perspicace, le premier internaute à réagir a ajouté: «Comme les Québécois! C'est ce qui fera son succès d'après moi.» Possible, en effet. «Les Québécois veulent du changement», ils sont «prêts pour du changement», «il est temps que ça change» ... François Legault a multiplié lundi les formules, misant tout, on l'aura compris, sur le désir des Québécois de remplacer les leaders politiques actuels.

Mon collègue Paul Journet, de notre bureau de l'Assemblée nationale, a résumé l'approche Legault avec un trait d'humour en écrivant que «Legault mise sur le vieux thème du changement». Il est vrai qu'en politique, le «changement» est un thème usé. Pour un homme qui prône l'audace, l'action et le renouveau, on ne peut pas dire que François Legault a réinventé le genre en insistant aussi lourdement sur le changement. Mais peut-on vraiment le blâmer?

Après tout, les Québécois, qui ne savent que très peu de choses sur les intentions et le programme de M. Legault et qui ne connaissent aucun de ses futurs candidats pour le moment, semblent prêts, du moins à ce qu'en disent les sondages, à lui confier le pouvoir. Et puis, tous les stratèges politiques vous diront qu'il n'y a rien de pire, pour un chef politique ou un gouvernement, que de faire face à un désir de changement des électeurs. Prenez 2003, par exemple. Le gouvernement de Bernard Landry jouissait d'un taux de satisfaction de 55% et les Québécois n'étaient pas particulièrement impressionnés par Jean Charest, mais après neuf ans de régime péquiste, ils voulaient tout simplement du changement. Cette fois, François Legault fait le pari que le désir de changement le servira doublement puisque les Québécois en ont marre de Jean Charest et qu'ils désirent tourner le dos à l'option souverainiste.

Le chef de la CAQ a lourdement insisté lundi sur la responsabilisation, sur l'éthique, sur le service aux citoyens, promettant de mettre fin à l'influence des groupes de pression sur le gouvernement, une stratégie qui vise directement Jean Charest. Il a par ailleurs promis de donner plus de moyens à l'Office de la langue française pour faire respecter la loi 101 dans les commerces montréalais, une intrusion dans les «talles» identitaires et nationalistes propres au Parti québécois.

Certains de ses engagements frappent fort et ne laissent place à aucune ambiguïté: abolir les commissions scolaires et les agences de santé et de services sociaux; augmentation de 20% du salaire des enseignants et un nouveau mécanisme d'évaluation; suppression de 4000 employés d'Hydro-Québec; baisse du nombre d'immigrants; utilisation de 100% des redevances des ressources naturelles au remboursement de la dette.

D'autres promesses sont séduisantes, mais elles ont un air de déjà-vu (de déjà entendu, en fait): que chaque Québécois ait un médecin de famille; lutter contre le décrochage scolaire; stratégie de développement économique pour les régions et pour Montréal, entre autres.

Dans sa présentation, M. Legault a poussé un peu plus loin l'électoralisme en affirmant que son parti, une fois au pouvoir, «réparera le système de santé». Rien que ça! Après les déboires de Jean Charest à ce chapitre, lui qui avait aussi promis de régler les problèmes en santé, je ne croyais pas entendre un autre politicien y aller péremptoirement d'une promesse aussi grosse. Surtout pas un ancien ministre de la Santé.

Quant à son engagement à faire respecter la loi 101 dans les commerces montréalais, il a visiblement été pondu en catastrophe et M. Legault a été incapable de dire comment il compte y parvenir.

Sa position constitutionnelle (en fait, sa non-position) et sa relation avec l'Action démocratique du Québec restent aussi, malgré ce lancement en grande pompe, enveloppées d'un flou artistique volontaire.

Je comprends fort bien que M. Legault ne veuille pas négocier sur la place publique la dissolution de l'ADQ au sein de la CAQ (le seul scénario envisagé par les caquistes), mais il devra dire un jour s'il est d'accord ou non avec certaines idées de ses nouveaux alliés, notamment ouvrir une plus grande place au privé en santé.

Quant à la question nationale, il est tout de même étonnant d'entendre ce souverainiste pressé d'hier déplorer, aujourd'hui, le fait qu'il n'a jamais eu, depuis 40 ans, l'occasion de voter sur autre chose que la souveraineté ou le fédéralisme.

François Legault nous a aussi dit qu'il était impatient de retourner à l'Assemblée nationale et de débattre avec Jean Charest. Cela n'arrivera peut-être pas avant les prochaines élections générales.

En attentant, M. Legault retournera parmi les parlementaires mercredi soir pour le traditionnel dîner de la Tribune de la presse, au Château Frontenac. Cet événement est généralement off the record, mais souhaitons tout de même quelques indiscrétions, ne serait-ce que pour savoir comment le chef caquiste sera accueilli par Jean Charest, Pauline Marois et Gérard Deltell.