L'activité débordante sur la scène politique québécoise ces temps-ci fait de l'ombre à Ottawa, mais ce n'est certainement pas Stephen Harper qui va s'en plaindre.

Occupés (préoccupés, aussi) que nous sommes par les débats autour de la commission Charbonneau et par le chahut sur les chantiers, nous suivons d'un oeil très distrait ce qui se passe dans la capitale fédérale. Et il se passe beaucoup de choses.

Hier, aux Communes, les conservateurs ont déposé, comme promis, un projet de loi visant à abolir le registre des armes d'épaule. Ils ont poussé la note un peu plus loin, annonçant la destruction de toutes les données colligées dans ce registre, rendant impossible un transfert aux provinces qui voudraient lancer leur propre registre.

Le gouvernement Harper poursuit par ailleurs sa réforme du système judiciaire, avec son projet de loi omnibus C-10, qui vise, notamment, à durcir les peines contre les trafiquants de drogue, les prédateurs sexuels et les jeunes contrevenants. Les critiques de ce projet de loi, dont le Barreau du Québec, craignent que la réforme entreprise par les conservateurs se traduise par une prolifération des peines minimales, par une diminution de la discrétion judiciaire et qu'elle nuise à la réhabilitation et à la réinsertion sociale des délinquants.

Ces deux projets de loi déplaisent fortement à Québec. L'Assemblée nationale s'est déjà prononcée contre l'abolition du registre des armes d'épaule et l'approche répressive du fédéral contre les jeunes contrevenants est aussi décriée avec force comme une attaque en règle contre le «modèle québécois» qui prône la réinsertion et la réhabilitation.

Cela dit, avec toute l'agitation à Québec autour du monde de la construction, les gestes du gouvernement Harper passent largement sous le radar de l'Assemblée nationale et du gouvernement, qui a bien d'autres chats à fouetter par les temps qui courent.

Idem pour le projet de refonte de la carte électorale fédérale, des contrats de la marine canadienne accordés la semaine dernière à des chantiers maritimes de la Nouvelle-Écosse et de la Colombie-Britannique, de la nomination, il y a quelques jours, d'un juge unilingue anglophone à la Cour suprême et de celle d'un nouveau vérificateur général qui ne parle pas français non plus.

Tous les stratèges politiques vous le diront: si un gouvernement veut imposer de profonds changements et mettre en vigueur des mesures controversées de son programme, il vaut mieux agir vite, idéalement dans les 12 à 18 premiers mois du mandat. Si, en plus, l'opposition est désorganisée et qu'une province récalcitrante a la tête ailleurs, c'est encore mieux.

Or, le Québec a vraiment la tête ailleurs et le NPD, qui occupe 59 des 75 sièges au Québec, a visiblement quelques petits problèmes d'ajustement et de cohésion.

La semaine dernière, le président du caucus des députés néo-démocrates du Québec, Guy Caron, s'est empressé de saluer la création, par le gouvernement Charest, d'une commission d'enquête presque unanimement décriée au Québec.

Le NPD a aussi approuvé la candidature d'un juge unilingue anglophone à la Cour suprême et s'est réjoui, dans le reste du Canada, des contrats accordés aux chantiers maritimes de Vancouver et Halifax, alors que le Québec n'a rien obtenu. Peter Stoffer, député du NPD en Nouvelle-Écosse, a même parlé d'un «grand jour pour le Canada».

L'abolition du registre des armes d'épaule crée aussi des dissensions au NPD. La députée de Gatineau, Françoise Boivin, a dénoncé la «claque au visage» du gouvernement Harper, mais certains de ses collègues d'ailleurs au Canada sont favorables à l'abolition du registre.

Stephen Harper peut dormir tranquille. Et adopter ses réformes à toute vapeur. Il ne trouvera pas beaucoup d'obstacles sur sa route.

TROU STORY INTÉRESSE LES LIBÉRAUX - Richard Desjardins et son complice Robert Monderie lanceront Trou Story, documentaire très attendu sur l'industrie minière, dimanche à Rouyn-Noranda.

Au gouvernement du Québec, on attend avec un mélange d'impatience et d'angoisse ce nouveau film des auteurs de L'erreur boréale, documentaire coup-de-poing sur l'industrie forestière sorti en 1999.

Le ministre délégué aux Ressources naturelles, Serge Simard, sera d'ailleurs à la première de Trou Story, dimanche soir, à Rouyn-Noranda.

Le ministre en titre des Ressources naturelles, Clément Gignac, m'a confié en fin de semaine, lors du congrès libéral, qu'il n'était pas inquiet des répercussions possibles du documentaire, mais que son ministère allait tout de même s'assurer que toutes les images décrivant la situation au Québec ont bel et bien été tournées au Québec.

Pas inquiet, le gouvernement Charest, mais il veut néanmoins être prêt à donner la réplique.

«J'ai bien hâte de voir le film, dit M. Gignac. Et s'il démontre qu'il faut une nouvelle loi sur les mines, cela tombera très bien puisque c'est précisément ce que notre gouvernement veut faire.»