La grande question dans les rangs néo-démocrates depuis quelques jours n'était pas de savoir si Thomas Mulcair plongerait dans la course, mais plutôt de savoir combien de ses collègues l'appuieraient et, surtout, s'il était capable de recruter en dehors du Québec.

Mission accomplie donc, hier, au lancement de sa campagne. Il ne s'agit toutefois que du premier test.

La campagne est encore jeune, mais une chose est claire: la bataille se fera entre Brian Topp, qui a annoncé ses couleurs il y a quelques semaines, et Thomas Mulcair qui a dissipé hier les doutes sur sa capacité de récolter des appuis.

Combatif (c'est un euphémisme dans le cas de M. Mul­cair), le député d'Outremont a renvoyé la balle au camp Topp, qui affirme que le prochain chef doit venir de l'extérieur du Québec. «Nous avons fait le plein au Québec le 2 mai, et c'est tant mieux, mais la cinquantaine de sièges que nous devons gagner pour prendre le pouvoir sont dans les autres provinces», a expliqué Brian Topp à La Presse en septembre. Cette position a aussi été défendue par la députée Françoise Boivin, l'une des plus connues du NPD au Québec.

La réplique de M. Mulcair n'a pas tardé: «L'importance dans cette course n'est pas la provenance géographique du prochain chef comme certains le laissent entendre, mais plutôt de se poser la seule question suivante: qui est le mieux placé pour conduire le NPD vers le prochain niveau et de former le gouvernement.»

Les partisans insistent beaucoup sur son expérience d'élu, une autre flèche décochée vers Brian Topp.

Avant même que ne débute le discours de M. Mulcair, Brian Topp lui a souhaité la bienvenue sur Twitter, affirmant qu'il avait hâte aux débats d'idées et que tous les néo-démocrates seront unis au lendemain de l'élection du nouveau chef. Beau geste, mais ce serait mal connaître M. Mulcair que de croire qu'il transformera cette campagne en une discussion de salon de thé.

À peine entré dans la course, il a égratigné son principal adversaire, l'establishment du parti (qui soutient massivement M. Topp) en plus de réclamer un effort du NPD pour faciliter le recrutement au Québec.

S'en prendre à l'establishment de son parti est toujours risqué (parlez-en à Denis Coderre!), surtout pour un candidat qui n'a pas de racines dans un parti qui voue un culte à ses racines. En ce sens, la présence de Lorne Nystrom, une figure importante du NPD dans les Prairies et chez les militants en général, aura permis à

M. Mulcair de passer un message à son principal adversaire.

Pour espérer gagner, Thomas Mulcair devra notamment recruter de nouveaux membres au Québec et ailleurs. S'il n'y arrive pas dans sa propre province, avec un fort contingent de députés favorables, on dira qu'il n'est même pas capable de «livrer» le Québec.

M. Mulcair devra aussi poursuivre sa croissance. Dans une course à la direction, la stagnation est un ennemi mortel (parlez-en à Michael Ignatieff, qui avait plafonné trop vite en 2006, laissant se faufiler Stéphane Dion).

La pente s'annonce raide pour M. Mulcair, qui doit affronter la vieille garde du parti et les grandes centrales syndicales canadiennes, acquises à Brian Topp. Les syndicats ont historiquement des liens organiques avec le NPD et même s'ils n'ont plus de blocs de vote distincts au prochain congrès, ils ont une sacrée capacité de recrutement et de mobilisation. Pour les orthodoxes du NPD, y compris au sein du caucus, Thomas Mulcair est antisyndicat, ce qui jouera nécessairement contre lui.

Des néo-démocrates aguerris pensent néanmoins qu'une victoire de M. Mulcair n'est pas impossible.

Pour ce faire, il devra éviter de s'emporter ou de déraper, deux risques inhérents à son fort caractère.

Il devra aussi s'imposer lors des débats, gagner la bataille de l'opinion publique dans les sondages et résister à la pression médiatique.

Autre point: démontrer qu'il saura être rassembleur, au lendemain d'une victoire.

Pour avoir passé la semaine à faire des entrevues en vue d'un portrait de Thomas Mulcair, publié demain dans nos pages, je peux affirmer que le mot rassembleur n'est pas un qualificatif très courant pour décrire le personnage.

Pour joindre notre chroniqueur: vmarissal@lapresse.ca