Le NPD a fait élire 59 députés au Québec le 2 mai. De ce nombre, seul Thomas Mulcair siégeait déjà aux Communes, et seule une poignée de candidats (Romeo Saganash, Françoise Boivin et Nycole Turmel, notamment) jouissaient d'une certaine notoriété.

C'est donc dire que plus de 50 députés néo-démocrates du Québec doivent clairement leur élection à Jack Layton. Lorsque des candidats se font élire sans faire campagne, sans même mettre un pied dans «leur» circonscription, comme la désormais célèbre Ruth Ellen Brosseau, c'est que le chef «tire» pas mal fort.

Mme Brosseau, comme une cinquantaine de ses collègues du Québec, est politiquement orpheline depuis lundi matin. Une fois passé le choc du décès de M. Layton, la rentrée risque d'être difficile.

Pour tous ces nouveaux élus, Jack Layton était une figure paternelle, rassurante et bienveillante. Qui plus est, il avait une bonne compréhension du Québec et un attachement particulier pour ses recrues québécoises.

Le successeur de M. Layton, quel qu'il soit, n'aura ni son charisme, ni cette ouverture envers le Québec, ni ce très haut degré d'intimité avec les Québécois.

Voilà qui a de quoi inquiéter les «p'tits nouveaux» du caucus néo-démocrate. Cela dit, les prochaines élections n'auront lieu que dans quatre ans - une éternité, en politique. C'eut été plus angoissant pour les nouveaux élus du NPD si nous avions encore un gouvernement minoritaire à Ottawa.

On a par ailleurs répété, non sans raison, que les députés du NPD sont très inexpérimentés et que la disparition de Jack Layton nuira à leur cohésion. Vrai, mais l'inexpérience n'est pas le plus grave des problèmes auxquels ils devront faire face.

D'abord, les nouveaux députés ont le temps d'apprendre, et ils seront entourés d'élus expérimentés et aguerris, des visages connus et respectés sur la colline parlementaire, comme Yvon Godin, Peter Stoffer, Pat Martin, Libby Davies, Joe Comartin, Peggie Nash, Olivia Chow, la veuve de M. Layton (si elle décide de rester, évidemment), sans oublier Thomas Mulcair.

Le plus grand péril qui guette le caucus du NPD, c'est l'isolement des députés québécois, majoritaires, mais beaucoup moins influents que leurs collègues des autres provinces.

Jack Layton était le ciment de ce caucus. Il était capable de rassurer les députés des autres provinces qui s'inquiétaient de l'arrivée parmi eux de nationalistes québécois, voire de souverainistes. C'est lui qui les avait recrutés, et il s'en portait garant devant les vieux routiers du NPD qui craignaient d'avoir été «infiltrés» par des souverainistes.

L'«affaire» Turmel a bien démontré que tout le monde, à Ottawa, n'a pas la même ouverture que M. Layton envers les souverainistes, même défroqués.

Si la nouvelle direction du NPD, ses députés et ses militants du ROC devaient se convaincre que, sans Jack Layton, ils sont foutus au Québec, ils marginaliseront les députés québécois. Et comme le NPD n'a pas de racines au Québec, il n'y survivrait vraisemblablement pas longtemps.

La façon dont les bonzes du NPD accueilleront une (incontournable?) candidature de Thomas Mulcair nous éclairera sur l'après-Layton au Québec. Le pire scénario pour le NPD serait que les députés et militants québécois se rangent massivement derrière M. Mulcair et que le reste du caucus et la base du ROC lui bloquent la route.

On verra par ailleurs comment le NPD défendra certaines de ses positions impopulaires au Québec, comme l'aide financière d'Ottawa aux projets hydro-électriques de Terre-Neuve. Avec Jack Layton, ça passait mieux en raison de son fort capital de sympathie au Québec. Mais maintenant qu'il est parti...

Dans sa lettre d'adieu, Jack Layton suggère à son parti de lui trouver rapidement un successeur. Il voyait certainement tous les défis qui se dresseraient devant son parti et, d'expérience, il savait qu'il faut du temps à un nouveau chef pour asseoir son autorité, réparer les déchirures causées par la course à la direction, apprivoiser et gérer son monde, se faire connaître des électeurs et préparer la prochaine bataille électorale.