Encore une fois, le Parti québécois vient de faire la démonstration qu'il est son pire ennemi. Et ce, juste au moment où les astres semblaient s'aligner pour sa chef, Pauline Marois.

Les militants et les députés du Parti québécois ont l'habitude des drames, petits et grands, mais ils auront probablement l'impression ce matin de s'être fait heurter par un train, moins de 24 heures après la démission de trois gros canons de leur parti.

Tout ça pour l'appui inconditionnel de leur chef à un projet d'amphithéâtre construit avec des fonds publics. Tout ça parce que Mme Marois et son entourage ont décidé de défendre, pour des raisons électoralistes, ce projet et l'entourloupette politicojuridique qui vise à empêcher toute contestation.

En fait, il y a plus que ça.

Ces démissions fracassantes démontrent que tout ne tourne pas rond dans la cour de la reine Pauline, qui se croyait sans doute inattaquable après avoir obtenu un appui record au vote de confiance d'avril. Cela démontre que le PQ reste... le PQ. Autrement dit, même si sa chef contrôle les instances du parti, la révolte couve toujours au caucus, la désapprobation est toujours latente chez les belles-mères et une fronde est toujours possible.

Au PQ, le chef doit toujours être sur ses gardes, même vis-à-vis de ceux qui, comme Louise Beaudoin et Pierre Curzi, comptaient hier parmi ses alliés.

Pauline Marois a commis trois erreurs fondamentales dans ce dossier.

Premièrement, l'erreur d'appuyer sans réserve ni nuance un projet hautement controversé, quitte à remettre en question le droit de contestation des citoyens, quitte à défendre l'affaire avec plus de zèle que le gouvernement ne l'a fait lui-même. Quitte à appuyer le bâillon en fin de session pour permettre l'adoption d'un projet de loi écrit en toute hâte, dans un climat de suspicion parmi les juristes, au Barreau, chez les commentateurs et dans une bonne partie de la population.

Pis encore, on a l'impression que cette entente Quebecor-Labeaume, poussée avec un brin de démagogie par le maire de Québec, a été conclue derrière des portes closes avec la complicité de l'Assemblée nationale. Louise Beaudoin a mis le doigt sur le bobo juridicopolitique en disant que le projet de loi visait à empêcher la contestation de contrats «qui ne sont pas encore rédigés».

Dans le climat politique actuel, après avoir passé des années à exiger la transparence dans la gestion des fonds publics dans les grands projets, il est pour le moins contradictoire que l'opposition officielle défende un tel projet de loi avec autant d'enthousiasme. Soudainement, Amir Khadir doit se sentir beaucoup moins seul à l'Assemblée nationale.

Deuxième erreur de Mme Marois: elle a mal évalué son rapport de force vis-à-vis des contestataires de son caucus, erreur d'autant plus grave que les trois démissionnaires sont aussi influents que respectés au PQ. En position de force depuis son vote de confiance, Mme Marois croyait sans doute pouvoir imposer cette décision.

Et dire que, il y a quelques jours à peine, Mme Marois m'a dit au téléphone (elle m'a appelé pour contester un passage de ma chronique où je disais que son gouvernement et elle n'ont malheureusement pas manifesté le même empressement pour le CHUM) à quel point elle était sereine et confiante en sa position, malgré les critiques.

Cette assurance mal fondée a visiblement provoqué sa troisième erreur: elle a mal jaugé l'ampleur de la grogne parmi ses députés, elle s'est retranchée derrière sa chef de cabinet, Nicole Stafford, se coupant ainsi d'alliés. Certains députés affirment en privé ces jours-ci que Mme Stafford en «mène très large» et qu'elle est «intransigeante».

On sait depuis un bon moment que Lisette Lapointe n'est pas la fan no 1 de Pauline Marois, mais cette dernière avait une solide relation de confiance avec Louise Beaudoin et Pierre Curzi. Mme Beaudoin est même revenue en politique à la demande de Pauline Marois.

Un véritable gâchis pour le PQ et sa chef. Ils ont perdu, en une seule journée, une de leurs voix les plus crédibles et expérimentées (Louise Beaudoin), leur député le plus populaire (Pierre Curzi) et la représentante de l'orthodoxie (Lisette Lapointe).

Tout cela fait mal aujourd'hui, évidemment, mais c'est surtout inquiétant pour la suite. C'est le leadership de Pauline Marois qui est en cause dans cette affaire.

Ces démissions cachent-elles autre chose de plus grave au PQ? Les trois démissionnaires rejettent le projet de loi no 204, certes, mais ils ont aussi critiqué l'autoritarisme de Mme Marois. Le plus dommageable, toutefois, c'est qu'ils accusent leur ancienne chef d'agir par opportunisme politique, d'être «obsédée par le pouvoir» et de contribuer ainsi au désenchantement collectif.

Selon Pauline Marois, «les seuls qui y gagnent quelque chose, c'est le Parti libéral, c'est M. Charest et les fédéralistes».

Vrai, Jean Charest, qui voit sa rivale prendre tous les coups pour un projet de loi dont il est ultimement responsable, doit rire dans sa barbe, mais le vrai gagnant de ce nouveau drame au PQ, ce n'est pas lui, c'est François Legault.

C'est lui, et non Jean Charest, qui représente, selon tous les sondages, la solution aux maux actuels de notre scène politique.