Si la tendance se maintient, comme disait ce bon vieux Bernard Derome, il semble bien que les conservateurs vont devoir se priver, une fois de plus, de députés à Montréal.

Arrivé sur la scène fédérale en grande pompe, le candidat-vedette Larry Smith est aujourd'hui bien loin de la zone des buts dans la circonscription de Lac-Saint-Louis.

Première constatation de ces deux coups de sonde dans des circonscriptions ciblées: le Parti conservateur, qui réussit à maintenir ses appuis en région, reste une force marginale dans la métropole.

Cela est de mauvaise augure pour Montréal si Stephen Harper décroche une majorité. Je ne suis pas en train de vous dire de voter conservateur (ce n'est pas mon rôle de vous dire pour qui voter, vous mettez votre X où bon vous semble, ça ne me regarde pas), mais il est évident qu'une telle situation créerait un fossé entre Montréal et le gouvernement fédéral. Déjà que c'est difficile quand Montréal compte quelques membres autour de la table décisionnelle (ça fait combien de temps que l'on attend l'échangeur Dorval?), ça ne peut qu'être pire sans un seul représentant.

Larry Smith s'est peut-être mis le pied dans la bouche une deuxième fois en deux semaines en déclarant que les circonscriptions au pouvoir sont mieux traitées que les autres, mais le fait est qu'il a dit une évidence. Malheureusement.

On peut comprendre toutefois les Montréalais de ne pas être attirés par le PCC, qui n'a pas jugé bon de créer un programme précis pour la deuxième ville en importance du Canada et qui parachute, pour les deuxièmes élections de suite, un sénateur-candidat dans une circonscription supposément prenable.

S'ils avaient réellement des visées à Montréal, les conservateurs auraient, au moins, choisi un slogan différent de celui utilisé en province («Ma région au pouvoir»). «Ma ville au pouvoir» aurait été plus approprié.

Deuxième constatation de ces deux sondages: la soirée électorale s'annonce longue pour les libéraux au Québec.

Fragilisés ici depuis quelques années, les libéraux ont tout de même espoir de reprendre quelques sièges perdus et Outremont est deuxième sur cette liste (après Ahuntsic). Or la reconquête d'Outremont s'annonce extrêmement difficile, même avec Martin Cauchon, longtemps considéré par les libéraux comme le seul candidat capable de déloger Thomas Mulcair.

En entrevue éditoriale à La Presse avec son chef Jack Layton, la semaine dernière, Thomas Mulcair ne paraissait pas du tout inquiet des résultats du 2 mai. «Martin Cauchon s'est fait élire la dernière fois dans ce comté en 2000, il y a 11 ans, ça fait longtemps, nous a-t-il dit. Maintenant, le député d'Outremont, c'est moi. Quand je suis rentré, dans une partielle en 2007, ce n'était pas une fluke.»

Dans cette circonscription multiethnique qui compte aussi un grand nombre de francophones à Outremont même et de jeunes dans sa partie du Mile End, Thomas Mulcair a l'avantage d'être fédéraliste pour les uns et juste assez nationaliste pour les autres.

Le fait qu'il représente le NPD et qu'il ait tenu tête à Jean Charest lorsqu'il était son ministre de l'Environnement le rend sympathique à bien des électeurs.

De plus, sa position récente en faveur d'un renforcement de la loi 101 ne nuira pas parmi les électeurs francophones de la circonscription.

Martin Cauchon, lui, va devoir se retrousser les manches. Des organisateurs libéraux me confiaient récemment qu'il sera très difficile de reprendre Outremont, et la faible participation des militants aux récentes activités du candidat Cauchon ne les a pas rassurés.

La bataille des régions

Le Bloc québécois a lancé hier une nouvelle pub intitulée «Parlons régions».

Ce thème n'a pas été choisi au hasard, c'est en fait une réponse directe à l'offensive du Parti conservateur, dont le slogan électoral est: «Notre région au pouvoir».

Apparemment, la stratégie des conservateurs d'amener la bataille sur le terrain des intérêts des régions porte ses fruits et dérange le Bloc, qui reste loin devant dans les intentions de vote des francophones, mais qui devra mettre les bouchées doubles à Québec et se méfier tout de même dans certaines circonscriptions.

C'est le cas dans Richmond-Arthabaska, où l'ancien maire d'Asbestos Jean-Philippe Bachand pourrait chauffer sérieusement le Bloc. (Jean-Philippe Bachand est le frère d'André, ex-député conservateur et lui aussi ancien maire d'Asbestos, tout comme leur père, Lucien, fut maire de l'endroit.)

Le dossier chaud de l'amiante chrysotile et de la relance de la mine Jeffrey est un enjeu électoral majeur dans ce coin. Les conservateurs appuient la relance et Stephen Harper s'est rendu plus tôt en campagne épauler son candidat, voisin de circonscription du ministre Christian Paradis.

Gilles Duceppe a lui aussi rendu visite à son candidat (le député sortant André Bellavance) et s'est prononcé en faveur de l'utilisation «sécuritaire» de l'amiante, mais les conservateurs l'accusent d'avoir changé de position pour sauver ce siège.

Les conservateurs ne se privent pas, par ailleurs, pour rappeler en région que le Bloc est pour le maintien du registre des armes à feu, un sujet délicat en province.

Accusé aussi d'être mou contre la criminalité, le chef du Bloc a récemment pris des positions plus tranchées en la matière.

M. Duceppe s'est notamment opposé, comme les conservateurs et les libéraux, à la venue à Montréal du chanteur Bertrand Cantat, dérogeant de ses positions généralement favorables à la réhabilitation.