Vous penserez ce que vous voudrez de la décision du gouvernement Harper de ne pas participer au financement du futur amphithéâtre de Québec, mais vous ne pourrez pas accuser le premier ministre de se cacher pour éviter ce sujet chaud.

Après Michael Ignatieff et Gilles Duceppe lundi, c'est au tour de Stephen Harper de débarquer ce matin à Québec, ville de toutes les convoitises électorales. M. Harper sera à l'aéroport Jean-Lesage, à plusieurs kilomètres de l'emplacement projeté du nouveau Colisée, où il fera une annonce en compagnie de la députée locale Josée Verner, ministre des Affaires intergouvernementales.

Il est question de rénovation des pistes, notamment, un investissement relativement modeste de quelques dizaines de millions. Peu importe, de toute façon, M. Harper pourrait bien promettre trois épaisses couches de bel asphalte neuf que cela ne suffirait pas à aplanir la grogne provoquée par son refus de plonger dans le projet chéri du maire Labeaume.

Pas plus que cela ne compensera pour les très attendus 2,2 milliards de dollars pour l'harmonisation des taxes de vente fédérale et provinciale.

La plus lisse des pistes d'atterrissage ne fera pas non plus oublier le controversé projet fédéral de commission des valeurs mobilières canadiennes, unanimement décrié à l'Assemblée nationale.

Le premier ministre devrait répondre aux questions des médias, une séance qui risque de ressembler davantage à une fusillade (pour rester dans le hockey) qu'à un point de presse.

On répète depuis quelque temps que la prochaine bataille électorale ne se jouera pas au Québec, mais en Ontario. C'est vrai, mais sur la carte électorale des conservateurs, la région de la Capitale-Nationale représente néanmoins un point très chaud.

On l'a vu dans les derniers sondages, l'absence du gouvernement fédéral dans le financement d'un nouvel amphithéâtre passe mal, à Québec, et met en danger les cinq sièges conservateurs de la région. Déjà, le Bloc québécois se frotte les mains.

Les tiraillements avec Québec à propos de la compensation pour l'harmonisation de la taxe de vente n'aideront en rien les bleus.

Si Stephen Harper veut vraiment éviter des élections, il pourrait toujours annoncer dans le prochain budget une entente avec Québec sur l'harmonisation de la TPS et de la TVQ (une entente est techniquement possible, dit-on, les points épineux ayant été réglés). Le Bloc, qui a fait de cette compensation la mère de toutes les conditions, pourrait difficilement faire la fine bouche. Cela dit, avec des intentions de vote dépassant les 40% en Ontario, et avec une base inaliénable dans l'Ouest, Stephen Harper sera peut-être tenté de jouer le tout pour tout afin d'atteindre cette inaccessible majorité.

La suite des événements, d'ici au budget du 22 mars, sera déterminante non seulement pour les partis politiques, mais aussi pour l'équilibre des forces en présence à Québec. Avec des conservateurs affaiblis dans la région, le Québec pourrait fort bien se retrouver avec seulement une demi- douzaine de députés dans un gouvernement majoritaire, dont, vraisemblablement, aucun à Montréal.

Un autre enjeu, beaucoup plus important que celui du nouveau Colisée, risque de s'inviter à une éventuelle campagne printanière: le sort du chantier naval Davie, de l'autre côté du fleuve, à Lévis. La survie (une fois de plus!) de cet ancien fleuron industriel se joue ces jours-ci, et le gouvernement fédéral est au centre des tractations.

Placé sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers depuis février 2010 (la Cour vient de lui accorder une prolongation jusqu'au 1er avril), Davie est actuellement en pourparlers avec trois investisseurs potentiels pour relancer l'entreprise.

Le nom de l'investisseur exclusif retenu pour parachever la reprise devrait être annoncé d'ici deux semaines. La vente devrait ensuite être bouclée dans les semaines suivantes.

La bonne nouvelle pour Davie et pour 3000 emplois directs et indirects qui en dépendent, c'est que trois investisseurs se sont montrés intéressés, tous trois attirés par les futurs contrats d'une valeur de 35 milliards du gouvernement fédéral pour les navires de la Défense et de la Garde côtière.

La mauvaise nouvelle, c'est que, selon les règles du fédéral, une entreprise doit être solvable pour obtenir des contrats du genre, ce qui n'est évidemment pas le cas de Davie en ce moment.

Depuis quelques mois, Davie survit grâce au gouvernement provincial, qui vient d'ailleurs de lui verser 1,8 million pour lui permettre de payer les factures courantes, de mener les pourparlers avec les investisseurs et de préparer l'appel d'offres pour le gouvernement fédéral.

Le temps presse pour Davie parce que les règles d'Ottawa précisent que les soumissionnaires doivent être solvables au moins 50 jours avant la fin de l'appel d'offres, le 7 juillet. Autrement dit, la transaction avec un nouveau propriétaire doit être achevée avant le 18 mai.

Davie a demandé au gouvernement fédéral de lui donner un répit compte tenu de sa position difficile, ce qu'a refusé le ministère des Travaux publics. L'entreprise revient à la charge, plaidant cette fois pour un peu de temps et de flexibilité, question de ne pas manquer l'échéance du 18 mai et ainsi louper de quelques jours un contrat majeur qui assurerait sa survie.

Voilà une course contre la montre qui pourrait faire quelques vagues durant la prochaine campagne électorale dans la région de Québec.