Vous avez vu la dernière publicité télévisée des conservateurs?

Une pub «positive», cette fois, par opposition à l'usuel bing-bang-rentre-dedans Ignatieff, Duceppe ou Layton auquel nous ont habitué les bleus depuis quelques années.

Le nouveau message présente Stephen Harper en chef d'État, accompagné d'homologues du monde entier, ou en bon père de famille avec sa femme et ses enfants. On voit aussi des avions de chasse, des chantiers de construction, des images des Jeux olympiques de Vancouver.

Il y a aussi un gros plan du premier ministre devant un grand panneau du plan d'action économique du gouvernement, le remède contre la dernière crise, financé à coups de milliards de fonds publics.

Douteux? Oui, sans aucun doute. Scandaleux? Non, pas vraiment. Chose certaine, les libéraux auraient bien du mal à convaincre qui que ce soit qu'il s'agit d'un accroc impardonnable à l'éthique, eux qui faisaient exactement la même chose lorsqu'ils étaient au pouvoir.

Vrai, M. Harper voyage beaucoup aux frais des contribuables pour faire des annonces à saveur électorale depuis quelques semaines, et les conservateurs utilisent beaucoup, comme décor, leur plan de relance économique à des fins d'autopromotion. Mais, encore là, je me souviens que les partis de l'opposition reprochaient exactement la même chose à Paul Martin vers la fin du règne libéral, il y a un peu plus de cinq ans.

Est-ce suffisant pour faire tomber les conservateurs? Non, évidemment, mais les libéraux cherchent ardemment ces jours-ci une façon de renverser le gouvernement avant la présentation du budget (le 22 mars), et ils privilégient la piste de l'éthique.

Faire tomber les conservateurs sur une question d'éthique, voilà qui est inusité de la part des libéraux. Inusité et plutôt risqué. Le scandale des commandites, ça vous dit quelque chose?

S'aventurer sur un tel terrain, sans crampons, est aussi dangereux pour les libéraux qu'une petite promenade de santé sur les trottoirs pour les Montréalais. Il suffirait que de nouvelles accusations raniment l'affaire des commandites tout juste avant ou pendant la campagne électorale - ce qui est toujours possible -, et l'auto-entartage des libéraux serait complet!

Même s'il est vrai que plusieurs histoires égratignent le téflon conservateur, en particulier celles qui concernent les ministres Bev Oda et Jason Kenney, aucune n'a provoqué à ce jour la puissante vague d'indignation tant souhaitée par les partis de l'opposition.

Loin de moi l'idée de défendre le ministre de l'Immigration, qui s'est servi de son titre et de l'image de son Ministère pour solliciter des fonds pour son parti, mais les libéraux pensent-ils sérieusement entraîner le pays en élection à cause de ça?

Rappelez-vous un certain Denis Coderre, ex-ministre libéral de l'Immigration, qui avait dit «à la blague», en pleine cérémonie du 1er juillet, à de nouveaux immigrés de voter libéral. Quand on vit dans une maison de verre...

L'affaire Oda n'est pas plus brillante. La ministre responsable de la Coopération internationale a menti à la Chambre après être intervenue personnellement pour bloquer la subvention versée à une ONG très critique envers Israël. Mais vous croyez vraiment qu'il y a matière à renverser le gouvernement là-dessus? Non, moi non plus.

Les libéraux reprochent par ailleurs au gouvernement Harper de cacher les coûts de sa réforme du système de justice criminelle, des baisses des impôts des entreprises et de l'achat d'avions militaires.

Le président de la Chambre des communes a d'ailleurs donné raison hier à l'opposition dans ce dossier et dans l'affaire Oda.

Intéressante joute parlementaire, certes, mais dites-moi, qui se passionne pour de telles histoires à plus de 100 m de la colline parlementaire?

Certains députés néo-démocrates croient aussi qu'il vaudrait mieux renverser les conservateurs (et provoquer des élections) sur des questions d'éthique, comme ce financement illégal lors des dernières élections, condamné par Élections Canada, plutôt que de les battre sur un budget.

Voilà une autre affaire embarrassante pour les conservateurs, mais elle a pris, de toute évidence, plus d'ampleur à l'intérieur qu'à l'extérieur de la bulle parlementaire.

La stratégie de l'éthique ne tient la route que lorsque la population juge qu'un gouvernement a fait son temps, lorsqu'elle estime qu'il est usé et qu'il faut le remplacer, ce qui est d'ailleurs arrivé aux libéraux en 2006. À en juger par tous les sondages disponibles, les conservateurs n'en sont pas encore là.

Les histoires disparates qui éclaboussent le gouvernement Harper s'accumulent, mais elles ne représentent pas encore, aux yeux de la population, la preuve irréfutable de sa culpabilité.

Le fait que les députés de l'opposition mettent autant de temps et d'énergie à broder des scénarios autour de ces histoires démontre toutefois qu'il est temps de tenir des élections. Visiblement, le Parlement fédéral tourne à vide. Encore une fois.

vincent.marissal@lapresse.ca