Fin décembre, l'heure des incontournables bilans a sonné.

L'année politique 2010, il faut bien l'admettre, n'a pas été un grand cru.

Au Québec, cela peut se résumer par « commission d'enquête », deux mots répétés sur tous les tons dans les médias, par l'opposition et par la population, mais qui ne se matérialiseront pas, toutefois, puisque le premier ministre en a décidé ainsi.

Au fédéral, 2010 aura consacré l'« ère minoritaire normale », une période de stabilité politique pour un gouvernement qui est pourtant toujours minoritaire. Reprise économique, opposition faible et divisée en régions et en partis, solution de rechange déficiente, trois éléments qui ont permis à Stephen Harper de s'en sortir exceptionnellement bien au cours des 12 derniers mois.

Bref, rien pour écrire à sa mère cette année.

Chaque jour ou presque, je rencontre quelqu'un qui me lance : «Hé, vous ne vous ennuyez pas, en politique, ces temps-ci !»

En fait, pour être franc, oui, je m'ennuie un peu.

Ces temps-ci, à vrai dire, on fait plus dans les faits divers que dans la politique. Je ne le dis pas de façon méprisante, au contraire. Les faits divers, les affaires policières et judiciaires, ce sont des domaines journalistiques tout aussi exigeants, sinon plus, que la politique. Seulement, moi, ma tasse de thé, c'est la politique. De là une certaine lassitude en cette fin 2010.

Mes grands événements politiques, je les ai plutôt vécus à l'extérieur du Québec : à Port-au-Prince, à Vancouver et en Afrique du Sud. Permettez-moi de revenir brièvement sur ces événements dans ce bilan très personnel.

De Montréal à Port-au-Prince

Le début de l'année s'annonçait plutôt mollo lorsque, soudainement, je me suis retrouvé dans un avion en direction de la République dominicaine et, de là, dans un taxi pour un périple de plusieurs heures vers Port-au-Prince, dévasté par un tremblement de terre.

Dépêché sur place un peu plus de deux semaines après le séisme (à la suite de mes collègues arrivés dans les jours suivant la catastrophe), j'ai eu tôt fait de constater la désorganisation et l'impuissance (la panique, même) du gouvernement local, l'omnipotence des Américains, l'omniprésence parfois contre-productive des ONG, souvent plus intéressées par leur visibilité et par leurs opérations de prosélytisme que par l'aide humanitaire. J'ai constaté aussi les petites et grandes magouilles du petit peuple comme des grands dirigeants, la déconnexion entre une élite surscolarisée qui rêve de grandes réformes et un peuple qui survit au désespoir grâce à un mélange de foi aveugle en Dieu, de fatalisme bien naturel et d'humour bon enfant.

De Port-au-Prince à Vancouver

D'un avion à l'autre, je suis passé en quelques jours des ruines haïtiennes au faste des Jeux olympiques de Vancouver, où j'ai passé une semaine de vacances adorable.

Je me souviens, notamment, avoir dû recycler un peu de Pierre de Coubertin pour consoler ma fille, le soir où les frères

Hamelin ont fini quatrième et cinquième au Pacific Coliseum lors d'une compétition de patinage de vitesse sur courte piste.

Malgré un peu de slush au pied du mont Cypress et quoi qu'en aient dit les médias britanniques, qui ont parlé des « pires Jeux de l'histoire », Vancouver a vécu pendant deux semaines le plus gros party de son histoire.

La politique canadienne étant ce qu'elle est, on a eu droit à une controverse linguistique à cause du manque de français dans la cérémonie d'ouverture. Réactions typiquement canadiennes aussi : indignation au Québec, mélange d'indifférence et de mépris dans le reste du pays.

Il y a des choses que même l'esprit olympique n'arrivera pas à changer...

Retour à Port-au-Prince en passant par Ottawa et Québec

Avril, retour à Port-au-Prince, mais pas avant un détour par Ottawa et Québec, où les gouvernements Harper et Charest ont présenté des budgets lourds de conséquences pour les années à venir.

À Québec, le ministre Raymond Bachand a annoncé une « contribution santé » qui atteindra 100 $ par adulte en 2011 (200$ en 2012) en plus de confirmer la hausse de 1 % de la taxe de vente dès le 1er janvier.

À Ottawa, le ministre Jim Flaherty a quant à lui annoncé un gel des dépenses et des transferts aux provinces pendant cinq ans, ce qui aura nécessairement des répercussions sur les prochains budgets.

De mon deuxième séjour à Port-au-Prince, trois mois après le tremblement de terre, je garde le souvenir d'un chaos « presque normal », de la résignation du peuple et de l'appel vain du premier ministre Jean-Max Bellerive à la diaspora.

De Port-au-Prince à Johannesburg (en pensant à Toronto)

Juin et juillet : un autre bain de réalité bouleversante, en Afrique du Sud cette fois, à l'occasion de la Coupe du monde de soccer.

Lorsque je suis arrivé à Johannesburg, l'ambassade canadienne à Pretoria a insisté pour que je reçoive des instructions du responsable de la sécurité. Rien pour rassurer un étranger qui voyage pour la première fois dans ce pays notoirement violent.

Personne ne niera que l'Afrique du Sud compile depuis des années des statistiques peu enviables en matière de criminalité, mais la catastrophe appréhendée pendant le Mondial n'a pas eu lieu.

Au contraire, l'Afrique du Sud a montré, 20 ans après la fin de l'apartheid, qu'elle est capable de recevoir dignement le monde.

L'aventure a coûté cher, toutefois, à un pays qui a des besoins criants, et les exploits des dieux du ballon n'ont pas effacé les aspects troublants de ce pays, notamment le sida, les inégalités hallucinantes entre riches et pauvres et le sort pitoyable des réfugiés des pays limitrophes.

Malgré tout, j'ai eu le sentiment que l'Afrique du Sud, contrairement à Haïti, avait tout pour espérer un monde meilleur.

Des vacances...à Bastarache (et vers un automne gris, très gris)

Retour à mes moutons en août, la politique, au rythme du grand feuilleton télévisé de l'année au Québec : la commission Bastarache.

Un spectacle qui résume bien l'année politique québécoise : des doutes, des soupçons, des personnages de l'ombre tout à coup révélés au grand jour, des histoires de petites et de grandes influences et un premier ministre dans les câbles.

On remet ça en janvier, alors reposez-vous bien pendant la pause des Fêtes !