Amusons-nous un peu à refaire «avec des si» la dernière année politique, qui s'achève comme elle a commencé: dans les odeurs de corruption à Québec et en attente d'élections à Ottawa.

Il y a un an, Jean Charest était parti pour les vacances des Fêtes avec l'espoir que l'on parlerait d'autre chose que de l'industrie de la construction à son retour. Le scénario se reproduit cette année avec, vraisemblablement, le même résultat en janvier.

L'histoire se répète au point de devenir lassante. Visiblement, on tourne en rond au Québec, et la classe politique semble incapable d'offrir le renouveau qu'attentent les électeurs.

Ou, à défaut de renouveau, une autre option. En ce sens, le succès sur papier du «projet» de François Legault est révélateur.

Une question me turlupine depuis quelque temps: et si Mario Dumont était resté? Où en serait l'ADQ aujourd'hui?

Je ne remets pas en question la décision de Mario Dumont de partir après la gifle reçue il y a deux ans, évidemment. Je demande seulement s'il n'aurait pas pu, lui aussi, profiter d'une autre vie, comme Jean Charest l'a fait si souvent. Avec la débandade de Jean Charest, le taux de satisfaction de son gouvernement au fond du baril et Pauline Marois qui a du mal à s'imposer, le Québec est en panne de leadership.

Amir Khadir a gagné des points dans l'opinion publique, certes, mais les Québécois l'apprécient dans son rôle de mouche du coche. M. Khadir, c'est l'opposition ultime, pas un leader en réserve de la République. Mario Dumont, lui, est mieux connu des Québécois et, à supposer qu'il eût appris de ses erreurs, il aurait bien pu revenir en force. M. Dumont et son parti se sont plantés après les élections de 2007 dans le rôle de l'opposition officielle, mais les Québécois ont néanmoins gardé du respect et même une certaine affection pour le petit gars de Cacouna.

On a constaté par ailleurs, lors de l'élection partielle dans Kamouraska-Témiscouata, que l'ADQ n'est pas complètement morte dans certains coins du Québec.

La dernière campagne électorale aura été fatale pour Mario Dumont, mais il avait toutefois mis le doigt sur quelques douloureux bobos, comme les pertes de la Caisse de dépôt.

Aujourd'hui, personne ne serait mieux placé que lui pour houspiller le gouvernement, d'autant plus qu'il n'a pas, contrairement à Pauline Marois, un passé de gouvernement à défendre constamment.

Par ailleurs, il aurait été un partenaire incontournable pour quiconque aurait voulu se lancer sur la voie centre droit. Mais bon, avec des si...

Et puis j'ai croisé Mario Dumont récemment, et je vous confirme qu'il n'a aucune intention de revenir en politique.

Il n'existe peut-être pas de solution de rechange évidente dans le décor politique québécois, mais il y a certainement de l'appétit pour un nouveau menu politique.

Un autre «si», donc: et si Joseph Facal avait dit oui à François Legault?

On ne peut assurer que M. Facal aurait permis au groupe de son ancien collègue ministre de décoller, mais ce que l'on sait, c'est que son refus a plombé sérieusement l'initiative.

M. Facal ne voit pas les parts de marché réelles pour un nouveau parti comme celui-là. Il croit que le sommet de popularité atteint dans les sondages s'effondrera le jour où le groupe de M. Legault mettra son projet en forme, avec des mots et des chiffres.

On s'attend toutefois à une sortie publique de François Legault et de ses alliés en janvier.

Impossible de refaire la dernière année sans parler de

l'omniprésent sujet de la construction et de sa commission d'enquête qui ne viendra pas.

Et si Jean Charest avait institué une commission d'enquête, serait-il aujourd'hui en meilleure position?

Je me suis étonné ces derniers temps de lire les commentaires de spécialistes en gestion de crise qui disaient que M. Charest avait fait preuve de leadership en refusant à ses concitoyens ce qu'ils réclament. C'est à la fois paternaliste de dire au bon peuple qu'il ne comprend pas les enjeux et suicidaire politiquement que de lui tourner le dos avec une telle arrogance.

Une commission d'enquête aurait d'abord permis de démontrer que Jean Charest écoute la population, qu'il n'a rien à cacher ni peur des squelettes dans le placard et qu'il veut lui aussi assainir le climat.

Cela aurait également permis de relâcher la pression en plus de détourner les questions embêtantes pour un bon moment puisque le gouvernement aurait pu s'en remettre à la Commission.

D'un autre côté, on peut comprendre les réticences de Jean Charest.

Si - le dernier si de cette chronique - Jean Charest n'avait pas créé la commission Bastarache, les Franco Fava et Charles Rondeau seraient restés là où ils ont oeuvré toute leur vie en politique: dans l'ombre. Idem pour Chantal Landry, une loyale militante libérale qui se serait sans doute passée de toute l'attention reçue en 2010.