Farouche nationaliste, fier batailleur parfois un peu soupe au lait, qui a toujours mis les intérêts de sa province devant toute autre considération, il a annoncé hier son retrait de la politique.

Non, non, Gilles Duceppe est toujours chef du Bloc. Je parle de Danny Williams, le bouillant premier ministre de Terre-Neuve, qui quittera son poste le 3 décembre après sept ans de règne.

Danny Williams, avec ses nombreux coups de gueule et ses envolées contre le Québec, n'a pas laissé beaucoup de souvenirs heureux au sud du Labrador.

Vrai, ses excès de langage dépassaient les bornes et ont nui aux relations entre les deux provinces et avec le gouvernement fédéral.

Cela dit, peut-on, nous Québécois, reprocher à un premier ministre de défendre les intérêts économiques de sa province, de chercher à améliorer le sort de son monde, de contourner un voisin trop puissant et de tenir tête à Ottawa?

M. Williams avait une dent contre le Québec, c'est indéniable. Comme ses concitoyens, il en a contre l'entente de 1969 qui permet au Québec, jusqu'en 2041, d'acheter l'électricité du Haut-Churchill pour une bouchée de pain et la revendre avec profit. M. Williams affirme que le Québec a fait plus de 19 milliards de profit grâce à ce mauvais deal, contre seulement 2 milliards pour Terre-Neuve.

Amer, M. Williams a accusé récemment le Québec d'être un «voleur de grand chemin». M. Williams était furieux après avoir appris que Québec demandait à Ottawa de ne pas financer le mégaprojet de Terre-Neuve et de la Nouvelle-Écosse. La lettre secrète, envoyée au premier ministre Harper, s'était retrouvée entre les mains de M. Williams, déclenchant ainsi une prévisible colère.

La hargne contre le Québec s'est encore amplifiée ces dernières années, Danny Williams affirmant que l'appétit d'Hydro-Québec bloquait le développement hydroélectrique du Bas-Churchill. Il a donc décidé de contourner le Québec en construisant, avec la collaboration de la Nouvelle-Écosse, un coûteux réseau de transport d'électricité sous-marin.

En annonçant la semaine dernière ce coup fumant (le dernier de sa carrière de premier ministre), M. Williams a précisé, triomphalement, que «le Québec ne déterminera désormais plus le sort de Terre-Neuve-et-Labrador».

«Mon plus grand défi avec Danny Williams, m'a récemment dit Jean Charest, c'est de ne pas lui répondre!» Les deux hommes n'entretenaient pas des relations chaleureuses, ce qui est ironique puisque Danny Williams a déjà été l'organisateur de Jean Charest à Terre-Neuve lorsque ce dernier était chef du Parti conservateur fédéral.

S'il aimait bien détester le Québec avec une passion particulière, Danny Williams montrait la même fougue envers quiconque menaçait les intérêts de sa province. Parlez-en à Stephen Harper, qui a perdu en 2008 ses trois députés sur le Rock après une virulente campagne ABC (Anything But Conservative) menée par Danny Williams.

La solidarité entre conservateurs de St. John's et d'Ottawa a pris le bord lorsque Stephen Harper est revenu sur sa promesse d'exclure les ressources naturelles du calcul de la péréquation.

Là encore, la grogne du premier ministre terre-neuvien contre le gouvernement fédéral n'est pas exclusive aux conservateurs. Avant Stephen Harper, Paul Martin a goûté lui aussi à la médecine de Danny Williams.

Lors d'une rencontre fédérale-provinciale sur la santé et la péréquation, à Ottawa en 2004, Danny Williams et Paul Martin en étaient presque venus aux coups lors d'un échange épicé devant leurs collègues provinciaux. L'engueulade a été violente, raconte-t-on, laissant fuser autant de «f... you» et de «f...... bastard» que dans un film de Quentin Tarantino.

Même Sir Paul McCartney et son ex-femme, Heather Mills, se sont fait passer un savon par Danny Williams, en 2006, dans un débat sur la chasse au phoque à l'émission de Larry King sur CNN.

«Pourquoi n'allez-vous pas où on abat des boeufs, des poulets et des agneaux?» leur a-t-il demandé, avant d'ajouter: «Ils ne font pas de photo avec des poulets, ça ne fait pas de belles photos promotionnelles. Et les cochons ne font pas de très belles photos non plus.»

Après cet accrochage, Danny Williams avait expliqué qu'il n'allait certainement pas laisser la notoriété de Sir Paul éclipser la vérité sur la chasse au phoque.

M. Williams est le deuxième premier ministre provincial à tirer sa révérence en quelques semaines. Mais contrairement à Gordon Campbell en Colombie-Britannique, M. Williams part au sommet de sa gloire, après avoir annoncé l'entente historique avec la Nouvelle-Écosse.

Voilà matière à réflexion pour leurs collègues (Jean Charest, par exemple...): il est plus glorieux de partir de son propre chef que de se faire montrer la porte par son parti ou par ses concitoyens.