La dernière fois que nous nous sommes collectivement excités à ce point pour un mélodrame dont la fin était connue d'avance, c'était pour le film Titanic. Et dans ce cas-là, au moins, le couple DiCaprio-Winslet était beaucoup plus touchant que le duo Charest-Marois.

Non seulement le résultat de la motion de censure présentée hier par l'opposition officielle était entendu, mais le débat qui a précédé le vote n'aura pas permis d'entendre d'arguments neufs de part et d'autre.

Franchement, ça commence à tourner un peu en rond, cette histoire. L'opposition accuse le gouvernement de fermer les yeux sur la corruption endémique au Québec et réclame une enquête publique; le gouvernement répond que la police fait son travail et refuse d'ordonner une telle enquête.

Pauline Marois doit maintenir la pression et Jean Charest ne peut plus reculer. Cul-de-sac... Comme notre sondage CROP le démontre, aucun des chefs n'inspire confiance à une majorité de Québécois pour faire le ménage, mais Jean Charest et Pauline Marois ont néanmoins l'appui de leurs sympathisants, ce qui les confortera dans leur position respective.

On le savait déjà et on l'a bien constaté une fois de plus hier, Jean Charest a résolument fait le pari que le temps finira par lui donner raison en chassant ces histoires embarrassantes.

Jean Charest peut-il, encore une fois, s'en sortir? Si le passé récent est garant du proche avenir, rien n'est moins sûr. Une forte proportion de Québécois (65%, selon CROP) veut toujours une commission d'enquête et ce chiffre ne diminuera vraisemblablement pas tant que de nouvelles révélations feront surface.

Il ne reste que trois semaines avant la longue pause des Fêtes et, d'ici là, trois événements importants sur la scène politique provinciale pourraient, si les astres sont favorables, avantager Jean Charest.

D'abord, les députés de l'Assemblée nationale pourraient finalement adopter, au cours des prochains jours, le fameux code d'éthique des élus tant attendu. Premier effet: Jean Charest perdra son supplément salarial annuel de 75 000$ versé par son parti et, par le fait même, ce lourd boulet qu'il traîne depuis des années. Le code interdira ce genre de pratique et imposera une plus grande transparence aux députés, notamment à ceux qui ont des entreprises (interdiction pour ces entreprises de faire affaire avec le gouvernement) ou des revenus autres.

Deuxième événement de cette séquence: l'élection partielle dans Kamouraska-Témiscouata, lundi prochain. On l'a dit et redit depuis quelques jours: si les libéraux réussissent à conserver cette circonscription, ce sera une épaisse couche de baume sur un automne de misère.

Or pour avoir passé cette semaine deux jours dans la circonscription, je peux vous dire que les affaires de corruption et l'hypothétique commission d'enquête ne figurent pas, loin s'en faut, en tête de liste des préoccupations des électeurs. En fait, j'ai entendu parler 10 fois plus souvent de l'interdiction de circuler en motoneige sur les terres des agriculteurs que des «affaires» qui font les manchettes depuis des mois.

Le Parti québécois a misé sur la grogne des électeurs contre les libéraux, mais j'ai rencontré bien des électeurs du coin sensibles à l'argument du camp libéral, soit «continuer le bon travail de Claude (Béchard)».

Du côté du PQ, tous les députés, organisateurs et proches de Pauline Marois croisés dans Kamouraska-Témiscouata et à Québec cette semaine cherchaient à expliquer une possible défaite... avant le vote. Habituellement, ce n'est pas bon signe.

Cela dit, rien n'est joué et les libéraux pourraient laisser échapper ce château fort, ce qui leur ferait nécessairement mal.

Troisième acte du scénario idéal pour Jean Charest: une ou deux arrestations spectaculaires par l'escouade Marteau, juste avant les Fêtes, une possibilité évoquée il y a quelques jours par le directeur des poursuites criminelles et pénales, Louis Dionne. Un méchant amené au palais de justice, menottes aux poings et la mine sombre, ça fait toujours son effet.

Il s'agit toutefois d'une arme à double tranchant. Dans le climat actuel, il faudrait arriver avec un gros «poisson», pas un «méné», ce qui serait contre-productif dans l'opinion publique.

Rappelez-vous les commandites: on en a appris des vertes et des pas mûres à la commission Gomery. On attend toujours, par contre, l'arrivée des vrais filous au palais de justice...