Épicentre de la crise politique qui secoue le Québec depuis des mois, l'Assemblée nationale connaîtra une forte réplique demain avec le vote de défiance présenté par l'opposition officielle.

Un autre point chaud, situé à environ 150 km à l'est de la capitale, pourrait toutefois provoquer quelques autres secousses, lundi prochain, jour d'élection partielle dans la circoncription de Kamouraska-Témiscouata. Et cette fois, ce n'est pas nécessairement le gouvernement Charest qui sortira le plus ébranlé de cet exercice.

On l'entendait depuis quelques jours aussi bien chez les libéraux que chez les péquistes, et notre sondage CROP vient le confirmer: malgré tous les problèmes qui affligent les libéraux depuis des mois, la lutte est extrêmement serrée dans cette circonscription, orpheline depuis la mort de Claude Béchard. Au point que la candidate libérale, France Dionne, pourrait remporter la mise devant le péquiste André Simard.

Au vu des chiffres du sondage CROP, on comprend mieux l'inquiétude manifeste dans les rangs péquistes ces jours-ci. Le vote de lundi constitue un test crucial pour Pauline Marois.

Question de minimiser les attentes, les péquistes répètent qu'ils n'ont pas gagné cette circonscription depuis plus de 25 ans, mais, dans les circonstances, dans ce climat pourri pour le gouvernement Charest, échapper ce coin francophone serait un coup dur pour le PQ. Les péquistes affirment aussi que le souvenir de Claude Béchard, l'enfant chéri de l'endroit mort en septembre, est encore bien présent et joue contre eux.

Une défaite lundi serait moins dommageable pour Jean Charest. D'abord, ce ne serait pas très étonnant dans les circonstances, et puis le premier ministre pourrait toujours donner l'explication classique en cas de défaite dans les partielles: il s'agit d'un vote de protestation contre le gouvernement rendu à mi-mandat et nous prenons acte.

La surprise de notre sondage, le «joker», c'est l'ADQ, qui semble loin d'être morte en cette terre si fertile il y a quelques années à peine. Sur le «terrain», dans les rues et les magasins, parmi les quelques électeurs croisés ici et là, plusieurs disaient vouloir donner une chance au parti de Gérard Deltell et à son candidat, Gérald Beaulieu.

«C'est une lutte à deux», affirmait hier après-midi un organisateur péquiste au quartier général du PQ, rue Painchaud, à La Pocatière. Une lutte à deux pour gagner la circonscription, sans doute, mais l'ADQ semble en position de brouiller les cartes, et c'est surtout au PQ que cela fait mal, comme l'indique le coup de sonde de CROP.

L'ADQ visait 15%, mais son score pourrait bien être plus élevé, signe tangible de la grogne des électeurs contre les deux principaux partis.

L'enjeu de cette élection partielle, on le voit, est grand pour les trois partis et la bisbille des dernières heures entre le PLQ et le PQ illustre la tension entre ces deux partis.

Sur place, toutefois, l'élection ne soulève guère les passions. Au bureau de vote par anticipation de La Pocatière, hier en fin d'après-midi, on avait trop des doigts d'une seule main pour compter les électeurs présents.

Dans les locaux électoraux du PQ et du PLQ, on ne sentait pas non plus la frénésie propre aux opérations «sortie de vote», même si c'était jour de vote par anticipation hier.

Au siège du PQ, seulement trois personnes montaient la garde vers 16h (aucun bénévole au téléphone). Il faut dire que les militants et les organisateurs étaient occupés hier par la visite de leur chef, à Saint-Alexandre.

En face, chez les libéraux, une bonne dizaine de militants et d'organisateurs s'activaient.

Lundi, la «machine» des partis pourrait faire la différence et, généralement, les libéraux ont l'avantage à ce chapitre. Ceux-ci ont déjà tout mis en oeuvre pour que les personnes âgées vivant dans les centres d'accueil de cette immense circonscription puissent voter par anticipation.

Cela dit, rien n'est joué. Le fort taux d'insatisfaction des électeurs à l'endroit du gouvernement Charest pourrait inciter des sympathisants libéraux à rester à la maison, lundi. Lors d'une visite récente dans la circonscription, le premier ministre a été hué par des membres de l'Union des producteurs agricoles, frustrés par le resserrement de 25% du régime d'assurance stabilisation des revenus agricoles (un des enjeux chaudement débattus ici, avec la survie de la circonscription sur la nouvelle carte électorale).

L'hiver, déjà bien installé ici, pourrait aussi faire baisser le taux de participation.

La neige, le vent et la pluie verglaçante des derniers jours n'empêchera toutefois pas une lourde circulation en provenance de Québec au cours des prochains jours.

Jeudi, tout de suite après la période des questions à Québec, Pauline Marois débarquera dans la circonscription avec tout son caucus.

Les libéraux, de leur côté, attendent une dernière visite de Jean Charest dimanche, veille du scrutin.