Comme bien d'autres parents d'enfants diabétiques, Carole Castonguay a été ravie de lire, en mai dernier dans La Presse, que le ministre de la Santé du Québec, Yves Bolduc, voulait lancer dès le début de 2011 un programme de remboursement des pompes à insuline.

Mme Castonguay est la maman d'une ado de 16 ans, Clara, qui doit s'injecter de l'insuline quatre fois par jour pour maîtriser son diabète de type 1. Elle est, selon son endocrinologue, la candidate idéale pour la pompe.

Comme ce petit appareil coûte au bas mot 7000$ (plus environ 300$ de matériel par mois), l'entrée en vigueur prochaine d'une couverture publique, comme cela se fait dans la majorité des provinces canadiennes ainsi qu'en France, tombait à point pour Carole Castonguay.

Malheureusement, il semble que nous soyons encore loin d'un tel programme au Québec. Après être entrée en contact avec le bureau du ministre, sa demande a été prestement retournée au bureau de la circonscription de son député (le libéral Henri-François Gautrin) où on lui a expliqué qu'aucun programme n'était prévu.

L'attaché politique du député, Michel L'Heureux, a d'abord félicité Mme Castonguay pour la qualité de son courriel au ministre et l'a assurée que M. Gautrin, qui compte lui-même des cas de diabète dans sa famille, était très sensible à sa cause.

Il lui a aussi dit avoir reçu un téléphone du cabinet du ministre dans l'heure suivant la réception du courriel.

Les nouvelles, toutefois, n'étaient pas bonnes. En gros, le cabinet disait que le journaliste de La Presse (c'est moi, ça) a mal compris les propos du ministre, que rien n'était prévu pour un programme de remboursement et que son seul engagement visait le projet-pilote (qui finit en décembre).

Pour la petite histoire, j'ai, à sa demande, rencontré le ministre Bolduc à son bureau de Montréal pendant près de deux heures dans la semaine du 23 mai. Une rencontre cordiale et même fort agréable au cours de laquelle il m'a indiqué vouloir mettre sur pied un programme pour les pompes à insuline. Cette rencontre suivait la publication d'un long texte sur l'histoire d'une maman, Sonia Bergeron, qui implorait l'aide de Québec pour remplacer la pompe de son fils de 10 ans.

Précision: si le ministre n'a pas l'intention de lancer un programme public de pompes, ce n'est pas que j'ai mal compris, c'est qu'il s'est mal exprimé. Ou qu'il a changé d'idée.

J'ai donc vérifié de nouveau auprès du cabinet du ministre Bolduc qui me confirme que rien n'est décidé pour le moment, mais que l'on voudrait bien aller dans cette direction.

«On ne peut pas dire pour le moment si on ira de l'avant», explique Karyne Rivard, attachée de presse du ministre.

Pour les parents d'enfants atteints du diabète, c'est le festival de l'improvisation. Celui de la frustration, aussi.

C'est aussi au cabinet du ministre Bolduc que l'on m'assurait, avec insistance, que Sonia Bergeron avait obtenu une pompe pour son fils Samuel par l'entremise du programme pilote du gouvernement, ce qui est totalement inexact. «C'est faux, ils disent n'importe quoi, j'ai eu la pompe neuve grâce à la générosité de fondations de ma région, j'ai les factures pour le prouver», rétorque Mme Bergeron, visiblement renversée par les affirmations du bureau du ministre.

Ce que Mme Bergeron a obtenu toutefois, après publication de ses mésaventures dans La Presse, c'est le matériel gratuit (autour de 300$ par mois).

«Je suis bien heureuse pour Samuel et moi, mais comment ça marche pour tous les autres?» demande-t-elle.

Carole Castonguay a aussi fini par obtenir gain de cause. À force de poser des questions et d'envoyer des courriels (avec mon nom en cc), sa fille est finalement devenue admissible à une pompe qu'elle obtiendra par l'entremise de l'hôpital Sainte-Justine.

Je suis bien heureux pour elle et pour Mme Bergeron (en fait, surtout pour leur enfant), mais je ne suis pas ombudsman au ministère de la Santé! (Au fait, Mme Castonguay a aussi écrit à la critique du Parti québécois, Agnès Maltais, mais elle n'a même pas reçu d'accusé de réception.)

Nous nageons ici en pleine confusion, au cas par cas, exactement ce que je dénonçais il y a six mois. Exactement ce que voulait corriger le ministre lorsqu'il m'a rencontré à cette époque. Faut-il rappeler qu'il est question ici de la vie d'enfants et non d'un traitement cosmétique accessoire?

«J'ai presque l'impression qu'on tente de régler la chose ainsi afin de me faire taire, déplore Carole Castonguay. Ce que je demande, ce n'est pas seulement une pompe pour ma fille, mais bien un programme de remboursement qui permette à tous les enfants qui en ont besoin d'être remboursés.»

Coincés entre des parents désespérés et le ministère de la Santé, les médecins spécialisés dans le traitement du diabète ont la désagréable impression que le gouvernement essaie d'«acheter du temps» et qu'on leur refile les cas les plus délicats, au fur et à mesure, pour étouffer la colère.

Il est tout de même curieux, en effet, que Clara ait obtenu une pompe dans le cadre d'un projet-pilote qui finira dans quelques semaines. Veut-on un programme universel ou seulement prolonger le projet-pilote... et le régime d'improvisation qui prévaut en ce moment par le fait même?

En 2002, Diabète Québec estimait que de 5 à 10% des 50 000 personnes atteintes de diabète de type 1 pourraient utiliser une pompe à insuline, ce qui se traduirait par des dépenses d'environ 20 millions par année pour Québec.