Depuis qu'ils sont au pouvoir - soit depuis presque cinq ans -, les conservateurs de Stephen Harper ont toujours maintenu la même inflexible position quant au sort d'Omar Khadr: le jeune homme, tout citoyen canadien soit-il, est accusé de crimes graves par les États-Unis et il doit être jugé par ce pays.

Pas question, donc, de rapatrier le jeune homme au Canada malgré les décisions des tribunaux canadiens qui ont condamné sa détention à Guantánamo et la façon dont ses accusateurs ont obtenu ses aveux.

On peut s'offusquer de la position du gouvernement canadien, mais on ne pourra l'accuser d'entretenir le flou.

Sauf que cette position vient de perdre toute cohérence. Que le gouvernement Harper tienne mordicus à ce qu'Omar Khadr soit jugé par les États-Unis pour les crimes dont ils l'accusent, soit. Cela contrevient à l'esprit des jugements canadiens qui affirment que les droits fondamentaux du jeune Canadien d'origine égyptienne ont été violés, mais politiquement, au Canada, les conservateurs estimaient que leur position tenait la route.

Cette position dérape à partir du moment où on parle d'une entente à l'amiable qui enverrait le jeune Khadr en prison pour un nombre X d'années. S'il y a entente entre les avocats d'Omar Khadr et les Américains, si on détermine une période d'emprisonnement, c'est donc, nécessairement, qu'il aura été jugé.

Il n'est pas question maintenant, comme ce fut le cas dans certains scénarios passés, de rapatrier Omar Khadr et de le juger au Canada ou de le réintégrer dans la société puisqu'il était mineur au moment de son arrestation.

Hier encore, le porte-parole du premier ministre, Dimitri Soudas, a dit ceci à ma collègue Malorie Beauchemin: «Omar Khadr fait face à de sérieuses accusations. Ces accusations devront être traduites en justice aux États-Unis étant donné que ce sont les accusations du gouvernement américain. Il n'y a pas d'entente.»

Il va falloir changer de cassette. Une entente semble en effet possible, à la satisfaction du gouvernement américain, qui voudrait bien régler ce dossier, et des avocats d'Omar Khadr, qui accepteraient une peine et un transfert au Canada.

Le problème est là, précisément: le gouvernement Harper ne veut rien savoir de rapatrier son ressortissant, le dernier ressortissant occidental encore emprisonné à Guantánamo.

En 2009, la Cour fédérale avait ordonné au gouvernement de demander le rapatriement du citoyen canadien, une décision que la Cour suprême a «adoucie» en janvier dernier.

Le plus haut tribunal du pays a estimé que les droits de M. Khadr avaient effectivement été violés et a suggéré qu'un rapatriement pourrait défendre ses droits bafoués depuis son arrestation en 2002, notamment à cause des mauvais traitements et de la torture subis aux mains de ses geôliers.

La Cour suprême n'a toutefois pas ordonné le rapatriement parce qu'elle ne s'estimait pas compétente en matière de relations étrangères (du Canada avec les États-Unis, dans le cas présent).

On sait que le président Obama voudrait fermer Guantánamo et qu'Ottawa lui enlèverait une épine au pied en accueillant le jeune Khadr dans une de ses prisons. Si Stephen Harper refuse obstinément de le faire, c'est pour des motifs purement idéologiques et électoralistes. Il faut rappeler que c'est ce même gouvernement qui a changé les règles pour étudier dorénavant «au mérite» les demandes de rapatriement des citoyens canadiens condamnés à l'étranger. Même au mépris du droit et des traités internationaux.

Encore récemment, le député conservateur Steven Blaney a répété sur les ondes de Radio-Canada que l'«âge de Khadr au moment des faits n'a pas d'importance».

C'est désespérant. Est-ce qu'un prof de droit international pourrait faire oeuvre utile et offrir, de toute urgence, un bon briefing aux députés conservateurs?

Ils ne changeront pas d'idée (de toute façon, ce n'est pas leur idée, c'est celle de leur patron, et les libres penseurs ne sont pas tolérés dans ce gouvernement). Mais, au moins, ils ne pourraient plus continuer de répéter des énormités en toute impunité.

Ils devront alors dire ce qui est évident pour tout le monde depuis longtemps: ils ne veulent rien savoir de rapatrier Omar Khadr, point.

De là, on pourra aussi juger de la réponse des partis de l'opposition.