Si Jean Charest est sérieux lorsqu'il affirme qu'il veut briguer un quatrième mandat, ce qui, selon des libéraux généralement bien informés, est bien le cas, le départ de Jacques Dupuis pourrait marquer la première étape d'une nécessaire rénovation de l'image de ce gouvernement usé par des mois de controverses.

Jacques Dupuis était certes un parlementaire redoutable, mais il projetait aussi l'image d'intransigeance que l'on reproche souvent à ce gouvernement. C'est lui qui a dû rejeter pendant des mois les demandes de l'opposition en faveur d'une commission d'enquête sur le milieu de la construction.

Cabotin et partisan à l'extrême, ses contre-attaques étaient aussi prévisibles dans leur forme que navrantes dans leur contenu. Pour quiconque suit le moindrement les débats politiques québécois, son visage était devenu synonyme de querelle et d'engueulade à l'Assemblée nationale. Évidemment, «il faut être deux pour danser», comme le veut l'expression, et l'opposition préfère la mitrailleuse à la dentelle. Cela dit, Jacques Dupuis n'a pas souvent contribué à élever le débat.

Traînait aussi dans le décor, quoi qu'en dise l'ex-ministre de la Sécurité publique, cette étrange histoire de rencontre avec le patron de l'agence de sécurité BCIA, Luigi Coretti, qui souhaitait obtenir un permis de port d'arme, un privilège que lui refusait la SQ et qu'il a obtenu après cette rencontre. Le moins que l'on puisse dire, c'est que, pour un ministre de la Sécurité publique, écouter les doléances d'un homme qui veut se balader avec une arme à feu constitue une sérieuse erreur de jugement.

Mine de rien, c'est le troisième ministre du gouvernement Charest qui démissionne ou se fait virer après avoir été éclaboussé par des controverses. Il y a 11 mois, David Whissell a été forcé de choisir entre ses parts dans l'entreprise familiale d'asphaltage et son poste de ministre; Tony Tomassi a été expulsé en mai pour avoir obtenu des privilèges d'une entreprise privée.

Pour Jean Charest, c'est le moment parfait de calmer le jeu à l'Assemblée nationale, devenue une véritable pétaudière depuis quelques mois, en nommant un nouveau leader parlementaire moins hargneux. Mais voici surtout pour le premier ministre une occasion en or de remodeler en profondeur un conseil des ministres malmené au cours de la dernière session.

Pour ce faire, M. Charest aurait tout intérêt à élargir sa réflexion et à songer à de nouvelles responsabilités pour des ministres sous-performants ou usés, en particulier Michelle Courchesne, Yves Bolduc, Julie Boulet et Norm MacMillan. Dans le caucus libéral, de nombreux députés rongent leur frein depuis des années en attendant l'appel du «bunker».

Le jeu de chaises s'annonce peut-être difficile (tout remaniement est toujours une opération délicate, voire déchirante), mais la ligne directrice que doit suivre le premier ministre, elle, est aussi simple qu'évidente. «It's the economy, stupid!» comme l'avait décrété le stratège démocrate James Carville lors de la campagne présidentielle qui allait porter Bill Clinton à la Maison-Blanche en 1992.

On parlera beaucoup de remaniement, de jeux de coulisses et de petite politique d'ici au remaniement et à la rentrée parlementaire, mais la vraie nouvelle, qui est aussi la planche de salut de Jean Charest, c'est la force de l'économie au Québec. Les rumeurs de remaniement font les manchettes mais, pour le «monde ordinaire», cette petite nouvelle cachée dans La Presse Affaires de samedi est 100 fois plus importante: «L'emploi atteint des sommets au Québec», pouvait-on lire au-dessus d'un tout petit texte annonçant la création de 33 000 emplois au Québec en juin et le recul du taux de chômage à 7,8%.

Les «vraies affaires», c'est ça. Parlez-en à Barack Obama, qui bénéficiait il y a quelques mois d'une cote d'amour dont n'a jamais pu rêver Jean Charest, mais qui se fait maintenant tirer vers les abysses par le marasme économique qui perdure aux États-Unis

C'est sur l'économie que Jean Charest peut construire sa prochaine campagne électorale, qui pourrait venir, mine de rien, dans moins de deux ans (soit deux budgets).

Pour le renouveau du Parti libéral, toutefois, il faudra repasser. Jean-Marc Fournier a un bon bagage d'expérience, mais il n'incarne pas précisément la «relève».

Il traîne en outre dans ce bagage un morceau embarrassant. En tant qu'ex-conseiller de Michael Ignatieff, il se fera reprocher par l'opposition péquiste (de même que dans son propre parti) l'appui de son ancien patron au projet conservateur de commission fédérale des valeurs mobilières, projet unanimement décrié par l'Assemblée nationale.

C'est peut-être pour prévenir les coups que Jean-Marc Fournier a dit, dans son petit laïus d'hier: «Les mésententes sont normales dans une fédération et il faut plutôt s'attarder aux points communs.»

Nice try, comme on dit à Ottawa...