Petite question quiz: selon vous, combien d'organisations non gouvernementales (les fameuses ONG) ont débarqué en Haïti pour soutenir la méga-opération d'aide humanitaire après le 12 janvier?

Réponse: il y a plus de 900 ONG enregistrées en Haïti, des plus grandes comme la Croix-Rouge aux plus obscures missions chrétiennes, sans aucune réelle coordination ni communication entre elles, ce qui ne fait qu'accentuer la confusion.

 

Une dépêche de presse a annoncé hier que l'ONU demanderait à Bill Clinton d'être le grand responsable de l'aide humanitaire en Haïti.

Une rumeur dans les milieux diplomatiques et internationaux ici veut par ailleurs qu'un mandat de représentant spécial de l'ONU pour Haïti soit confié au président brésilien Lula da Silva. Celui-ci termine bientôt son deuxième mandat et ne peut en solliciter un autre, ce qui le rend disponible pour une telle tâche. Il est respecté sur la scène internationale et encore plus dans la famille des Amériques, qui comprend évidemment Haïti.

Peu importe qui prend le leadership ici, ça presse! Et pas seulement une grosse huile pour faire des photo-ops à l'aéroport de Port-au-Prince, mais aussi une véritable coordination sur le terrain. On sait, l'a-t-on suffisamment démontré, que cela ne passera pas par le gouvernement haïtien, complètement incompétent.

Le Parlement haïtien a d'ailleurs rédigé ces derniers jours un rapport provisoire condamnant l'incurie du gouvernement dans cette crise, lui reprochant même de l'avoir aggravée par son manque de leadership. Les parlementaires condamnent en plus la pratique du parti du président d'utiliser des candidats clairement identifiés dans des opérations de distribution de vivres. Comme si Lucien Bouchard avait mobilisé les jeunes péquistes pour apporter des chandelles et des couvertures aux foyers privés de courant pendant le grand verglas de 1998...

Pour le moment, à Port-au-Prince, c'est le royaume du n'importe quoi en matière d'aide. Non pas que certaines ONG - les grosses, essentiellement, comme la Croix-Rouge - n'accomplissent pas un travail utile, héroïque même, mais pour le reste, nous nageons en pleine improvisation. Le nombre absolument surréaliste d'ONG explique en grande partie ce bordel. Neuf cents! Et pas toutes des pros de la distribution, évidemment. Ces gens-là veulent aider, bien sûr, mais ils n'ont aucune idée par où commencer et comment s'y prendre. Trop, c'est comme pas assez.

C'est comme la fameuse règle en sécurité nautique: si vous ne savez pas nager et que vous vous jetez à l'eau pour sauver une personne en détresse, il y aura deux morts au lieu d'un.

«Franchement, il y a trop d'ONG sur le terrain, tranche Jean-Pierre Taschereau, responsable des opérations de la Croix-Rouge internationale en Haïti. Tellement que les plus petites empêchent parfois les plus grosses de faire leur travail. Elles veulent aider, mais elles ne savent pas toutes ce qu'elles doivent faire.»

C'est vrai que c'est la cour aux miracles ici. En particulier avec les très nombreuses organisations chrétiennes, omniprésentes en Haïti. Évidemment, le terreau est fertile.

Dans le vol Miami-Santo Domingo (République dominicaine), la semaine dernière, tout juste à côté de moi, un pasteur de l'Ohio et un responsable d'une ONG chrétienne du Minnesota échangeaient sur leurs projets respectifs en Haïti. Ils sont des centaines à converger ainsi vers Haïti, terre de dévots.

Quelques heures plus tard, dans le hall de mon hôtel de Santo Domingo, le Noir baraqué au comptoir près de moi me disait vaguement quelque chose. Je l'avais vu quelques fois sur CNN. C'est Cecil Wallace, ancien vice-président aux opérations de la dernière campagne présidentielle du républicain John McCain aux États-Unis.

M. Wallace travaille maintenant avec l'organisation Relief International, une ONG américaine située à Washington.

- Vous allez faire quoi en Haïti? lui ai-je demandé.

- On s'en va aider. Venez nous voir sur place, il est très important que nous rendions publiques nos actions et que tout le monde sache qui nous sommes, m'a-t-il répondu.

Je ne suis pas encore allé le voir. Et je n'irai pas.

Pas le temps. J'ai mieux à faire ici que de répandre la bonne nouvelle des ONG en manque de visibilité. Elles ont leurs beaux 4x4 blancs pour flasher.