La nouvelle avait déjà fait très mal l'an dernier. Sa confirmation, chiffres de péréquation à l'appui, ne la rendra pas plus agréable cette année: l'Ontario est officiellement une province «pauvre».

La province la plus peuplée du Canada avait basculé dans le club des «assistées fédérales» l'an dernier, mais, avec de modestes paiements de péréquation de 347 millions, elle pouvait espérer n'avoir qu'une carte de membre temporaire.

 

Son statut de province pauvre ne fera toutefois que se confirmer en 2010-2011, avec près de 1 milliard de dollars de péréquation, soit trois plus qu'en 2009-2010. Un milliard, c'est encore bien loin des 8,5 milliards qu'encaissera le Québec l'an prochain, mais c'est tout de même 300 millions de plus que les estimations des économistes.

Non seulement l'Ontario touche plus de péréquation, mais il est tombé dans l'indigence «péréquationnelle» un an plus tôt que prévu. En 2008, les économistes du secteur privé et du fédéral s'attendaient à voir l'Ontario recevoir de la péréquation en 2010-2011 seulement.

Terriblement techniques, les calculs de péréquation. Et ennuyeux à souhait, à moins de garder des traités de trigonométrie sur sa table de chevet. Il s'agit toutefois d'une mesure fiable de la situation économique des provinces et, par ricochet, d'un baromètre des rapports de force entre les provinces, d'une part, et entre le gouvernement fédéral et elles, d'autre part.

Pour paraphraser une célèbre publicité québécoise, la péréquation, ça ne change pas le monde, sauf que... Sauf que, si l'Ontario confirme sa présence dans le «club des pauvres», c'est nécessairement une mauvaise nouvelle pour le Canada, dont il est, encore et toujours, le moteur industriel.

Politiquement, les paiements de péréquation à l'Ontario risquent de relancer des débats difficiles sur la scène nationale. D'abord parce que l'Ontario estime être traité injustement, lui qui affirme verser beaucoup plus au Canada que ce qu'il en retire. Le passage de la province au statut de «pauvre» fait d'autant plus mal à nos voisins ontariens qu'ils ont l'impression d'avoir contribué plus que quiconque au bien-être collectif du Canada.

Le premier ministre ontarien, Dalton McGuinty, a fait de cette «injustice» l'un de ses principaux chevaux de bataille dans les dernières années. Il critique par ailleurs la méthode de calcul, qui, selon lui, désavantage sa province.

La confirmation de l'entrée de Terre-Neuve dans le club des provinces «riches» - elle qui était historiquement abonnée à l'aide de la péréquation - change aussi la donne politique. Le premier ministre terre-neuvien, Danny Williams, entretient des relations difficiles avec le gouvernement de Stephen Harper. Il a aussi pris Québec en grippe depuis qu'Hydro-Québec a acheté Énergie Nouveau-Brunswick.

Une province «riche» a nécessairement plus d'autonomie face à Ottawa. Et parfois moins de solidarité avec les autres provinces. Difficile, par exemple, pour l'Alberta de supporter les remontrances environnementales des autres provinces - à commencer par le Québec - lorsqu'on sait que l'industrie pétrolière de cette province de l'Ouest contribue largement à la richesse du pays.

Au moment où toutes les provinces, y compris la riche Alberta, doivent faire des choix difficiles dans leurs propres finances, certaines rechigneront à l'idée de financer chez les autres des programmes qu'elles jugent trop généreux, comme des droits de scolarité peu élevés et des garderies subventionnées.

Les plus récentes prévisions d'Ottawa sont plutôt positives pour Québec, qui touchera 8,5 milliards en péréquation en 2010-2011, et non pas 8,2 milliards, comme le craignait le ministre des Finances, Raymond Bachand, fin octobre.

Cela dit, on peut s'attendre à de nouvelles querelles sur la méthode de calcul, car Québec s'estime aussi lésé par rapport à l'Ontario, notamment.

Une belle occasion de réapparaître pour Gilles Duceppe, invisible depuis le début de 2010.

Le hic, c'est que les débats prébudgétaires se déroulent en privé autour de tables rondes organisées partout au pays par le ministre des Finances, Jim Flaherty, plutôt qu'au Parlement, que les conservateurs ont fermé jusqu'en mars.