Le génial Gable a tout résumé, en une caricature toute simple, hier, dans The Globe and Mail.

Devant la grande salle à manger de Stornoway, Michael Ignatieff donne ses instructions à une domestique en train de monter la table du repas de l'Action de grâce organisé pour le Parti libéral: «Couverts en plastique.»

Un chef libéral parano devant ses propres troupes, ça ne vous rappelle pas quelque chose? Eh oui, Stéphane Dion, en 2007 et 2008, et, avant lui, Paul Martin entre 2004 et 2006.

 

Michael Ignatieff sera-t-il le prochain? Les libéraux pourraient-ils le virer et choisir un quatrième chef en quatre ans?

La chose se discute de plus en plus ouvertement au PLC et parmi toute la faune politique canadienne.

La semaine dernière, dans un restaurant de Montréal, des libéraux du Québec en vue (candidats et sénateurs), qui avaient obtenu, la veille de leur publication, les chiffres d'un sondage du Globe and Mail, se délectaient des problèmes de leur chef. Certains ont même lancé des paris sur la longévité de M. Ignatieff à la tête du PLC.

Il y a six semaines à peine, le chef libéral avait annoncé péremptoirement la fin du règne des conservateurs. Aujourd'hui, son plus grand défi n'est plus de préparer la bataille électorale, mais plutôt de ne pas se faire éjecter avant.

Si, comme le laissent déjà entendre certains libéraux, les prochains chiffres du financement sont aussi mauvais que ceux des sondages (normalement, les deux sont intimement liés), les problèmes de M. Ignatieff ne feront qu'empirer.

Par moments, le chef libéral semble accablé par la situation. Il se retranche alors dans l'autodérision et l'humour noir à propos des «joies du chef de l'opposition».

Certains de ses fidèles le défendent en disant qu'il est fatigué parce qu'il n'a pas pris de vacances au cours de l'été, justement pour se préparer à la campagne électorale. On a bien remarqué la fatigue, en effet, mais la préparation électorale, c'est moins évident...

Comment a-t-il pu en arriver là si vite? Absence d'idées fortes, désorganisation du parti et du bureau du chef, faible contre-attaque aux publicités négatives des conservateurs, mauvaise priorité (des élections à tout prix), les conclusions sont connues. Ce qui l'est moins, c'est que le grenouillage s'intensifie au PLC.

Les sondages le démontrent clairement depuis un mois et demi: les Canadiens ne veulent pas d'élections (le gouvernement Harper II aura seulement un an demain, après tout). Cela n'est pas nouveau, toutefois. Depuis le début de l'ère minoritaire, en 2004, aucun sondage n'a jamais démontré qu'une majorité de Canadiens VEUT des élections.

Michael Ignatieff n'a donc pas seulement un problème de timing. Le message et le messager posent aussi problème. Les électeurs ne suivront pas un chef qui ne sait pas où il s'en va, surtout en temps de crise.

La semaine dernière, par exemple, on a appris d'un «haut dirigeant libéral» que M. Ignatieff s'apprêtait à parler de hausses d'impôt comme solution au déficit. Faux, archifaux, s'est défendu le chef libéral, qui a sauté sur le téléphone pour démentir la manchette de La Presse Canadienne dans les minutes qui ont suivi sa sortie sur l'internet.

Ballon d'essai? Fuite malheureuse? Sabotage? Chose certaine, le mal est fait et encore une fois, le chef libéral semble dépassé par les événements.

Est-ce une raison suffisante pour plonger le PLC dans une nouvelle crise en éjectant le chef avant les prochaines élections? Pour certains, ce serait un moindre mal. Cela permettrait de gagner de 12 à 18 mois et d'élire un nouveau chef. Au besoin, Bob Rae serait plus qu'heureux de répondre à l'appel.

Le Parti libéral est une machine de pouvoir, une machine impatiente qui supporte mal de s'être trompée de chef trois fois de suite. À la différence de Paul Martin, qui a attendu 13 ans avant de devenir chef, et de Stéphane Dion, dûment élu au terme d'une vraie course, Michael Ignatieff n'a pas nécessairement un droit acquis de mener les troupes aux prochaines élections.

À la décharge de M. Ignatieff, il faut rappeler que le rôle de chef de l'opposition est ingrat et que celui qui l'occupe a généralement besoin de temps pour passer de l'opposition au pouvoir. Prenez Jean Chrétien, Stephen Harper, Jean Charest ou Jacques Parizeau, des politiciens aguerris (ce que n'est pas M. Ignatieff) qui ont mangé leur pain noir dans l'opposition avant de devenir premier ministre.

Le hic, c'est que le temps est un luxe inabordable en période de gouvernement minoritaire.

Une vraie course à Rivière-du-Loup?

Une chose est sûre, les libéraux ne sont pas dans la course pour la partielle dans Montmagny-L'Islet-Kamouraska-Rivière-du-Loup, le 9 novembre.

Surprise, toutefois: les conservateurs croient pouvoir prendre cette circonscription, remportée avec près de 7000 voix de majorité par le bloquiste Paul Crête l'an dernier.

Les conservateurs ont des ambitions, un candidat connu (Bernard Généreux, ex-maire de La Pocatière) et... de l'argent pour courtiser les électeurs.

Le gouvernement conservateur pourrait confirmer prochainement le financement de trois projets à Rivière-du-Loup: une usine de biométhanisation (produire des biogaz avec des restes de table, environ 4 millions pour le fédéral), une aide substantielle pour le Carrefour maritime (installation pour les croisières) et un parc au centre-ville.

«On attendait des nouvelles cet été, mais il semble que ça viendra plutôt cet automne, m'a dit le maire de Rivière-du-Loup, Michel Morin, vendredi dernier. Depuis septembre, les discussions se sont intensifiées, et nous, c'est certain qu'on utilise le contexte.»

Les conservateurs aussi. Justement, ça tombe bien, le ministre du Développement économique, Denis Lebel, doit s'arrêter dans le coin encore une fois, cette semaine.

À suivre...