Pour les libéraux fédéraux du Québec, le rassemblement d'hier à Québec visait d'abord à faire une démonstration, après une semaine difficile, d'unité et d'harmonie.

Mission accomplie pour l'unité, les libéraux du Québec, surtout les députés, étaient visiblement ravis de constater que leur encombrant confrère, Denis Coderre, avait été «puni». Au coin! Comme le p'tit boss de la cour de récréation qui se fait prendre par le directeur de l'école.

«On va enfin pouvoir militer et travailler librement», a résumé une consoeur de M. Coderre croisée dans le hall de l'hôtel attenant au Centre des congrès.

Les libéraux ont effectivement projeté une image d'unité. Soit, mais unis derrière quoi?

Il était bien facile (et apparemment irrésistible) pour les collègues de Denis Coderre et pour les militants de casser du sucre sur le dos du nouveau mouton noir du caucus libéral, mais celui-ci, malgré ses défauts, ne peut être tenu responsable du manque de substance, de préparation et de perspicacité de son parti.

Le congrès biennal de l'aile québécoise du PLC (qui n'avait de congrès que le nom) aura surtout permis de mesurer l'écart inquiétant entre la stratégie des libéraux, qui disent vouloir renverser le gouvernement à la première occasion, et l'état lamentable de leur préparation électorale.

Pas d'idée forte, des phrases creuses du chef sur l'économie, sur l'environnement, sur le développement des régions ou sur le Québec, peu de nouveaux visages... Non seulement les libéraux ne sont pas prêts à partir en campagne électorale, mais en plus, leur plan pour la suite des choses repose sur des hypothèses plus près de la pensée magique que de la réalité politique.

D'abord, les libéraux semblent convaincus que le NPD continuera, au moins pour la session d'automne, à appuyer le gouvernement Harper, ce qui permettra à Michael Ignatieff de maintenir la ligne dure envers les conservateurs sans risquer, vraiment, de se retrouver dans des élections au moment où son parti en arrache.

Il est loin d'être garanti que les néo-démocrates renouvellent à l'infini leur appui ponctuel aux conservateurs. Si les libéraux continuent de s'enliser en Ontario et en Colombie-Britannique, le NPD pourrait même y voir un avantage stratégique. Si on devait en arriver là, le chef libéral ne s'est pas gardé de porte de sortie.

Déjà, la semaine dernière, Jack Layton a indiqué aux Communes qu'il rejetterait, par exemple, l'harmonisation de la taxe de vente avec les provinces si les conservateurs vont de l'avant avec ce projet.

Par ailleurs, les libéraux continuent de croire que les Canadiens en ont assez des conservateurs et que ceux-ci seront nécessairement éjectés aux prochaines élections, au profit des libéraux.

C'est sans doute cette conviction téméraire et non fondée qui explique que le chef libéral préfère s'en tenir à des généralités plutôt que de présenter à l'électorat des idées concrètes.

En ce sens, M. Ignatieff a manqué un autre rendez-vous avec les Québécois, hier, en prononçant un long discours creux truffé de clichés et de bonnes intentions.

Et encore, nous avons eu droit à une version ad lib, plus «sentie», puisque le chef libéral a jeté samedi soir le premier discours qu'on lui a remis, insatisfait du contenu. Il ne manque pas qu'un lieutenant à M. Ignatieff. Il a aussi un urgent besoin de conseillers québécois allumés et d'un bon rédacteur de discours.

La nature ayant horreur du vide, les distractions périphériques ont pris toute la place. On retiendra surtout de ce congrès que Michael Ignatieff a fait marche arrière et nommera finalement un nouveau lieutenant à la place de Denis Coderre.

On dit que les absents ont toujours tort, mais rarement l'absence d'un député aura été aussi remarquée (et lourde de signification) que celle de Denis Coderre, hier à Québec. M. Ignatieff a même lourdement insisté, dès le début de son discours, pour dire que le Parti libéral est une institution basée sur la fidélité et la loyauté, pas sur les individus.

Dans la salle de presse, les journalistes en manque de substance étaient, quant à eux, beaucoup plus intéressés par la sortie extrêmement bien orchestrée de Stephen Harper, samedi soir sur la scène du Centre national des arts d'Ottawa, où il a chanté With a Little Help From My Friends des Beatles. (Vous pouvez trouver la performance sur YouTube.)

«Mmm, I get high with a little help from my friends»... M. Harper pensait-il à ses «amis» libéraux, qui lui facilitent vraiment la vie ces temps-ci?

M. Ignatieff, quant à lui, devrait plutôt s'inspirer d'Alain Bashung, qui chantait «C'est comment qu'on freine?», parce que dans l'état actuel des choses, bien peu de députés libéraux voudront sacrifier leur siège si leur chef persiste à vouloir provoquer des élections.