Après une fin de semaine de réflexion, Michael Ignatieff indiquera aujourd'hui aux Canadiens s'il fera tomber ou non le gouvernement Harper cette semaine, déclenchant du coup des élections pour le 27 juillet.

Un conseil: ne retenez pas votre souffle, la probabilité que les libéraux précipitent le pays dans une campagne électorale en plein été est extrêmement faible.

Ce serait d'ailleurs une sage décision de passer un tour de la part de M. Ignatieff. Une campagne au mois de juillet, c'est risqué. En pleine récession de surcroît, cela devient téméraire.

Le chef libéral irait dans les campings et les parcs pour dire aux vacanciers inquiets de perdre leur emploi à la rentrée que c'est une bonne chose que de dépenser 300 millions de fonds publics pour retarder encore un peu les mesures de reprise économique? Ce n'est pas sérieux...

Comme nous n'aurons vraisemblablement pas d'élections fédérales cet été, le dernier événement politique de la saison aura lieu lundi prochain sur la scène provinciale, à Rivière-du-Loup, avec l'élection partielle visant à remplacer Mario Dumont.

Cette élection s'avère d'ailleurs beaucoup plus intéressante que prévu, comme j'ai pu le constater depuis deux jours en arpentant cette magnifique région.

De Montréal, on avait l'impression depuis le début de cette campagne que les jeux étaient faits et que le candidat du Parti québécois, l'ancien député du Bloc Paul Crête, allait l'emporter facilement. Les péquistes affichaient une belle assurance et les libéraux admettaient eux-mêmes que leur candidat, l'ex-maire de Rivière-du-Loup, Jean D'Amour, était «dans le trouble», comme on dit en politique. (Ah oui, et l'ADQ, dites-vous? Dans Rivière-du-Loup, on ne votait pas vraiment ADQ, on votait Mario, et il n'est plus là, alors...).

Sur le terrain, à travers les bancs de brume fantomatiques, on distingue plutôt la tendance inverse: les libéraux pourraient créer la surprise et arracher cette circonscription détenue par Mario Dumont depuis 15 ans.

De l'aveu même de Paul Crête, la lutte contre les libéraux est extrêmement serrée. Et ce n'est pas une tactique pour cacher une trop grande assurance. Paul Crête est un bonhomme franc et direct. Il était visiblement inquiet, vendredi soir, quand je l'ai croisé dans un resto à la mode, rue Lafontaine, à Rivière-du-Loup. Et pour cause.

La démarche n'a évidemment rien de scientifique, mais de Rivière-du-Loup à Cacouna en passant par Notre-Dame-du-Portage et Trois-Pistoles, l'immense majorité des électeurs rencontrés penchaient du côté des libéraux. Un ou deux électeurs ont bien parlé de l'arrestation du candidat D'Amour pour conduite en état d'ébriété, mais, en général, on semble prêt à lui pardonner d'avoir «pris une p'tite bière», pour résumer les propos d'un homme de Trois-Pistoles.

Quant aux allégations de conflit d'intérêts pesant sur M. D'Amour (le commissaire au lobbyisme enquête sur l'ex-maire de Rivière-du-Loup parce qu'il aurait fait des représentations pour son entreprise auprès de son successeur sans s'inscrire au registre des lobbyistes), pas un seul électeur n'en a soufflé mot.

La ville de Rivière-du-Loup se tire fort bien d'affaire malgré les temps difficiles et elle a côtoyé la prospérité ces dernières années. Naturellement, l'ancien maire en retire quelque mérite.

La principale arme des libéraux - sans surprise - est de dire aux gens qu'il est temps d'élire un député du parti au pouvoir. L'argument semble faire mouche chez plusieurs électeurs.

À cet argument, les péquistes opposent un raisonnement étonnant: Rivière-du-Loup a connu 14 ans de prospérité économique en étant dans l'opposition avec Mario Dumont. Donc, l'opposition, c'est bon pour la région!

Remarquez que Paul Crête s'y connaît. Cela fait 16 ans qu'il est dans l'opposition comme député du Bloc québécois, qui n'a connu et ne connaîtra jamais que ce rôle. Cela dit, quel sera l'argument du PQ, aux prochaines élections, lorsqu'il se battra pour prendre le pouvoir?

Le candidat Crête joue gros aussi lorsqu'il dit, comme il l'a fait samedi en point de presse dans son local de Rivière-du-Loup, que cette élection partielle est le premier grand test pour le gouvernement Charest troisième mouture.

Vrai, les élections partielles sont souvent l'occasion d'envoyer un message (le plus fréquemment de frustration ou de colère) au gouvernement, mais si le PQ «échappe» Rivière-du-Loup après avoir été en avance, c'est Pauline Marois qui échouera à son premier grand test depuis le scrutin général du 8 décembre.

Au moment où la chef du PQ impose un virage stratégique important à son parti et où l'option cause une fois de plus des remous, son leadership serait certainement affaibli par une défaite dans Rivière-du-Loup, terre francophone réputée nationaliste.

Paul Crête admet qu'il devra attirer au moins deux électeurs adéquistes sur trois pour gagner lundi prochain (aux dernières élections, le PQ a fini troisième avec un peu plus de 3000 votes, contre 5700 pour les libéraux et 11 000 pour Mario Dumont).

Voilà pourquoi le PQ met toute la gomme dans Rivière-du-Loup. Hier, des dizaines de bénévoles, qui avaient assisté la veille à la Conférence nationale des présidents du Parti québécois, sont restés dans la région pour donner un coup de main au candidat Crête.

Ces renforts ont fait sourciller les libéraux, qui y voyaient une contribution illégale, mais le parti de Jean Charest n'était pas en reste cette fin de semaine.

Samedi, deux ministres (Claude Béchard et Tony Tomassi) et près de 100 bénévoles (essentiellement, du personnel politique de Québec et de Montréal) ont débarqué dans la circonscription pour la fin de semaine.