Dans le milieu de la santé au Québec, Gaétan Barrette ne laisse personne indifférent.

Suffit de prononcer le nom du président de la Fédération des médecins spécialistes devant des gens de ce secteur pour obtenir, illico, de fortes réactions, comme j'ai pu le constater il y a quelques jours. Il est vrai que l'homme ne fait pas dans la dentelle et que ses manières, politiques et autres, sont plutôt lourdes.

D'abord, une anecdote pour mettre la table, si vous permettez le jeu de mots.

Quelqu'un me racontait que le Dr Barrette, invité il y a quelques semaines dans une loge du Centre Bell pour un match des séries éliminatoires, avait commandé... 12 hot-dogs pour son repas!

 

À son poste de président de la FMSQ comme à table, Gaétan Barrette aime prendre de grosses bouchées. Et tant pis si cela indispose parfois les âmes sensibles.

Il vient d'en faire une nouvelle démonstration ces derniers jours en confrontant le ministre de la Santé, Yves Bolduc, sur la question de la fiabilité des tests pathologiques du cancer du sein au Québec.

Si la manière est, selon ses détracteurs, discutable, l'objectif, lui, est atteint.

M. Barrette a dit hier regretter que tout le brouhaha des derniers jours ait pu inquiéter des milliers de femmes, s'empressant toutefois d'ajouter que c'était un mal nécessaire.

«C'est comme ça que ça marche au Québec. Ça fait des années qu'il ne se passe rien et maintenant, il se passe enfin quelque chose. Nous sommes donc satisfaits», a-t-il résumé en entrevue à RDI.

Le pire de cette histoire, ce n'est pas ce que dit Gaétan Barrette, mais bien plutôt le fait qu'il ait raison!

Les acteurs du milieu de la santé, dont le rôle premier devrait être de protéger et de rassurer les patients, en sont réduits à devoir faire éclater des grenades dans les laboratoires pour qu'enfin, le gouvernement réagisse.

On pourra, bien sûr, accuser le bon docteur Barrette de manquer de tact, mais il a de toute évidence mis le doigt sur un gros bobo. Et il n'a pas peur d'appeler un chat un chat.

On ne peut pas en dire autant du ministre de la Santé, Yves Bolduc, qui a intérêt à reprendre rapidement le contrôle de la situation s'il ne veut pas devenir la première victime des tests de cancer du sein erronés.

Que le critique du Parti québécois en Santé, Bernard Drainville, dénonce les incohérences du ministre Bolduc, c'est normal et prévisible. Ce qui est plus grave pour le nouveau ministre, c'est qu'il vient de perdre une bonne poignée de plumes dans le très difficile milieu de la santé.

Depuis une semaine, le ministre Bolduc semble complètement dépassé, ce qui ajoute à l'inquiétude générale.

Est-il mal conseillé? Mal informé? A-t-il bien saisi les risques politiques d'une telle histoire? Le bureau du premier ministre s'est-il assuré de donner à son ministre recrue tout le soutien nécessaire pour affronter une telle crise?

Si on écrit un jour un bouquin Gestion de crise pour les nuls, l'une des premières recommandations sera la suivante: avoir un message clair et simple et, surtout, éviter de dire une chose et son contraire.

Il y a eu, d'abord, un doute sur le moment où le ministre Bolduc a reçu la fameuse étude du Dr Gaboury. Puis, le ministre a cherché à minimiser ses conclusions, pour ensuite confirmer qu'elles sont inquiétantes.

Dimanche, le ministre Bolduc a dit, d'une part, qu'il était «résolu à poser des gestes appropriés à très brève échéance», mais, d'autre part, que «le danger, c'est d'agir de façon précipitée».

Enfin, M. Bolduc s'est laissé entraîner dans une guerre de mots avec Gaétan Barrette au lieu de rester au-dessus de la mêlée. D'autant que, finalement, c'est le Dr Barrette qui a gagné.

Si M. Bolduc suit du «coaching» de gestion de crise d'une firme professionnelle (ce qui est prévisible), il aurait intérêt à visionner les anciennes entrevues et points de presse de son prédécesseur, Philippe Couillard. L'assurance demeure le meilleur remède à toute crise politique.

Reste à savoir comment le ministre Bolduc s'en sortira à l'Assemblée nationale cette semaine. Il serait surprenant que l'opposition lâche une si belle occasion.

Faudra voir aussi quelle sera sa crédibilité dans le milieu, lui qui a été déstabilisé à la première secousse.

Mais il serait injuste de blâmer seulement le ministre Bolduc. Pour un gouvernement qui avait fait de la santé sa «première priorité», le bilan après six ans de pouvoir est aussi douteux que semblent l'être certains tests de laboratoire.

Le temps d'attente dans les urgences continue de s'allonger à l'infini, les gens ont peur d'aller à l'hôpital de crainte de contracter des maux pires que ceux qui les y amènent et, maintenant, on remet en question la qualité de certains tests faits en laboratoire.

Tout ça pour un système qui engloutit toujours plus d'argent, comme un puits sans fond.

Dans le domaine de la santé au Québec, on s'éloigne des solutions, mais on approche dangereusement du point de rupture.

Pour joindre notre chroniqueur: vincent.marissal@lapresse.ca