On a beaucoup dit, ces derniers jours, que les libéraux fédéraux réunis en congrès à Vancouver vivent un rare moment d'harmonie. Il suffit de les voir planer dans un style décontracté très «West Coast» pour s'en convaincre hors de tout doute.

L'exemple vient d'ailleurs de très haut: jamais on n'a vu l'entourage d'un chef libéral aussi relax.

Hier midi, sous un généreux soleil, j'ai croisé le chef de cabinet de Michael Ignatieff, Paul Zed, près du Centre des congrès de Vancouver. Il marchait d'un pas pressé pour aller... faire son jogging avec quelques comparses.

 

Un autre proche collaborateur de Michael Ignatieff, à qui j'ai posé une question par BlackBerry, m'a répondu qu'il sirotait un verre de vin blanc sur une terrasse de Granville Island pour se remettre d'une grande virée à bicyclette!

Un mot revient sur toutes les lèvres pour décrire l'ambiance de ce congrès biennal: tranquille. Même quand les libéraux étaient au pouvoir avec des gouvernements majoritaires, ils n'étaient pas aussi détendus quand ils se réunissaient.

Il faut dire qu'il y avait toujours des épiphénomènes pour déranger l'harmonie, comme l'interminable guerre Chrétien-Martin et, avant celle-là, la fronde de Jean Chrétien contre John Turner.

Rien de tout cela cette fois. Il y a certes quelques ambitieux dans l'entourage de Michael Ignatieff et dans son caucus mais, pour une rare fois lors de l'investiture du nouveau chef libéral, personne n'est tapi derrière le rideau, le couteau entre les dents.

Au contraire, les libéraux ont, pour une rare fois, réuni leurs anciens chefs au même congrès sans que les flèches empoisonnées ne viennent gâcher la fête.

Les libéraux sont tellement décontractés que, pendant quelques heures, dans la bulle du Centre des congrès de Vancouver, on arrivait à oublier la récession et la grippe porcine.

La crise économique, qui est pourtant au centre de toutes les discussions politiques canadiennes depuis des mois, a pratiquement disparu du ciel bleu libéral.

Parmi les 32 résolutions qui doivent être débattues en vitesse aujourd'hui, une seule touche directement la récession, et encore, puisque les mesures proposées sont plutôt vagues (exemple: «tenir compte des effets positifs de la réduction des impôts corporatifs dans la détermination de sa politique fiscale et garder la flexibilité jugée nécessaire en temps de ralentissement économique»).

Fidèles à eux-mêmes, les libéraux reprennent par ailleurs leurs thèmes électoraux de prédilection: lutte contre la pauvreté, logements sociaux, garderies. Ils enterrent définitivement le fameux Tournant vert si cher à leur ancien chef, Stéphane Dion. Le vert, tellement à la mode au congrès de décembre 2006 à Montréal, a cédé sa place au bon vieux rouge libéral.

Signe que les choses vont beaucoup mieux pour le PLC, plus de 2000 délégués, dont plus de 200 du Québec, se sont déplacés à Vancouver. Ils ont déboursé pour la plupart plusieurs centaines de dollars pour assister à la nomination officielle de leur nouveau chef.

Le calme apparent du congrès est toutefois trompeur. Comme les magnifiques canards que l'on peut observer dans les baies autour du parc Stanley, les libéraux semblent paisibles en surface, mais ils se font aller les pattes avec énergie sous l'eau.

En particulier les libéraux du Québec, qui profitent de la vague des bons sondages pour regagner le terrain perdu au cours des dernières années.

L'effectif est en hausse, soit autour de 16 000 membres. On est encore loin des belles années (70 000 membres), mais la progression est constante. Même chose, par ricochet, pour le financement. L'aile québécoise a réussi à éponger sa dette.

La marge de manoeuvre et les bonnes perspectives des sondages permettent au PLC de se réorganiser sur le terrain. Ainsi, six coordonnateurs régionaux (des permanents payés par le Parti libéral) entreront en fonction au Québec dans quelques semaines.

Les libéraux se sont également équipés d'un logiciel performant pour faire du pointage dans chaque circonscription, pour communiquer avec leurs membres et suivre l'évolution des effectifs. Selon les organisateurs québécois, il s'agit du même type de logiciel que celui qu'avait utilisé l'équipe de Barack Obama pour les primaires et la présidentielle.

Les candidatures commencent aussi à se préciser dans certaines circonscriptions convoitées.

«De très belles annonces s'en viennent», m'a affirmé un des principaux organisateurs de Michael Ignatieff au Québec, confirmant du bout des lèvres que des libéraux provinciaux pourraient faire le saut sur la scène fédérale.

Impossible d'en savoir plus pour le moment, mais les libéraux n'auront pas à trouver un successeur à Stéphane Dion dans Saint-Laurent-Cartierville, car il a décidé de se représenter.

Il semble que l'Université de Montréal, son ancien employeur, lui ait offert un poste de vice-recteur et d'ambassadeur, mais M. Dion ne se résigne pas à quitter la vie politique.

Une autre députée aurait décidé de rester: Raymonde Folco, dans Laval-Les Îles, a l'intention de se représenter malgré des problèmes graves de financement dans cette circonscription libérale sûre.

Le retour de Martin Cauchon dans Outremont paraît de plus en plus improbable, dit-on par ailleurs dans les cercles libéraux québécois.