Ça y est, la campagne électorale fédérale est commencée! La sale campagne, s'entend.

En perte de vitesse dans les sondages et visiblement dépassés par la crise économique, les conservateurs de Stephen Harper lancent une première salve de publicités négatives contre le chef libéral Michael Ignatieff.

Pour le moment, l'opération est limitée, mais les stratèges conservateurs travaillent fort pour déterrer les déclarations passées et récentes qui pourraient se retourner contre le chef libéral.

 

En 2007 et 2008, la stratégie des publicités négatives avait été payante pour les conservateurs, qui avaient réussi à dépeindre Stéphane Dion comme un leader mou. De plus, les pubs conservatrices affirmaient que M. Dion hausserait les taxes et les impôts, un boulet dont l'ancien chef libéral n'a pas su se défaire.

Les conservateurs remettent ça avec Michael Ignatieff, qui a laissé entendre bien maladroitement, mardi en Ontario, qu'une hausse d'impôts est probable.

Quelques heures seulement après avoir fait cette déclaration, M. Ignatieff s'est retrouvé en vedette sur la page d'accueil du Parti conservateur, occupant au moins la moitié de l'écran.

Le chef libéral a nié, depuis, vouloir augmenter les impôts, mais le mal est fait. Voici ce que l'on peut lire quand on clique sur la photo de Michael Ignatieff, sur le site du PCC: « (...) Il est clair que M. Ignatieff est en faveur de l'augmentation du fardeau fiscal. En une période de récession mondiale, alors que le budget de nombreuses familles est serré, Michael Ignatieff doit aux Canadiens de donner de vraies réponses sur son ordre du jour de hausses fiscales et de dépenses. Quand va-t-il augmenter le fardeau fiscal? Quelles taxes et quels impôts va-t-il augmenter? De combien va-t-il les augmenter? Et pourquoi veut-il absolument imposer une taxe sur le carbone et augmenter la TPS - deux taxes qui nuiraient de façon disproportionnée aux familles de travailleurs et aux personnes âgées à revenu fixe?»

Exactement ce que les conservateurs disaient à propos de Stéphane Dion.

La stratégie fonctionnera-t-elle contre Michael Ignatieff? Cela reste à voir, mais l'empressement des conservateurs à récupérer les propos de leur adversaire, en plus de la multiplication des annonces, sont deux signes indéniables d'agitation préélectorale.

Au même moment, vient d'apparaître sur YouTube une vidéo très dure contre Michael Ignatieff.

Intitulée Flip-flops (Volte-face), la vidéo accuse le chef libéral, sur fond musical dramatique, de ne pas avoir de position claire, contrairement à Stephen Harper.

Officiellement, cette vidéo n'est pas approuvée par le Parti conservateur, mais elle reprend fidèlement ses arguments et elle circule chez les bleus.

Le montage fait exactement 30 secondes, comme une publicité télé, et a été mis en ligne par «toryboy1». Contrairement aux premières vidéos de toryboy1, on ne voit plus le logo du PCC à la fin du message.

À l'évidence, les conservateurs commencent à sentir la soupe chaude et, comme chacun sait, la meilleure défense, c'est l'attaque.

Le sondage Ekos-Radio-Canada, dévoilé jeudi, qui donne une avance de 7 points aux libéraux au Canada (37 à 30) et de 10 en Ontario (42 à 32) ne fera que convaincre les conservateurs d'accélérer le rythme des attaques au cours des prochains mois.

Le pari est risqué, toutefois, et il pourrait tout aussi bien se retourner contre Stephen Harper. En insistant trop sur les travers (vrais et présumés) de ses adversaires, on risque d'indisposer l'électorat.

Les trois règles fondamentales de la publicité négative efficace sont: viser juste (s'en tenir à des faits), viser la bonne cible (on ne tire pas sur des ambulances), et ne pas trop en mettre.

Michael Ignatieff n'est pas Stéphane Dion. Son capital de sympathie, on le voit dans tous les sondages, est beaucoup plus élevé. Sa crédibilité aussi.

À force de recourir aux attaques et aux publicités négatives, les conservateurs risquent surtout d'exposer très ouvertement leur propre manque de substance, l'absence de solutions constructives, de plan pour redonner confiance aux Canadiens.

Il est vrai que le parti de Stephen Harper n'offre rien de positif à l'électorat, ce qui avait pourtant été sa force lors de la campagne de 2006.

En outre, l'omniprésence du jeune et dynamique Barack Obama rend les comparaisons inévitables, ce qui n'est certainement pas à l'avantage de Stephen Harper.

Ce gouvernement semble usé. Il prend de mauvaises décisions et se colle à droite alors qu'il doit viser le centre pour espérer gagner une majorité.

Bref, disent les libéraux, les conservateurs sont en train de se battre seuls, ce qui est généralement le sort de tout gouvernement en fin de mandat.

Fin de mandat? Stephen Harper n'est au pouvoir que depuis 39 mois, direz-vous. Vrai, mais en situation minoritaire, les gouvernements semblent s'user deux fois plus vite.

Il n'en fallait pas plus pour que certains libéraux commencent à rêver à des élections hâtives, dès juin.

Scénario hautement improbable, selon de bonnes sources libérales.

D'abord, pour tenir des élections avant le 24 juin, il faudrait faire tomber le gouvernement d'ici un mois. Trop vite. Les libéraux ne sont pas prêts (les Canadiens non plus!).

Au Québec, par exemple, les libéraux attendent beaucoup de leur plus importante activité de financement depuis des années, le 4 juin à Montréal (le PLC espère amasser autour de 500 000$).

Par ailleurs, le recrutement est loin d'être terminé. Les libéraux fédéraux ont quelques «vedettes» dans leur ligne de mire, et ils pourraient attirer quelques cousins provinciaux (les noms de Jacques Chagnon, Jean-Marc Fournier et Benoît Pelletier reviennent le plus souvent).

Enfin, dernier élément, mais non le moindre: les sondages indiquent une remontée, c'est indéniable, mais la majorité est encore hors de portée des libéraux.

Jean Chrétien a déjà remporté une majorité de sièges avec 38% des voix, en 1997, mais le paysage politique n'est pas le même. À l'époque, la division de la droite permettait aux libéraux de rafler l'immense majorité des circonscriptions en Ontario, tout en maintenant une bonne récolte au Québec.