Si tout va bien, le CHUM sera terminé (vraiment, terminé), en 2018 et aura coûté 2,5 milliards. Pour cela, il faudra que le coussin de 650 millions prévu par Québec soit suffisant.

Si tout va bien, les propositions des soumissionnaires arriveront dans un an et respecteront les critères.

Si tout va bien, l'économie mondiale ira mieux d'ici là et les soumissionnaires en PPP réussiront à trouver le financement nécessaire. Sinon, le gouvernement mettra de l'avant, si tout va bien, un plan B acceptable sans que les coûts explosent et que les délais reculent encore.

 

Si tout va bien, la première pelletée de terre aura lieu dans 18 mois, en septembre 2010.

Enfin, si tout va bien, la formule PPP permettra de plafonner le budget de construction du CHUM malgré la surchauffe causée par les nombreux travaux concomitants (infrastructures, construction du superhôpital anglophone et rénovation de Sainte-Justine, rénovation du Casino, quartier des spectacles, salle de l'OSM, etc.).

Cela dit, des projets d'une telle ampleur sont complexes par définition et d'autres surprises surgiront, c'est presque certain, nous a dit hier le premier ministre Jean Charest.

Vous savez maintenant pourquoi on a choisi de conserver et d'intégrer le clocher de l'église Saint-Sauveur dans les dessins du futur CHUM: c'est parce que cet immense projet repose sur un spectaculaire acte de foi. Saint Sauveur, priez pour nous!

On fera probablement un jour le débat éthique de la présence «raisonnable» ou non d'un symbole catholique dans une institution de santé publique, mais pour le moment, quelques lampions pourraient être utiles à la réalisation du miracle du CHUM.

On peut douter des chances de succès de l'opération, mais la volonté du gouvernement d'aller cette fois de l'avant ne fait plus aucun doute. Hier, pour l'annonce du lancement des appels de proposition, il y avait tellement de membres du gouvernement Charest que le ministre Raymond Bachand a dû s'y reprendre à deux fois pour tous les nommer.

Bien sûr, ce n'est pas la première fois que le gouvernement Charest annonce le CHUM, ce qui explique qu'il y avait dans la salle autant de sourires de satisfaction que de sourires en coin.

Cela dit, les très nombreux acteurs des milieux de la santé, des scènes municipale et provinciale affirmaient que «cette fois est la bonne» et que l'on vient de passer, avec cet engagement, le point de non-retour.

On ne demande qu'à être convaincu. Il serait plus que temps, en effet, d'aller de l'avant, de laisser le cynisme au vestiaire et de cesser les batailles de clocher entre les multiples corps professionnels.

Le mode de financement en PPP, ses avantages pour les contribuables et les garanties pour le gouvernement laissent toutefois de grandes zones d'ombre sur l'élan d'enthousiasme observé hier dans le petit monde du CHUM.

Cette incapacité chronique et franchement embarrassante que nous avons au Québec de réaliser nos projets dans les temps et les délais prévus n'est pas non plus de nature à rassurer les sceptiques.

Dans les années 60, il a fallu moins de 10 ans aux Américains pour concrétiser la promesse du président Kennedy d'envoyer un homme sur la Lune. Nous, il nous faut près d'un quart de siècle pour construire un hôpital. Et encore, ça, c'est si tout va bien dans le plan d'ici 2018.

Selon Jean Charest, l'annonce d'hier est un petit pas pour son gouvernement, mais un bond de géant pour le Québec.

Souhaitons seulement, pour être plus terre à terre, que l'on ne soit pas en train de se bricoler un autre Stade olympique. Ou même pire, puisque le Stade, à la limite, on peut s'en passer. Pas le CHUM.

Le projet du CHUM, avec tous ses «si», avec son PPP bancal et controversé, baigne dans une improvisation peu rassurante.

À moins que le gouvernement Charest soit d'ores et déjà convaincu qu'il devra recourir à son plan B. Qu'il devra, donc, assurer le financement du privé.

À quoi bon un PPP, alors, si c'est encore le gouvernement (nous, les contribuables) qui assume les risques?

Chose certaine, ce projet de PPP est bien mal parti dès le départ. D'abord, parce qu'il a été mal «vendu». La juxtaposition des mots privé et santé dans une expression provoque de violentes crises d'urticaire au Québec.

Ensuite parce que notre expérience dans les PPP est trop limitée pour se lancer dans pareille aventure. Selon des sources fiables, l'ancien directeur général du CHUM, Denis Roy, avait d'ailleurs dit à la ministre Monique Jérôme-Forget que le CHUM est une «grosse bibitte pour essayer les PPP».

Enfin, parce que l'on a la désagréable impression que le dossier du CHUM est géré comme la Santé en général: délai, report et explosion des coûts.

On l'a vu encore une fois lors du dépôt du dernier budget Jérôme-Forget: les budgets en Santé au Québec sont non seulement incompressibles, mais apparemment illimités.

En un coup de plume, la ministre a évacué tout débat possible sur un frein aux dépenses en Santé en affirmant que ce n'est pas le temps de couper dans les services en période de crise. Un autre tour de déchiqueteuse pour les rapports Clair, Ménard et Castonguay.

En 10 ans, le budget de la Santé a doublé, passant de 13 milliards à 26 milliards par année. À ce rythme là, il atteindra près de 35 milliards d'ici cinq ans, soit plus de la moitié du budget total du Québec.

Pas étonnant que le coût du futur CHUM ait lui aussi doublé au cours des dernières années.

Pour joindre notre chroniqueur: vincent.marissal@lapresse.ca