Premier courriel de monsieur X (mon interlocuteur souhaite garder l'anonymat), 9h33, jeudi matin, jour du budget:

«Bonjour monsieur Marissal,

Croyez-vous que le budget va concrétiser la promesse électorale de couvrir les deux premières tentatives d'implantation d'embryons? Je viens de terminer nos impôts de cette année et nos dépenses en clinique de fertilité s'élèvent à 14 500$. Tout cela s'étant révélé négatif, on doit recommencer et je me demande vraiment où on pourra trouver l'argent. C'est bien beau les crédits d'impôt, mais trouver de 15 000$ à 25 000$ (on pourrait devoir faire deux ou trois traitements cette année) par année et être remboursé au printemps suivant seulement, c'est beaucoup.»

Deuxième courriel de monsieur X, 21h52:

 

«Bon, bien ce sera des billets de 6/49, j'imagine...»

Comme bien des gens séduits par la promesse électorale de Jean Charest de faire payer par le régime public les deux premières tentatives d'implantation d'embryons pour les couples infertiles, mon correspondant a été déçu, frustré même, de ne pas trouver sa réalisation dans le budget de Monique Jérôme-Forget.

On parle effectivement d'aide à la procréation dans le budget, mais seulement pour confirmer le crédit d'impôt remboursable de 50% à l'égard des frais liés à l'insémination artificielle ou à la fécondation in vitro, une aide fiscale pouvant atteindre 10 000$ maximum par année.

Cela ne veut pas dire que les libéraux abandonnent leur promesse, mais les couples infertiles engagés dans de coûteuses démarches devront attendre encore au moins un an avant d'avoir accès à des traitements gratuits.

Comme quoi il est beaucoup plus facile de lancer des promesses électorales à la sauvette pour gagner des votes que de les réaliser.

En campagne électorale, l'affaire paraissait pourtant très simple: les libéraux, une fois réélus, s'engageaient à faire couvrir par le système public les deux premières tentatives, ce qui devait coûter environ 35 millions à l'État. Apparemment, les couples qui attendent cette aide depuis longtemps avaient compris que cela arriverait rapidement.

Dans la pratique, c'est toutefois plus compliqué. Le diable, comme disent les anglophones, est dans les détails. Et des détails, il semble y en avoir beaucoup dans cette promesse électorale.

Pour se concrétiser, cette promesse n'a pas besoin de passer par le budget puisqu'elle sera autofinancée à même les budgets de la Régie de l'assurance maladie du Québec, précise Marie-Ève Bédard, attachée de presse du ministre de la Santé, Yves Bolduc.

Mais avant d'en arriver là, il faudra d'abord terminer des études, rédiger et déposer un projet de loi pour encadrer les interventions ainsi qu'un règlement pour assurer la couverture des frais par le régime public. Un projet de loi dès cette session, affirme-t-on au cabinet du ministre de la Santé, mais la suite est imprécise.

Le processus législatif étant parfois sinueux, on ne sait pas quand exactement la fameuse promesse hautement médiatisée de la dernière campagne deviendra réalité pour les couples concernés. En 2010, si tout va bien.

Pour le moment, la RAMQ épluche les études internationales, évalue le nombre d'embryons à implanter, les risques d'une telle pratique pour la patiente et pour les enfants à naître, l'encadrement des soins et le nombre de traitements. «Ce sera deux, minimum, peut-être plus au besoin, mais on ne le sait pas encore», précise Marie-Ève Bédard.

Les récents «exploits» de certaines cliniques en Italie et en Californie (une mère sexagénaire et la naissance d'octuplés) inciteront probablement les rédacteurs du prochain projet de loi à se montrer encore plus prudents et à étudier plus longuement le dossier.

Le problème, c'est que chaque mois qui passe coûte des centaines, voire des milliers de dollars aux couples engagés dans un tel traitement.

Pourtant, on aurait pu croire que le dossier était déjà bien avancé au Québec. L'ancien ministre de la Santé, Philippe Couillard, avait déjà déposé l'an dernier un projet de loi encadrant les pratiques d'assistance à la procréation. Projet de loi rejeté par l'opposition adéquiste et péquiste parce que le gouvernement s'opposait fermement à rembourser les frais aux couples infertiles.

L'affaire avait fait grand bruit en juin dernier, lors d'une commission parlementaire. L'animatrice Julie Snyder, militante passionnée pour une aide de l'État aux parents infertiles, avait alors eu une prise de bec mémorable avec le ministre Couillard.

Dans l'arène politique, l'ADQ et son ancien chef, Mario Dumont, avaient aussi épousé la cause de ces couples, accusant l'ex-ministre Couillard de manquer de compassion.

Furieux de voir Jean Charest récupérer, en pleine campagne électorale, «son» engagement de couvrir les frais de procréation assistée, Mario Dumont avait accusé le chef libéral de «manquer d'honneur».

Il faut reconnaître aujourd'hui que cet engagement a été conçu bien rapidement, mais que l'accouchement sera encore long.