Depuis le temps que le gouvernement Charest nous répète que la crise économique est sans précédent, on ne s'étonnera pas de lire, en toute première phrase du discours du budget de Monique Jérôme-Forget, qu' «il y a des moments où l'Histoire se joue, où on a le sentiment que le monde ne sera plus comme avant «.

Le seul problème, c'est que le reste du discours et le plan budgétaire présentés hier à Québec annoncent que le monde ne commencera à changer que dans deux ans. Et encore, on ne sait pas toujours comment.

 

En bref, ce budget concrétise ce que nous savions déjà, c'est-à-dire les programmes de stimulation de l'économie, mais il repousse à plus tard les décisions les plus douloureuses. On lance immédiatement les mesures ponctuelles, comme la formation de la main-d'oeuvre, et on garde pour plus tard les compressions, les hausses de tarifs et de taxes.

En plus, on promet aux Québécois la reprise de la croissance dès l'an prochain, mais cette promesse repose sur des prévisions qui pourraient évidemment ne pas s'avérer, a reconnu Mme Jérôme-Forget avec une franchise qui l'honore.

Pelletez, pelletez, il en restera toujours quelque chose.

L'opposition officielle, comme il se doit, a déchiré sa chemise (ou son châle, dans le cas de Pauline Marois) pour dénoncer ce budget. Dans le fond, le PQ devrait plutôt se réjouir parce que ce budget deviendra peut-être bien son ticket pour reprendre le pouvoir, dans quatre ans.

D'abord parce que l'effet à court terme sur l'économie des mesures annoncées hier reste incertain, mais surtout, parce que ce budget ne promet d'administrer des remèdes extrêmement désagréables aux Québécois qu'en 2011, soit un an avant la prochaine campagne électorale.

Le plus ironique, c'est qu'il est fort probable que Monique Jérôme-Forget et peut-être aussi Jean Charest ne soient plus là en 2011. La ministre des Finances a presque lâché le morceau en disant: « Ce sera au prochain... euh, aux prochaines années d'identifier (où couper) «.

Contrairement à tout ce que Jean Charest a répété durant la dernière campagne électorale, le Québec vient en effet de mettre les pieds dans les sables mouvants des déficits. Et contrairement à tout ce que le premier ministre a dit aux Québécois durant cette campagne, ils vont casquer.

Mais pas tout de suite, dans deux ans seulement.

La TVQ augmentera de 1% (une idée pourtant rejetée sans appel par les libéraux) en 2011, les tarifs d'une panoplie de services augmenteront en 2011, il manquera un milliard de dollars de péréquation à partir de 2011, et il faudra, d'ici 2011, compresser les dépenses gouvernementales d'environ un autre milliard.

Le Parti québécois critique ce budget « inacceptable «, bien sûr, c'est de bonne guerre, mais il devrait s'assurer au contraire que le gouvernement libéral s'y tienne résolument. En 2011, un an avant la date prévisible des prochaines élections, les Québécois payeront plus de TVQ, plus pour les services gouvernementaux, l'État sera en plein exercice de compression de ses dépenses et de rationalisation de ses services.

Une bataille Québec-Ottawa sur la péréquation avec ça? Qu'est-ce que le PQ pourrait bien demander de plus?

Dans tout le flou du budget Jérôme-Forget, et il y en a beaucoup, c'est probablement le chapitre sur les compressions des dépenses qui inquiète le plus. Le gouvernement annonce qu'il plafonnera la croissance des dépenses de l'État à 3,2% (elle est de 4,6% en moyenne), mais ne dit pas où et comment il compte s'y prendre.

Ce petit passage du discours de Mme Jérôme-Forget ne nous en apprend pas plus, mais il annonce des batailles épiques au Conseil des ministres. « Pour atteindre cet objectif exigeant, nous devrons revoir et prioriser nos dépenses dans le but de dégager des économies additionnelles. Nous allons éviter de sabrer dans la santé et l'éducation comme d'autres avant nous ont choisi de le faire. Je suis certaine que ma collègue, la présidente du Conseil du Trésor, pourra compter sur la collaboration de tous les membres du Conseil des ministres pour concrétiser cet objectif. «

Rationaliser les activités du gouvernement, contrôler ses dépenses et dégeler certains tarifs frigorifiés depuis des années, et récupérer l'espace fiscal laissé vacant pas Ottawa (la TPS a diminué de 2% depuis 2006) ne sont certainement pas des gestes populaires politiquement. Économiquement, toutefois, ils sont depuis longtemps nécessaires. Si la crise économique a du bon, ne serait-ce qu'un élément, c'est de nous obliger à penser autrement, à briser cette culture du gel au Québec.

Alors, pourquoi repousser tout ça dans deux ans? Pourquoi ne pas agir résolument, dès maintenant? Chose certaine, ce budget ne fera rien pour dissiper l'impression que ce gouvernement manque de colonne vertébrale.

Le pire, c'est qu'on ne peut même pas l'accuser de ne pas avoir quelques idées et des solutions. Le problème, c'est qu'il n'a pas le « guts « de les appliquer.

Culture... politique

Un petit mot sur la culture, en terminant.

Monique Jérôme-Forget a créé un programme de diffusion internationale pour les artistes, de 3 millions de dollars, pour compenser les compressions du gouvernement fédéral.

Tant mieux pour les créateurs, mais, ce faisant, Québec vient de donner raison au gouvernement Harper.

« Si le gouvernement du Québec veut mettre plus d'argent en Culture, c'est son droit, s'il en a les moyens, qu'il le fasse «, avait lancé la ministre conservatrice Josée Verner lors de la dernière campagne fédérale.

Voilà, c'est exactement ce que Québec vient de faire. Souhaitons que Stephen Harper n'interprète pas cela comme une invitation à couper davantage...

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