Si la nouvelle formule du débat des chefs visait d'abord à réduire la cacophonie, dans le but d'accrocher davantage les téléspectateurs, il est loin d'être certain que le but ait été atteint.

Ce n'est pas tant de la faute du format du débat (ou de l'animateur, qui a bien fait ce qu'il pouvait), mais plutôt de la faute de l'acrimonie qui caractérise les relations entre les trois chefs.Au-delà de la cacophonie, qui a rendu certains segments parfaitement inaudibles et franchement rébarbatifs, ce débat aura-t-il fait un vainqueur?

Pour les coups portés, Pauline Marois et Mario Dumont gagnent haut la main, mais cela était entendu avant même que Stéphan Bureau n'entre en ondes. Et ce n'est pas tant que Jean Charest a perdu, mais plutôt qu'il ne pouvait pas gagner. Ça aussi, c'était entendu.

Pauline Marois et Mario Dumont ex aequo, donc, mais ça, c'est pour le «show» de télévision.

La vraie question, à moins de deux semaines du vote, c'est de savoir si les chefs ont réussi à améliorer leur situation, à secouer suffisamment les indécis pour que ceux-ci considèrent leur accorder leur vote?

Voilà qui est douteux. Justement parce que le match n'a pas fait de vainqueur clair, il n'y a pas eu de K.O., mais beaucoup de bruit à un moment crucial du débat sur l'économie.

Sur la santé, Mme Marois s'est bien sortie du piège tendu par Jean Charest, mais elle n'aura pas réussi à le faire sortir de ses réponses préparées. Pour le reste, il s'est fait beaucoup de politique sur le dos des patients, mais bien peu de solutions tangibles auront été apportées.

Match nul aussi en éducation, aucun chef n'obtenant plus que la note de passage à ce chapitre.

Si aucun chef n'a marqué LE gros but, aucun n'a fait honte non plus à ses militants. Dès les premières minutes, les courts textes de présentation leur auront permis de marquer leur territoire. Cela aura été utile parce que le reste était à ce point inaudible par moment que bien des téléspectateurs auront sans doute décrochés.

Mario Dumont a visé juste s'en remettant à l'»audace» des Québécois qui ont voté pour l'ADQ la dernière fois. «Il faut de l'audace pour continuer», a lancé le chef de l'ADQ, un appel qui sonnait comme : «Ne laissez pas tomber l'ADQ, elle peut encore être utile».

Pauline Marois, elle, a mis la table dès les premières secondes : «M. Charest a un nouveau slogan : les élections d'abord, la vérité plus tard».

Jean Charest, sans surprise, a insisté sur la nécessaire confiance des Québécois envers leur gouvernement en temps de crise.

Nous avons eu droit à un bon débat, au sens de bagarre politique, mais pour les solutions, la substance, les idées neuves ou fortes, faudra repasser.

Le vide était surtout désolant en économie, qui devait être la plus grande des priorités.

En ce sens, le débat aura été fidèle à la campagne qui se poursuit ce matin.

À partir de ce matin, donc, par où reprennent les chefs?

Pour le PLQ, le risque immédiat est de redescendre après avoir atteint des sommets en pleine campagne électorale, ce qui est rare.

Jean Charest aura quelques rassemblements d'envergure, comme à Laval ce soir (un «must» pour les libéraux en campagne). Il multipliera ensuite les visites dans les circonscriptions prenables du 450, de Québec et du Centre du Québec.

Les libéraux ont aussi des ambitions du côté de l'Abitibi, mais ils hésiteront à prendre une précieuse journée de campagne pour une ou deux circonscriptions.

Après tout, il ne manque qu'une quinzaine de comtés à Jean Charest pour récupérer la majorité perdue en 2007.

C'est plus compliqué pour le PQ et l'ADQ.

Mario Dumont doit lancer une opération «sauver les meubles». Au point où il en est, le chef de l'ADQ doit lancer un ultime message aux électeurs : vous avez besoin d'une opposition à Québec, pensez-y avant de donner une grande majorité à Jean Charest.

Pauline Marois doit d'abord et avant tout remobiliser la base électorale de son parti.

Si le premier ministre a trouvé la première partie de la campagne hargneuse à son endroit, il n'a qu'à bien se tenir : ses adversaires vont redoubler d'ardeur dans leurs attaques.

Attendez-vous à entendre parler de l'«arrogance de Charest», de ses gaffes et des ratés de son gouvernement et de son refus de défendre son bilan au cours du débat d'hier soir.