Le congrès d'un parti, c'est l'occasion parfaite pour mesurer un certain nombre de choses entre deux élections: l'état du membership, sa mobilisation, sa cohésion et les leçons tirées des dernières années, notamment.

Comment se porte, donc, le Parti conservateur, qui était en congrès jusqu'à hier soir à Winnipeg?

Fort bien pour ce qui est du nombre de membres et de leur mobilisation, même si le parti de Stephen Harper reste fragile au Québec.

 

Pour le fric, pas de problème, les conservateurs ont amassé une impressionnante cagnotte de 14,8 millions au cours des neuf premiers mois de 2008, soit quatre fois plus que le Parti libéral.

Les conservateurs ont-ils tiré des leçons des dernières élections, en particulier de leur contre-performance au Québec?

Oui et non.

Stephen Harper a nommé un nouveau lieutenant, Christian Paradis, qui semble doué d'une bonne capacité d'écoute, mais aura-t-il vraiment les moyens de redresser la barre au Québec?

Par ailleurs, de nombreux militants et candidats battus au Québec le 14 octobre dernier attendent toujours une véritable réorganisation au bureau du premier ministre. Celle-ci devrait se mettre en branle en janvier, mais on refuse de parler d'une «aile québécoise» comme c'est le cas chez les libéraux.

Autre problème tenace pour les conservateurs: cette propension à la paranoïa devant les médias et la manie du secret des autorités du Parti, à commencer par le chef.

Cette fin de semaine à Winnipeg, les conservateurs ont raté une excellente occasion d'ouvrir leur parti et d'envoyer l'image d'un parti mûr et confiant. Par moments, ce congrès ressemblait davantage à la réunion secrète d'une quelconque secte qu'à un exercice démocratique et transparent dans un grand parti national.

L'omniscience du bureau du premier ministre n'irrite pas que les journalistes. Même les ministres de M. Harper supportent mal le joug.

Mécontent de voir les journalistes se précipiter vers lui pour un point de presse «organisé» par les proches collaborateurs de Stephen Harper alors qu'il n'était pas prêt, le ministre de l'Industrie, Tony Clement, a lancé, vendredi: «Le bureau du premier ministre ne décide pas TOUT LE TEMPS pour moi!»

Quant aux orientations générales des conservateurs, leur chef poursuit sa lente migration vers le centre. Son parti, par contre, ne semble pas prêt à suivre au même rythme.

Le discours de M. Harper devant ses militants, jeudi soir, était en ce sens fort instructif. Après avoir tracé un long bilan du chemin parcouru par le PCC depuis la réunification de la droite, M. Harper a insisté sur les réalisations progressistes des conservateurs dans l'histoire canadienne, notamment la nomination de la première femme ministre ou l'adoption de la première charte des droits.

Ironiquement, la crise financière mondiale force M. Harper à s'éloigner encore plus rapidement des idées dominantes de la droite. Il a ainsi prévenu ses militants que l'heure est au pragmatisme, pas à l'idéologie. Stephen Harper s'est aussi lancé dans un convaincant plaidoyer en faveur de la réglementation gouvernementale, l'antithèse de la droite. De toute évidence, l'exercice du pouvoir oblige à certains compromis.

«Le Parti conservateur est le parti du Canada», a lancé son chef.

Toutefois, certains débats de la fin de semaine, notamment une résolution qui rouvre la question des droits du foetus et cette obsession de la loi et de l'ordre, démontrent clairement que le PCC a encore du chemin à faire pour se rapprocher du centre, zone de confort de l'électorat canadien. Le vieux fond réformiste persiste au sein du nouveau PCC.

Jeudi soir, un observateur du congrès n'aurait pas eu besoin d'une maîtrise en sciences politiques pour savoir ce qui fait vibrer les militants réunis devant Stephen Harper. Un applaudimètre aurait suffi. Chaque référence aux valeurs familiales, à la loi et à l'ordre, aux forces armées et à la réforme du Sénat déclenchait systématiquement de longues salves d'applaudissements.

Le malaise des conservateurs québécois, en particulier ceux qui ont préféré bouder le congrès, force au même constat.

Les défis qui attendent le nouveau lieutenant québécois, Christian Paradis, sont proportionnels aux ratés de la dernière campagne. Le jeune ministre semble un peu dépassé par l'ampleur de ses nombreuses tâches (il est aussi ministre des Travaux publics et ministre responsable de Montréal), mais on le dit studieux et plein de bonne volonté.

M. Paradis et ses collègues ministres du Québec vont devoir faire leur place au cabinet Harper pour compenser la faible représentation au gouvernement.

Dans le gouvernement Harper 1, la mollesse des députés québécois dans la défense des priorités de leurs électeurs a désavantagé le Québec à maintes reprises, notamment en culture. Cela s'est répercuté directement sur le Parti conservateur, qui a passé à côté d'une majorité toute proche à cause de l'opposition du Québec.

Sur le terrain, les conservateurs vont devoir reprendre le travail circonscription par circonscription pour espérer enfin y remporter les députés qui leur manquent toujours pour atteindre la majorité.

En ce sens, Stephen Harper aurait intérêt à faire voir davantage son nouveau ministre du Développement régional (Québec) et député de Roberval, Denis Lebel, un homme sympathique, chaleureux et franc qui gagne à être connu.

Dans le petit jeu québécois que Stephen Harper a en main en ce moment, Denis Lebel est sans doute sa meilleure carte pour changer la perception négative qui colle aux conservateurs depuis les déboires en culture, avec les jeunes contrevenants et dans les relations avec le gouvernement du Québec en général.