Le suicide de l'éducatrice en garderie Danielle Lozeau aurait-il pu être évité ?

Je n'ai pas la réponse à cette douloureuse question. Mais une chose est certaine : il survient à la suite d'une série d'erreurs commises par le CPE Studio 0-5, hébergé dans les locaux de Radio-Canada. Des erreurs qui, si elles avaient été évitées, auraient très certainement changé le cours des choses.

Rappelons les faits portés à notre connaissance hier par ma collègue Louise Leduc. Danielle Lozeau a mis fin à ses jours à l'âge de 60 ans, le 24 mars. Elle avait appris, quelques jours auparavant, qu'elle faisait l'objet d'accusations de voies de fait. On lui reprochait d'avoir secoué un bébé de moins de 2 ans au début de décembre, ce qu'elle a nié jusqu'à la fin.

Danielle Lozeau n'était pas une employée facile. Tout le monde semble d'accord là-dessus. Elle avait des différends avec sa patronne et certains employés du CPE depuis plusieurs mois. Mais c'était aussi une éducatrice folle de ses enfants et appréciée des parents.

Son suicide nous pousse à réfléchir sur la fragilité des garderies qui sont de petites organisations composées de gens bien intentionnés, mais pas toujours équipés pour faire face à des crises. On le voit rétrospectivement à la succession de bévues, petites et grandes, qui ont débouché sur ce drame.

PREMIÈRE ERREUR

Les parents du bébé n'ont pas été prévenus le jour de l'incident. Les faits reprochés à Danielle Lozeau sont survenus le 4 décembre. Mais la directrice de la garderie, Nathalie Montgrain, a attendu au 10 décembre, soit six jours plus tard, avant d'en parler à la mère. Un délai anormalement long qui a incité le ministère de la Famille à déclencher une enquête.

DEUXIÈME ERREUR

La garderie n'a pas assuré une assistance médicale au bébé, qui aurait été secoué « sept fois », selon un témoin. La mère a consulté un médecin une semaine plus tard, quand elle a été informée des faits allégués. Le médecin de l'hôpital où l'enfant a été examiné n'a décelé aucune marque de violence. Mais, conformément aux procédures, il a fait un signalement à la Direction de la protection de la jeunesse. Et la DPJ a ensuite informé la police, qui a mené une enquête.

TROISIÈME ERREUR

Mme Lozeau a été mise à la porte sans autre procédure. La directrice lui a remis un avis de congédiement le 9 décembre après l'avoir convoquée dans son bureau. Un agent de sécurité l'a aussitôt escortée vers la sortie. Au lieu de la congédier, n'aurait-on pas pu la suspendre avec solde en attendant de faire la lumière sur les événements ?

QUATRIÈME ERREUR

Une autre éducatrice a été suspendue sans raison connue. Le jour de l'éloge funèbre de Mme Lozeau, des employés de la garderie et des parents ont appris que cette employée du CPE, une grande amie de Mme Lozeau, avait été suspendue. Cette suspension serait liée « au diagnostic organisationnel réalisé par un conseiller en ressources humaines », a fait savoir un agent de relations publiques engagé par la garderie.

CINQUIÈME ERREUR

Le conseil d'administration du CPE a mis trop de temps à réagir. Ce n'est qu'en fin de semaine dernière que le C.A. a décidé de relever la directrice de ses fonctions pour une durée indéterminée. Six de ses membres ont remis leur démission du même coup. Des problèmes de coordination « ont mené à un fouillis administratif qui soulève d'importantes questions », ont-ils dit, admettant que les parents du bébé auraient dû être avertis le jour même et que les autres parents auraient dû savoir rapidement ce qui s'était passé.

J'arrête ici. Car quand on analyse la situation de l'extérieur, c'est assez facile d'identifier les erreurs et de trouver des coupables. Mais si on avait été à la place des membres du conseil d'administration, constitué en bonne partie de parents, aurait-on pu voir les problèmes de relations de travail, prendre les bonnes décisions et apporter les solutions appropriées avant que cela ne prenne de telles proportions ? Ce serait trop facile de dire oui. La vérité, c'est qu'on n'a pas la réponse.