Les membres du Saint-Jude Gym & Spa ne savent plus à quel saint se vouer pour récupérer leur argent. Le club haut de gamme, qui est doté de bains nordiques et d’équipements sportifs, a fermé ses portes inopinément la semaine dernière.

Une tuile de plus pour la rue Saint-Denis, qui voit les commerces fermer les uns après les autres. Le spa, situé à l’angle de la rue Duluth, se trouve dans l’ancien Sanctuaire du Rosaire et de Saint-Jude, un édifice magnifique qui a longtemps appartenu aux dominicains.

Le 25 mai dernier, les 700 membres du spa ont reçu un courriel les informant que les « services du Saint-Jude seront momentanément interrompus pour une durée encore indéterminée ».

« Le message était suffisamment vague pour semer le doute », raconte Hannah Brockow, qui craint de ne jamais être remboursée pour son abonnement aux bains qui lui coûtait 125 $ par mois.

La dame a d’ailleurs créé un groupe Facebook (Groupe de soutien – Le Saint-Jude ex-membres) où quelque 125 clients ont rédigé des commentaires inquiets. « Les histoires n’en finissent plus de finir. C’est incroyable », dit Mme Brockow.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Ces derniers jours, l’OPC a reçu une dizaine d’appels à propos du Saint-Jude.

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Pour certains membres, les sommes en jeu sont très importantes ; 14 personnes ont même payé pour un abonnement à vie qui leur a coûté entre 7000 $ et 15 000 $, m’a confirmé le coactionnaire du défunt spa, Antoine Attanasio.

Pourtant, la Loi sur la protection du consommateur (LPC) interdit aux studios de santé de conclure des abonnements d’une durée de plus d’un an. L’Office de la protection du consommateur (OPC) a déjà alerté le public contre les abonnements à vie en 2016. Il avait reçu des plaintes de consommateurs qui avaient perdu 1000 $ après la fermeture d’un centre d’entraînement auquel ils venaient tout juste de s’abonner.

Heureusement, les studios de santé doivent obtenir un permis de l’OPC et fournir un cautionnement qui a d’ailleurs été augmenté à 20 000 $ en octobre 2018 pour les nouvelles demandes et les renouvellements. Cela permet aux clients lésés de récupérer leur argent en cas de fermeture impromptue.

Cette protection n’est pas du luxe, car l’OPC gère actuellement des réclamations dans le cadre de la fermeture de 52 studios de santé à travers le Québec.

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Ces derniers jours, l’OPC a reçu une dizaine d’appels à propos du Saint-Jude. L’entreprise détient bel et bien un permis de studio de santé de l’Office depuis avril 2018. Elle a versé un cautionnement de 15 000 $ qui pourrait servir à indemniser les consommateurs au cas où l’émetteur de leur carte de crédit refuserait de les rétrofacturer, ce qui semble être malheureusement le cas pour certains clients.

« Parmi les conditions d’indemnisation, la réclamation doit notamment découler d’un contrat signé à un moment où le commerçant était titulaire du permis de l’Office », précise le porte-parole de l’Office, Charles Tanguay, qui souligne du même trait que l’OPC a retiré le permis de studio de santé à l’entreprise qui exploitait le Saint-Jude avant avril 2017.

Mais selon le coactionnaire Antoine Attanasio, les membres n’ont pas à s’en faire. « Tous les contrats ont été renouvelés avec le nouveau numéro de l’OPC », dit-il. De toute façon, il assure que les membres recevront une lettre d’ici 24 à 48 heures pour les informer du processus de transition.

Si tout va comme prévu, le gym devrait ressusciter le 8 juillet, m’a confié Numa Balmer, qui s’apprête à louer l’espace. Son nouveau concept de spa et gym sera baptisé Espace Thomas, en lien avec l’hôtel boutique St-Thomas de son entreprise de la rue Sherbrooke.

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Ce changement de nom tournera la page sur une aventure qui a été pénible depuis le début. 

Les propriétaires du Saint-Jude ont acquis l’édifice patrimonial en 2008 moyennant 1,2 million de dollars. Mais la Ville a mis quatre ans avant de leur accorder un permis pour les rénovations qui ont coûté 3,8 millions.

Après les travaux, la Ville a fait passer les taxes foncières de 25 000 $ à 130 000 $ par année. Par-dessus le marché, les propriétaires ont reçu une facture rétroactive de 380 000 $, puisque la hausse s’appliquait depuis la date de délivrance du permis. « Et ensuite, la Ville a éventré la rue Saint-Denis. Il y a eu un trou béant pendant 19 mois », se désole M. Attanasio.

En 2017, ses partenaires et lui ont dû céder l’édifice au créancier Prêts Via, qui leur a ensuite loué l’espace. Mais en mars dernier, ce prêteur a revendu l’immeuble et transféré les dettes de loyers impayés au nouveau propriétaire. Incapable de percevoir les loyers à son tour, celui-ci a procédé à l’évincement qui a entraîné la fermeture subite.

« Je trouve ça désolant. Ç’a été une surprise pour tout le monde », dit Alain Racine, coactionnaire du Saint-Jude, qui est aussi président de la chaîne de centres de physiothérapie Physio Extra.

Il n’y a pas à dire, les clients qui venaient tout juste de renouveler leur abonnement sont restés l’air bête. Autant que les employés qui ont appris le jour même la fermeture du spa.