La saison des impôts tire à sa fin. D’ici mardi prochain, le 30 avril, tous les contribuables devront avoir expédié leur déclaration de revenus. Reste à savoir ce qu’ils feront de leur remboursement d’impôt. Comment les couples diviseront-ils ce petit extra printanier ? Le partage sera-t-il équitable ?

La Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke s’est penchée sur cet enjeu délicat dans une étude publiée hier.

La question n’est pas simple, car même si les impôts sont calculés sur une base individuelle au Québec et au Canada, plusieurs mesures fiscales sont déterminées en fonction de la situation et des revenus de l’ensemble du ménage. C’est le cas des allocations pour enfants, de la prime au travail, des crédits de TPS et de Solidarité, pour n’en citer que quelques-unes.

Plus les revenus de votre famille sont élevés, moins vous recevez de cadeaux. Et ne pensez pas gonfler vos prestations en « oubliant » de présenter votre conjoint au fisc. Vous devez inscrire le nom de votre douce moitié dans votre déclaration de revenus. C’est obligatoire dès le mariage, la naissance d’un enfant ou après un an de vie commune. Point final.

Les couples ont avantage à faire leur déclaration ensemble afin de combiner sur la même déclaration de revenus certaines mesures comme les crédits non remboursables pour frais médicaux ou encore les dons à des organismes de bienfaisance.

Cela permet de maximiser les économies. Pour les dons de bienfaisance, par exemple, la première tranche de 200 $ donne droit à une déduction d’impôt fédérale/provinciale de 32,5 %. Au-delà de 200 $, la déduction grimpe à 48,2 %. En mettant tous les reçus sur la même déclaration, le couple atteint donc plus vite le taux le plus payant.

« Pour le couple, il y a un avantage à fusionner tous les dons sur la même déclaration. Mais si chacun des conjoints garde pour soi le remboursement, le conjoint qui a cédé ses reçus est perdant », explique Luc Godbout, professeur de fiscalité à l’Université de Sherbrooke et coauteur de l’étude.

Pour d’autres mesures fiscales, les couples n’ont tout simplement pas le choix. Au fédéral, par exemple, la déduction pour les frais de garde d’enfants doit absolument être appliquée aux revenus du conjoint qui gagne le moins. Cette façon de procéder ne tient nullement compte de celui qui a réellement payé la facture, ni dans quelles proportions. Cela pose un problème particulièrement criant pour les familles recomposées.

Disons qu’une mère rencontre un homme qui a des revenus moins élevés qu’elle. Dans leur prochaine déclaration de revenus, c’est lui qui devra déduire la facture de frais de garde des enfants de sa conjointe. Il touchera donc l’économie d’impôt, même s’il n’a rien payé du tout. Absurde.

Si les couples mettent tout en commun – revenus, dépenses, soldes et remboursements d’impôts –, la situation finit par s’équilibrer.

« Mais quand les gens gèrent leurs finances séparément, il peut y avoir des problèmes. Pour les couples recomposés, c’est encore plus complexe. Ils sont plus nombreux à gérer séparément. Beaucoup ne connaissent même pas le revenu de l’autre. »

— Hélène Belleau, professeure à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) et coauteure de l’étude

La majorité des couples mettent en commun leur remboursement d’impôt (36 %) ou se le partagent comme les autres revenus qu’ils gagnent (19 %). Mais dans bien des cas (29 %), les conjoints encaissent le remboursement qu’ils reçoivent chacun de leur côté, sans se poser plus de questions.

Dans ce cas, l’un des conjoints peut hériter des crédits et déductions de l’autre, sans vraiment s’en rendre compte.

Je veux bien croire que l’écrasante majorité des couples (84 %) affirment être au courant que certaines mesures fiscales peuvent être réclamées par l’un ou l’autre des conjoints, comme le démontre le sondage. Mais quand on leur demande comment ils optimisent ces mesures, la moitié des ménages (51 %) répondent qu’ils ont laissé le logiciel ou le comptable prendre la décision.

Alors je doute que les conjoints sachent exactement à quoi s’en tenir. Pour détricoter tout cela, les couples doivent isoler l’économie que chacun des conjoints a reçue, puis diviser ce montant en deux pour que celui qui en a profité au complet rembourse l’autre qui n’a rien eu. Mais j’ai l’impression que peu de couples s’adonnent à ce genre de calcul.

De toute façon, dans les deux tiers des couples, la corvée des impôts est vite confiée à un seul membre, le plus souvent l’homme… quoique les femmes soient plus susceptibles de s’occuper des impôts de toute la famille lorsqu’elles ont les revenus les plus élevés.

À peine 20 % des conjoints font leurs impôts ensemble. Je sais bien qu’il y a des activités de couple plus excitantes, mais ce serait quand même l’idéal que chacun plonge minimalement son nez dans sa déclaration de revenus, afin de comprendre la mécanique fiscale.

À tout le moins, les comptables qui font des déclarations de revenus devraient être plus attentifs aux modes de gestion que les couples utilisent. Ils ne peuvent pas simplement optimiser leurs déclarations en présumant que le couple met tout en commun. C’est loin d’être toujours comme ça que ça marche.

> Consultez l'étude de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l'Université de Sherbrooke