Chers consommateurs, ne vous réjouissez pas trop vite. Il est vrai que le Québec offre une meilleure protection que les autres provinces contre les cybercommerçants qui annulent des commandes parce qu'ils ont commis une erreur de prix.

Mais dans la pratique, les sites web n'en font qu'à leur tête. Et les tribunaux leur donnent parfois raison, a constaté Option consommateurs qui dévoile ce matin un rapport intitulé Aubaine ou problème technique ?.

Avec l'avènement du commerce en ligne, les problèmes d'étiquetage sont devenus un problème fréquent. Près du quart des consommateurs en ont déjà été victimes (24 %), démontre un sondage mené par le groupe de défense des consommateurs.

D'ailleurs, ces fausses aubaines fracassantes qui se terminent en queue de poisson font régulièrement les manchettes.

Vous vous souviendrez peut-être de Canadian Appliance Source, qui a vendu un lave-vaisselle 39 $ alors que le prix réel était de 1149 $. Le détaillant a annulé la transaction 45 minutes après avoir débité la carte de crédit du consommateur. S'cusez, on s'était trompé !

Même scénario chez Air Canada qui a vendu pour 800 $ au lieu de 8000 $ une carte valide pour 10 vols en classe affaires sur la Côte ouest. C'est fou comme un petit zéro peut faire une grosse différence ! Une action collective a été autorisée à cet effet en 2017. J'espère que l'affaire ira jusqu'au bout et fera jurisprudence, car il n'existe encore aucune décision rendue par un tribunal supérieur à ce sujet.

Mais Sears Canada reste le champion canadien des erreurs de prix à répétition. Juste avant sa faillite, le défunt détaillant a notamment vendu des matelas Simmons au prix de 150 $, alors que le véritable prix était de 1599 $ ou encore un module de jeu Little Tikes à 12,99 $ au lieu de 129,99 $. Des tonnes de commandes ont ensuite été annulées, ce qui a soulevé la colère des internautes.

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Pourtant, la Loi sur la protection du consommateur et le Code civil du Québec prévoient qu'un consommateur qui achète un bien à un prix erroné est en droit de le recevoir.

Mais lorsqu'une erreur survient, à peine le quart des entreprises (22 %) procèdent à la transaction, tandis que 9 % honorent partiellement les commandes jusqu'à rupture des stocks. À l'opposé, les deux tiers des sites web (69 %) annulent unilatéralement la commande en offrant parfois une légère compensation pour amadouer leur clientèle.

Bonne chance aux consommateurs qui veulent faire valoir leurs droits : la route est semée d'embûches. Plusieurs sites web leur mettent des bâtons dans les roues, insérant toutes sortes de clauses illégales dans leurs contrats.

Option consommateurs a analysé les politiques de 50 grands cyberdétaillants, comme Amazon, eBay, Air Canada, Best Buy et Archambault.

Ça n'a pas été de la tarte, car les conditions d'utilisation sont rédigées dans un jargon juridique lourd et alambiqué. Et l'information est souvent cachée dans un spaghetti d'hyperliens, parfois contradictoires.

Option consommateurs est tout de même arrivé à ces tristes statistiques : 

* Dans leur contrat, 88 % des entreprises se donnent la possibilité de ne pas respecter les représentations faites sur leur site web. Illégal au Québec !

* 54 % des commerçants se permettent d'exiger un prix supérieur à celui qui est annoncé, se donnant notamment le droit de corriger un prix à tout moment. Interdit aussi !

* 44 % des détaillants prétendent que leur contrat est soumis à une autre juridiction comme les Pays-Bas, la Californie, Hong Kong. Pourtant, les Québécois qui réalisent un achat en ligne sont protégés par les lois québécoises.

Même si ces clauses sont illégales, « cela a pour effet de faire croire aux consommateurs qu'ils ont moins de droits que ce qu'ils ont en réalité et cela les dissuade de faire valoir ces droits », déplore Me Elise Thériault, avocate chez Option consommateurs et coauteure de l'étude.

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Les décisions divergentes rendues par la Cour des petites créances ont aussi de quoi déboussoler les consommateurs.

Sur 13 jugements recensés par Option consommateurs, huit donnaient raison au client. Mais cinq étaient en faveur du marchand pour des raisons qu'Option consommateurs estiment mal fondées.

Certains juges sont plus tendres envers le commerçant, car ils considèrent qu'il n'avait pas l'intention de tromper ses clients. Mais la bonne ou la mauvaise foi du commerçant ne change rien au fait qu'il a commis une erreur dont il ne peut pas se laver les mains.

D'autres magistrats ont statué que le client savait qu'il était tombé sur un prix erroné, puisque le prix était manifestement trop bas. « Pourtant, c'est la responsabilité du commerçant de s'assurer qu'il présente une information véridique », estime Me Thériault.

À son avis, ces bourdes sont presque toujours une erreur inexcusable de la part du commerçant qui doit en subir les conséquences.

L'avocate souhaiterait que la protection québécoise soit étendue aux autres provinces canadiennes.

À défaut, Option consommateurs suggère de mettre en place une politique pancanadienne d'exactitude des prix 2.0 prévoyant des seuils à partir desquels une commande pourrait être honorée ou refusée.

Mais on se retrouverait alors avec un système à deux vitesses où les magasins en briques et béton devraient toujours honorer les prix affichés, tandis que les commerçants en ligne auraient plus de souplesse.

Je comprends qu'une erreur de prix puisse avoir des conséquences beaucoup plus lourdes pour un commerçant en ligne, car la fausse aubaine peut être publicisée en quelques minutes sur les médias sociaux et provoquer une avalanche de commandes.

Je comprends que les petits détaillants puissent y jouer leur chemise.

Mais une telle politique constituerait néanmoins un recul pour les consommateurs québécois.