Les plaques tectoniques bougent dans le monde de la fidélisation. Aimia a annoncé, hier, un partenariat avec Transat qui apportera un rayon de soleil à ses 5 millions de membres Aéroplan.

Du même coup, Aimia a annoncé une entente avec Flair Airlines, un transporteur de l'Ouest canadien qui s'est lancé dans les vols à bas coûts l'an dernier. La société mère d'Aéroplan avait aussi dévoilé une entente avec Porter Airlines au début d'août.

Et ce n'est pas tout. Aimia est en discussion avec Oneworld qui regroupe notamment American Airlines, British Airways et Japan Airlines, ce qui bonifierait son offre à l'international.

Tous ces ajouts entreront en vigueur en 2020, lorsque le partenariat de longue date avec Air Canada arrivera à échéance. À moins que cette brochette d'annonces ne soit qu'une tentative pour forcer Air Canada à surenchérir...

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Je vous rappelle qu'Air Canada a annoncé, en mai 2017, qu'il larguait le programme de fidélisation qu'il avait lui-même mis au monde 30 ans plus tôt. Le coup a été très dur pour Aéroplan, même si le programme volait de ses propres ailes depuis 2002. Son action s'est écroulée de 57 % à la Bourse, malgré son récent rebond.

Puis, coup de théâtre en juillet dernier. Avec un groupe de partenaires, Air Canada a offert 250 millions pour racheter Aimia, tout en s'engageant à assumer le passif du programme, soit la valeur des milles déjà émis, évalué autour de 2 milliards de dollars.

En rétrospective, Air Canada a envoyé Aimia au tapis pour ensuite la racheter à vil prix. Face au refus d'Aimia, Air Canada a bonifié son offre à 325 millions, mais Aimia n'a pas l'intention de régler à moins de 450 millions. Son plus important actionnaire, Mittleman Brothers, qui possède 18 % des actions, a même déclaré que l'entreprise valait plus de 1 milliard.

Bien malin celui qui prédira l'issue de ce bras de fer. Mais il est assez clair que le partenariat avec Transat tombera à l'eau si Air Canada reprend le contrôle d'Aéroplan. Pour l'instant, le partenariat entre Transat et Aimia n'est qu'une entente de principe dont les clauses restent secrètes.

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Mais une chose est sûre. L'entente est une très belle occasion de croissance pour Transat, m'a certifié Benoit Poirier, analyste financier chez Desjardins. Elle est aussi un atout pour les consommateurs, m'a assuré le chasseur de milles Jean-Maximilien Voisine, auteur du site web Milesopedia.com.

En fait, le ciel s'éclaircit pour les membres d'Aéroplan qui ont maintenant la certitude d'avoir accès à des vols intéressants après 2020, d'une manière ou d'une autre. L'association avec Transat et les autres nouveaux transporteurs pourrait même plaire davantage aux Québécois qui veulent utiliser leurs récompenses dans un contexte de loisirs, plutôt que dans le cadre de leurs affaires.

En effet, Transat offre de nombreuses liaisons vers le Sud en hiver et vers des villes européennes touristiques en été, ce qui fera le bonheur des vacanciers. Le taux de conversion des milles sera le même qu'en ce moment, a déjà établi Aéroplan. Par exemple, il faudra 15 000 milles pour un vol court-courrier en Amérique du Nord, 40 000 milles pour aller dans les Caraïbes et 60 000 milles pour se rendre en Europe.

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Toutefois, Transat a refusé de me dire si les membres d'Aéroplan allaient devoir payer les surcharges qui créent énormément de mécontentement en ce moment. Air Canada fait d'ailleurs l'objet d'une action collective à cet effet.

Dans certains cas, les surcharges et les taxes sont plus coûteuses que le prix de base du billet d'avion. Si vous achetez un billet aller-retour Montréal-Bordeaux avec Air Transat, par exemple, il vous en coûtera 1106 $ au total, dont plus de la moitié sera constituée de surcharges et de taxes.

À quoi bon utiliser 60 000 milles Aéroplan s'il faut ensuite payer un extra de 616 $? Ce n'est carrément pas avantageux. Sans compter que les cartes de crédit qui permettent d'accumuler des milles Aéroplan imposent souvent des frais annuels d'environ 150 $ par année.

Personnellement, je trouve que ces surcharges sont une façon détournée de dévaluer la valeur des milles accumulés par les membres. J'ose espérer qu'Air Transat suivra la voie de certains transporteurs étrangers, comme Swiss, qui ne facturent pas de surcharges aux membres d'Aéroplan.

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Toute cette saga démontre à quel point les points et les milles accumulés dans les programmes de fidélisation ont une valeur incertaine. La Loi sur la protection du consommateur (LPC) vient tout juste d'être bonifiée pour empêcher les programmes de réduire la valeur des récompenses de manière déraisonnable. Mais les systèmes sont si complexes qu'il sera difficile d'en faire la preuve en cour.

Pour profiter au maximum des programmes de fidélisation, il vaut mieux utiliser les points rapidement. Même si l'expiration des points trop vieux est maintenant interdite, rien n'empêche la disparation des points après un an si le compte est resté inactif.

Alors, n'attendez pas la retraite pour utiliser vos milles! Voyagez le plus vite possible. Sinon, tournez-vous vers une carte qui offre des remises en argent ou la possibilité de convertir vos points en services financiers (cotisation CELI, remboursement hypothécaire, etc.).

Ça fait moins rêver. Mais on sait à quoi s'attendre.