Même si le Québec s'est presque transformé en pays tropical cet été, les actifs de M.  Morissette sont complètement gelés depuis près de deux mois.

À la fin de mai, l'épargnant a décidé de consolider son Régime enregistré d'épargne-retraite (REER) à la même banque. Son conseiller a demandé le transfert des fonds communs de placement qu'il détenait dans une autre banque. Mais rien n'aboutit, malgré de nombreuses relances. « C'est comme si mon ancienne banque faisait traîner les choses. À moins que ce soit juste de la bureaucratie. Peut-on faire quelque chose ? », se demande-t-il.

Malheureusement, les retards de ce genre font souvent pester les investisseurs. En fait, les délais dans le transfert d'actifs arrivent en sixième position des problèmes les plus fréquents en matière d'investissement à l'Ombudsman des services bancaires et d'investissement (OSBI).

L'Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM) reçoit aussi son lot de plaintes. L'an dernier, il a répondu à 48 demandes de renseignements à propos des transferts de comptes, ce qui représente 5 % des demandes totales.

Sincèrement, je m'explique mal pourquoi les petits épargnants doivent parfois patienter une éternité pour déplacer leur argent sous une nouvelle enseigne. Ne vit-on pas à l'heure du « Flash Trading », où les courtiers aguerris peuvent négocier des actions mille fois plus vite que le temps qu'il vous faut pour cligner des yeux ?

Mais aussi étonnant que cela puisse paraître, il y a encore beaucoup de travail qui se fait à la mitaine dans les institutions financières. Et c'est ce qui étire les délais.

Quand le transfert peut être effectué électroniquement, le processus devrait être réglé en trois semaines tout au plus.

Pour les dépôts détenus dans des succursales bancaires, le délai de transfert maximum est de 7 jours ouvrables ou encore 12 jours en période de pointe, soit du 15 février au 31 mars.

Quand il s'agit de fonds communs de placement, les délais sont de 10 jours (incluant la compensation), selon les directives de l'Association canadienne des courtiers de fonds mutuels (MFDA).

Chez les courtiers de plein exercice, les délais ne doivent pas excéder 10 jours ouvrables (sans compter l'étape de la compensation qui peut ajouter quatre jours), d'après les règles de l'OCRCVM.

Selon l'organisme, jusqu'à 200 000 demandes de transfert sont traitées chaque trimestre. En moyenne, les transferts sont effectués dans un délai de 7,5 jours. Moins de 0,7 % des 200 000 demandes de transfert ne sont pas réglées dans le délai de 10 jours.

Je ne peux que m'en réjouir.

Mais il y a toutes sortes de circonstances qui font en sorte que le transfert doit être effectué manuellement. On doit alors s'attendre à des délais de trois à six semaines, rapporte l'OSBI. Et ça, c'est quand ça va bien ! Autrement, ça peut être encore plus long.

Les clients s'imaginent souvent que leur ancienne institution financière retarde le processus pour se donner le temps de les convaincre de rester chez elles. Mais en réalité, le transfert peut être ralenti par toutes sortes de raisons techniques.

Certains comptes vont nécessiter des formulaires et des procédures additionnelles, par exemple un compte en fidéicommis, explique le porte-parole de l'Autorité des marchés financiers (AMF), Jean-Maurice Bouchard.

Les comptes immobilisés (CRI, FRV) peuvent aussi prendre plus de temps. Idem pour les Fonds enregistrés de revenu de retraite (FERR), dont le transfert pourrait être ralenti afin de s'assurer que le retrait minimum requis a été effectué par l'ancienne firme.

Le transfert sera aussi plus délicat dans le cas de produits maison qui ne sont pas disponibles ailleurs, de produits complexes ou de produits qui ne sont pas offerts par le nouveau conseiller. L'ancienne institution devra liquider les placements avant le transfert. Mais il y aura du sable dans l'engrenage si le nouveau conseiller avait demandé le transfert en « biens » plutôt qu'en argent.

D'où l'importance de remplir le formulaire de demande de transfert comme il faut. D'ailleurs, les clients peuvent contribuer à accélérer le processus en veillant à fournir tous les renseignements dont les courtiers ont besoin.

« Nous constatons que les retards sont souvent causés par des renseignements incorrects, comme un nom incomplet et un numéro d'assurance sociale invalide », rapporte la porte-parole de l'OCRCVM, Andrea Zviedris.

Mais quand l'institution financière s'est véritablement traîné les pieds, l'investisseur peut réclamer une indemnisation dans la mesure où les délais indus ont entraîné une perte financière.

Cela se produit lorsque l'investisseur n'a pas été capable de vendre ou d'acheter des titres parce que ses actifs étaient gelés durant le transfert. Mais encore doit-il faire la preuve que la valeur des titres a fluctué à son désavantage.

Si le transfert s'éternise, les épargnants peuvent commencer par déposer une plainte écrite à leur institution financière. Lorsque ce n'est pas suffisant, ils peuvent ensuite s'adresser à l'OCRCVM, à l'OSBI ou à l'AMF.