Vous n'avez jamais pensé devenir centenaire comme la doyenne de l'humanité Jeanne Calment qui a vécu jusqu'à 122 ans en buvant son porto et en mangeant un kilo de chocolat par semaine ? Eh bien, vous pourriez être surpris.

Le quart des petites Québécoises nées ces jours-ci vivront jusqu'à 100 ans, ai-je appris en lisant une étude de l'Institut de la statistique du Québec (ISQ) sortie durant mes vacances. Je me permets de revenir sur la question, car ces chiffres sur l'espérance de vie ont un impact majeur sur votre planification financière.

« Notre espérance de vie, notamment celle passée à la retraite, pourrait être beaucoup plus longue qu'on a tendance à le croire », constate Frédéric F. Payeur, démographe, à la Direction des statistiques sociodémographiques à l'ISQ.

Il faut savoir que l'espérance de vie à la naissance, qu'on appelle aussi espérance de vie « du moment », ne tient pas compte de l'amélioration de la survie dont chaque génération bénéficie.

Pour avoir une idée plus juste de notre véritable espérance de vie, il faut donc utiliser l'espérance de vie « des générations ». Cette mesure se fonde sur l'hypothèse que l'espérance de vie continuera de s'améliorer, même si les gains risquent d'être moins phénoménaux, car il y a bien une limite biologique au corps humain.

Selon cette mesure, les fillettes nées en 2015 devraient vivre jusqu'à 92 ans, alors que l'espérance de vie le jour de leur naissance n'était que de 84 ans, un écart de 8 ans. Quant aux garçons, ils pourraient se rendre jusqu'à 90 ans, soit 10 ans de plus que leur espérance du moment, selon l'ISQ.

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Or, l'espérance de vie à la naissance a peu d'intérêt dans la planification de la retraite. Plus on avance en âge, plus notre espérance de vie augmente. Pensez-y : si votre espérance de vie est de 80 ans et que vous avez 79 ans et demi, il ne vous reste pas six mois à vivre !

Pour planifier sa retraite, il faut donc utiliser son espérance de vie à 65 ans. Mais là encore, cette cible n'est pas parfaite, car l'espérance de vie est une moyenne. Si elle est très utile pour un régime de retraite qui compte des milliers de participants, elle ne l'est pas pour un individu qui fait son plan de retraite en solo.

« Statistiquement parlant, le plan de retraite a une chance sur deux de ne pas marcher », dit Martin Dupras, président de ConFor Financiers.

Une chance sur deux, c'est trop risqué. Pour ne pas épuiser ses économies avant sa mort, il est donc préférable de viser une chance sur quatre (ou même une chance sur dix), selon l'Institut québécois de la planification financière (IQPF).

Voyons ce que ça donne. À 60 ans, un homme a une chance sur quatre de vivre jusqu'à 94 ans et une femme, jusqu'à 96 ans. Et si on prend un couple, il y a une chance sur quatre que l'un des deux conjoints soit encore en vie à 98 ans. Et une chance sur dix jusqu'à 101 ans.

Et voilà ! Cent ans. Pour faire un beau chiffre rond, c'est l'âge que les couples devraient utiliser dans leur plan de retraite.

Si vous êtes non-fumeur et financièrement plus aisé, sachez que vos chances d'atteindre cet âge vénérable sont plus fortes. En effet, les Québécois qui ont les revenus plus élevés (20 % supérieur) vivent quatre ans de plus que ceux qui ont les revenus plus faibles (20 % inférieur).

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La morale de l'histoire ? Les gens devront prendre leur retraite plus tard ou encore envisager une retraite progressive.

Même les employés qui bénéficient d'un régime de retraite à prestations déterminées devraient y penser à deux fois avant de dire bye bye boss. Ils ont peut-être une rente garantie à vie. Mais l'inflation en aura dévoré le tiers après 20 ans, et plus de la moitié après 40 ans. Misère !

Le retraité qui touche une rente de 20 000 $ aujourd'hui aurait besoin de 46 000 $ dans 40 ans pour maintenir son pouvoir d'achat, calcule M. Dupras. Or, très peu de régimes de retraite sont pleinement indexés, sauf ceux de l'État (RRQ, PSV, SRG), ce qui protège les retraités à revenus plus modestes.

Pour les autres, la seule façon de contourner le problème, c'est d'avoir des économies personnelles qui permettront de compenser la perte de pouvoir d'achat à un âge plus avancé, indique M. Dupras.

Mais les retraités sont récalcitrants à conserver leurs économies pour la fin. Ils veulent profiter des années où ils sont encore en santé pour voyager et s'amuser.

Plusieurs clients rigolent quand ils voient une planification de retraite sur 40 ans, raconte M. Dupras qui leur répond : « On peut vous faire vivre moins longtemps pour avoir plus d'argent à dépenser. Mais il y a un risque que vous arriviez un bon matin et que vous n'ayez plus une cenne. »

Préférez-vous mourir en laissant un héritage ou manquer d'argent de votre vivant ? Personnellement, je ne veux pas finir mes jours dans un CHSLD qui donne une seule douche par semaine.

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Dans ma chronique de samedi dernier, j'ai écrit que les biens acquis avant le mariage, ainsi que la plus-value réalisée sur ces biens durant l'union, n'ont pas à être partagés en cas de rupture. Or, pour les gens mariés en société d'acquêts, la plus-value durant le mariage doit être partagée. Toutes mes excuses.