Ce n'est pas pour rien que Donald Trump a prononcé son discours économique à Detroit hier. Detroit qui a perdu le tiers de sa population depuis les années 90. Detroit qui est l'épicentre de la « Rust Belt », cette « ceinture de rouille » rongée par l'érosion des emplois manufacturiers, une zone qui jouera un rôle clé dans l'issue de la prochaine campagne électorale américaine.

Le candidat républicain tentait de retrouver son élan après sa dégringolade dans les sondages la semaine dernière, qui a été déclenchée par les propos insultants que M. Trump a tenus sur la famille d'un soldat musulman mort en Irak.

Revenant à l'économie, l'homme d'affaires a joué sur les cordes sensibles du protectionniste et du populisme. « L'américanisation, plutôt que la mondialisation, sera notre credo », a-t-il martelé.

À l'écouter, relancer la machine économique américaine ne sera pas difficile pour un cent ! Déchirons les traités de libre-échange. Réduisons le fardeau réglementaire qui nous étouffe. Baissons les impôts. Plus de pétrole. Moins de santé. Et le tour est joué !

C'est le programme de l'avenir, a assuré M. Trump, dont l'équipe économique repose sur 13 experts, tous des hommes. Six Steve, zéro femme ! Rien de très rose dans l'avenir économique de M. Trump, dont le discours a été interrompu à maintes reprises par des opposants favorables à Hillary Clinton.

La candidate démocrate doit elle aussi prononcer une allocution sur son programme économique demain.

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N'empêche, le discours de Trump touche certainement les électeurs désabusés par les politiciens.

Il ne faut pas oublier que l'écart entre les riches et les pauvres s'élargit aux États-Unis et que les revenus des Américains stagnent depuis la crise du crédit.

Tout cela alimente la hargne de la classe ouvrière contre l'intelligentsia des grands partis politiques.

Bon nombre d'Américains ont la désagréable impression que leur gouvernement n'a pas bien défendu leurs intérêts. Le libre-échange, qui devait être synonyme de prospérité, est presque devenu l'ennemi public numéro un aux États-Unis.

Selon une enquête de Bloomberg réalisée en mars dernier, les deux tiers des Américains souhaitent une augmentation des restrictions à l'importation, souligne Angelo Katsoras, analyste géopolitique à la Banque Nationale.

C'est ce que leur offre Donald Trump, qui promet de renégocier l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), adopté sous le règne de Bill Clinton, et de déchirer le Partenariat transpacifique (TPP), dont Mme Clinton a été l'une des artisanes comme secrétaire d'État du président Obama, même si l'opinion publique la force maintenant à adopter une rhétorique protectionniste.

M. Trump veut aussi revoir les règles du jeu avec la Chine, qu'il a accusée « d'enfreindre les règles de toutes les manières imaginables ». Subventions illégales à l'exportation, manipulation de devises prohibée, vol de propriété intellectuelle.

En remettant la Chine au pas, M. Trump fait miroiter le retour de millions d'emplois en sol américain.

Oui, mais les emplois manufacturiers ne reviendront pas tous par magie. Il ne faut pas oublier que de nombreux postes sont disparus à cause de l'automatisation et des avancées technologiques.

« En effet, même si les manufacturiers américains produisent 47 % de plus en termes monétaires corrigés de l'inflation qu'il y a 20 ans, l'emploi dans ce secteur a reculé de 29 % pendant cette période », explique Angelo Katsoras.

Alors, ce n'est pas en déchirant des traités qu'on ramènera dans les usines les gens dont le travail n'existe tout simplement plus.

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Par ailleurs, M. Trump fait aussi saliver les contribuables avec des baisses d'impôt colossales.

Tout d'abord, il promet de réduire à 15 % l'impôt des entreprises qui en paient actuellement jusqu'à 35 % et même 40 % en incluant l'impôt des États.

Il veut éliminer « l'impôt sur la mort » et offrir une déduction fiscale plus généreuse pour la garde d'enfants, deux mesures qui profiteraient davantage aux familles riches, selon ses détracteurs.

Il compte aussi réduire de sept à trois le nombre de paliers d'imposition des particuliers, qui paieraient 12 %, 25 % ou 33 % selon la tranche de revenus. Précédemment, M. Trump avait promis d'abaisser leur taux marginal à 25 %, contre 40 % en ce moment. Mais une telle réforme aurait coûté les yeux de la tête.

En fait, l'ensemble du programme fiscal initial de M. Trump aurait gonflé le déficit des États-Unis de plus de 10 000 milliards US au cours de la prochaine décennie, selon la Tax Foundation, qui a tenu compte de la croissance économique résultant des mesures mises en place.

Pas très réaliste ! À moins de vouloir accorder des baisses d'impôt à crédit. Il y a donc fort à parier que M. Trump devra édulcorer ses promesses, si jamais il est élu.